Arts et culture
Ambroise Vollard, le plus grand défenseur de l’art du XXe siècle
Le marchand d’art Ambroise Vollard, auquel le Musée d’Orsay consacre une vaste exposition, est un personnage essentiel de l’art moderne. Né à la Réunion en 1866, venu à Paris en 1887 pour faire ses études de droit, il les abandonne définitivement en 1892. Entre-temps, il a commencé à chiner dessins et gravures aux puces et s’est fait embaucher par la galerie L’Union artistique. En 1893, il ouvre sa première boutique au 39, rue Laffitte.
« La fortune vient
en dormant »
À deux jeunes étrangers qui désiraient ouvrir une galerie de tableaux en 1919 et lui avaient écrit pour lui demander conseil, Ambroise Vollard répondit : « Je n’ai pas, je ne connais pas de secret pour faire fortune. Mon expérience, dont vous me demandez de vous faire profiter, me rappelle seulement tout ce que je dois à mon invincible propension au sommeil. Maintes fois, l’amateur, entrant dans ma boutique, m’y trouvait assoupi. Je l’écoutais, encore à moitié endormi, en essayant péniblement de répondre. Le client, prenant pour un refus mon inintelligible ronronnement, augmentait progressivement son offre. De telle sorte que, quand j’étais à peu près réveillé, mon tableau avait obtenu une appréciable hausse. C’est le cas de dire que la fortune vient en dormant. Et c’est la grâce que je vous souhaite. »
La suite appartient moitié à l’histoire, moitié à la légende. En 1895, il expose trois artistes que ses confrères ignorent ou dédaignent : Gauguin, Van Gogh, Cézanne. En 1897, installé 6, rue Laffitte, il montre les Nabis et achète à Mallarmé les droits de publication du Coup de dés.
En 1898, il pose pour Cézanne. En 1900, il prend Gauguin sous contrat. En 1901, il présente pour la première fois Picasso. En 1903, à la vente posthume de la collection Zola, il achète tous les Cézanne. À cette date, il est déjà célèbre parmi les artistes et les collectionneurs – les Allemands tel Osthaus, les Russes tel Ctchoukine, les Américains tels les Stein.
Quelques faits encore ? En 1918, Vollard est l’un des témoins d’Apollinaire qui se marie. En 1927, il offre La Belle Angèle de Gauguin au Louvre... On n’en finirait pas. En 1939, il meurt après un accident d’automobile, et Picasso, qui déteste les enterrements, fait une exception pour le sien.
Ses portraitistes – Cézanne, Picasso, Bonnard, Vallotton, Renoir – ont dépeint un homme massif, grand et calme. Ses accès de mauvaise humeur étaient aussi fameux que ses somnolences, qui pouvaient l’endormir à tout moment de la journée.
Mais ce solitaire acariâtre a été le plus grand défenseur de l’art de son temps. Cet autodidacte avait un jugement artistique d’une justesse exceptionnelle et était totalement dénué de préjugés esthétiques. Autant par son importance historique que par sa singularité, il fait donc un formidable sujet d’exposition.
L’essentiel de l’exposition est consacré aux peintres qui ont fait la gloire de Vollard après qu’il les eut révélés. Il y a donc une grande salle de Cézanne, une plus petite de Van Gogh, d’autres de Degas, Renoir, Gauguin, Picasso, Derain. Toutes sont évidemment admirables et abondent en chefs-d’œuvre.