Arts et culture
Moscou découvre Pelléas et Mélisande de Debussy
Les chanteurs Sophie Marin-Degor (Mélisande) et Jean-Sébastien Bou (Pelléas) dans une représentation de l’opéra de Debussy, Pelléas et Mélisande. |
Classique des scènes lyri
ques du monde entier, l’opéra de Debussy Pelléas et Mélisande a été monté pour la première fois en Russie, dans le prestigieux Théâtre Stanislavski. La mise en scène est signée du Français Olivier Py, la direction d’orchestre de son compatriote Marc Minkowski. 105 ans après sa première à l’Opéra-Comique, le 30 avril 1902, les efforts conjugués de Paris et de Moscou ont porté leurs fruits.
Il a donc fallu attendre 105 ans pour voir monter Pelléas en Russie. Et pourtant Debussy entretint des liens privilégiés avec les Russes, il a séjourné deux fois à Moscou comme pianiste chez Mme von Meck, protectrice de Tchaïkovski, il admirait Boris Godounov de Moussorgski, qui influença Pelléas. Et il a collaboré avec les Ballets russes pour lesquels il écrivit Jeux en 1912. Sans parler de la tournée triomphale que le compositeur français effectua en 1913, à Moscou et Saint-Pétersbourg, avec sa propre musique symphonique (Prélude à l’après-midi d’un faune, Nocturnes, La Mer), laquelle est entrée depuis longtemps au répertoire des grands orchestres russes. Pelléas n’avait jusqu’alors connu qu’une fragmentaire version en langue russe donnée en 1915 à Petrograd, avant d’être joué en version de concert par Manuel Rosenthal, qui en assura la création intégrale en 1987 à Moscou.
D’une grande puissance évocatoire et poétique, le Pelléas d’Olivier Py confirme que le nouveau directeur de l’Odéon est un très grand de la scène actuelle. Un ingénieux dispositif de Pierre-André Weitz, une série d’échafaudages métalliques disposés sur une tournette, permet à Py de développer danses de lumières (Mélisande et Pelléas au bord de la fontaine), visions bibliques (Mélisande, archange à l’épée tranchant ses cheveux pour le plaisir érotique de Pelléas), et fantasmes de transes (le sacrificateur aux bras rouges aiguisant son couteau pour la fête terrible des moutons d’Yniold).
Lestés des valeurs sûres que sont François Le Roux en Golaud, Jean-Sébastien Bou en Pelléas et Sophie Marin-Degor en Mélisande, Marc Minkowski a obtenu des chanteurs russes qu’ils assimilent ce qui s’apparente pour eux plus à la mélodie qu’à l’opéra. Incroyable tension dans la retenue de Dimitri Stepanovitch en Arkel, sensualité dans le timbre sang- mêlé de Natalia Vladimirskaïa en Geneviève. L’Orchestre du Théâtre Stanislavski aura tiré la musique de Debussy vers Wagner et Moussorgski, ce qui n’est pas un contresens : au terme de ces quatre représentations, Pelléas et Mélisande a vocation à entrer au répertoire des Russes. Quant à la France, il lui faudra attendre les années croisées France-Russie, autrement dit 2009 et 2010.