Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №19/2007

Mon amie la langue française

Надежда БУНТМАН , Галина КУЗНЕЦОВА

Современная французская литература 1985-2005 (лекция 3)

Содержание курса
№ газеты
Учебный материал
17
Лекция 1. Цели, задачи, содержание курса. Формы контроля. Библиография периодики и критики. Литературный пейзаж современной Франции. Писатели о читателе, книге и литературном творчестве.
18
Лекция 2. Литературные премии Франции. Писатели - продолжатели традиций: Орсенна, Дормессон, Киньяр, Эрно, Жермен, Макин и др. Текст.
19
Лекция 3. Бестселлеры: Бегбедер, Нотомб, Гавальда, Уэльбек и др. Текст.
Контрольная работа № 1.
21
Лекция 4. Автобиографии, традиционные и новаторские: Симон, Роб-Грийе, Модиано, Туссен, Бобен, Ндьяй и др. Текст.
22
Лекция 5. Детективный роман. Видение истории современными писателями: Симон, Руо, Турнье, Клодель и др. Текст.
23
Лекция 6. Детективный роман: Варгас, Маншетт, Денекс, Пеннак и др. Текст.
Контрольная работа № 2.
24
Лекция 7-8. Современные авторы в поисках новых форм: Эшноз, Шевийар, Володин, Новарина и др.
Итоговая контрольная работа.
Cours 3
Le phénomène des bestsellers :
Beigbeder, Gavalda, Houellebecq, Werber et autres

Habent sua fata libelli, chaque livre a son destin.
Comment les bouquins se font connaître ? Par tout un système de promotion et de diffusion qui est devenu commercial. Il est de plus en plus difficile pour les éditeurs de présenter un livre qui demande des efforts de la part du lecteur. Comme dans l’industrie et, malheureusement, dans la science, le résultat doit être immédiat. Le livre s’est transformé en « produit à vendre » et si on poursuit cette métaphore, la vraie qualité naturelle est substituée par des ingrédients chimiques. Il ne s’agit pas d’interdire d’acheter coca-cola ou chips, seulement il ne faut pas les considérer comme éléments de la « haute cuisine » qui fait partie du patrimoine national. Une situation pareille met en péril plusieurs composantes de la production et de la perception du livre facteurs.
Les éditeurs qui misent sur une vraie écriture ont beaucoup de peine à survivre ou se font acheter par de plus grandes maisons d’édition comme Hachette, un empire de livres ; les petites librairies qui se spécialisent dans tel ou tel domaine se ruinent ou se font acheter par de grandes surfaces où avec des carottes et des yaourts on passe à côté des bestsellers faciles à digérer. L’intérêt pour la lecture ne diminue point, au contraire, le nombre de bouquins qui paraissent tous les ans augmente. Et là, est observée une certaine « inflation éditoriale » selon l’expression de Dominique Viart, spécialiste de la littérature française contemporaine, celui qui, un des premiers, a osé proposer d’introduire dans le cursus scolaire et universitaire les œuvres des auteurs vivants ce qui a semblé scandaleux aux enseignants traditionalistes. En parlant des livres qui ont un succès commercial, Viart distingue deux catégories.
Il se peut que les lecteurs optent plutôt pour des livres faciles à lire, avec un sujet envoûtant, des aventures, romans policiers. Des livres pareils ont un grand succès, se vendent bien d’où leur nom de bestsellers. On les voit dans le transport commun, à la plage, ils se prêtent facilement au scénario. La première catégorie est appelée consentante, « c’est-à-dire une littérature qui consent à occuper la place que la société préfère lui accorder, celle d’un art d’agrément voué à l’exercice de l’imaginaire romanesque et aux délices de la fiction »1 . Dominique Viart souligne que dans ce cas-là on ne peut parler que de l’artisanat, pas de l’art.
Pourtant, à des fins pédagogiques, pour une initiation à la lecture facile, pour des apprenants débutants il est tout à fait possible de s’en servir à la condition de ne pas les présenter en tant que chefs-d’œuvre.
À cette littérature consentante qui a un grand succès au marché appartiennent de tels auteurs que Anna Gavalda, Martin Winckler, Amélie Notomb, Eric-Emmanuel Schmitt, Bernard Werber, et encore un nombre considérable de personnes qui sont connus et sont à la mode à un moment donné mais il y a peu de chances qu’ils resteront dans les annales des belles-lettres.
Leurs voies vers le livre ne sont pas pareilles.
Anna Gavalda, par exemple, avant de venir au roman et nouvelles fut lauréate de « la plus belle lettre d’amour » sur France Inter. Elle écrivait pour les autres des lettres en tout genre : de motivation, d’amour, de rupture... Une année plus tard, en 1997 Anna Gavalda gagne un concours de nouvelles policières organisées par la bibliothèque municipale de Melun. A cette occasion, elle achète un ordinateur chez un soldeur à Villejuif, et ne s’arrête plus d’écrire. Son premier vrai ouvrage, un recueil de nouvelles, Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part paraît aux éditions Le Dilettante. Gavalda traverse la société, croise des gens dont elle s’inspire et auxquels elle « pense pendant des heures voire des années ». Pour ce bouquin elle reçoit le grand prix RTL-Lire en 2000 ; depuis, ce livre ne quitte pas les classements des meilleures ventes et est traduit dans 19 langues. « Mon manuscrit a été refusé partout. Je ne m’attendais absolument pas à ce succès, mais je suis une fille assez fataliste, alors, je savoure », avoue-t-elle amusée. Elle ne se croit pas un génie et assure : « Il faut lire pour écrire. Amoureux ou pas, à Montrouge ou en Tanzanie, au Flore ou à la cantine, IL FAUT LIRE !!! Ceux qui écrivent et qui ne lisent pas ne font pas illusion longtemps. Il arrive toujours un moment où l’on s’en rend compte et ça ne passe plus. »2
Autres livres de Gavalda sont Je l’aimais, éd. Le Dilettante, 2002, un roman pour les enfants 35 kilos d’espoir, éd. Bayard jeunesse, 2002 et Ensemble c’est tout (le film éponyme – avec Audrey Tautou – a été réalisé par Claude Berri en 2006).
Martin Winckler, médecin de par sa formation et un fervent admirateur de Perec – le nom de Winckler figure dans le roman La Vie, mode d’emploi –,a triomphé dans La Maladie de Sachs (Prix du Livre Inter 1998) – film éponyme de Michel Deville a été récompensé aux festivals de San Sebastian et de Chicago. Mais un véritable succès lui vient avec Les Trois Médecins (qui s’intitulait originellement La Formation de Sachs), le livre qui raconte les sept années d’études de Bruno Sachs en reprenant la trame d’un des romans d’aventures, d’amour et de formation les plus célèbres de l’histoire de la littérature mondiale : Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas. Même pour un lecteur naïf, les parallèles sont évidents.

Amélie Nothomb a fait de ses extravagances un argument publicitaire et elle continue toujours cette stratégie : le livre Métaphysique des tubes (2000) propose son autobiographie de zéro à trois ans. Elle romance son expérience pénible du travail dans une boîte japonaise dans Stupeur et tremblements, puis elle rentre en Belgique et publie Hygiène de l’assassin chez Albin Michel, en 1992, le roman adapté pour le cinéma par François Ruggieri en 1999. C’est le début du succès. Désormais, Amélie Nothomb vit de l’écriture, sa passion. Elle y consacre au moins quatre heures par jour et dit écrire trois romans par an pour n’en publier qu’un seul (les autres étant selon elle trop personnels). Amélie Nothomb occupe une position paradoxale par rapport au langage. Ayant obtenu sa licence en philologie romane, elle se place en représentante du bon langage, du respect des normes grammaticales, lexicales, syntaxiques. Le protagoniste de Hygiène de l’assassin, l’écrivain Prétextat Tach tente de s’exprimer, de transmettre quelque chose au lecteur : « Quand je vous disais qu’on me lisait sans me lire [...] Je peux me permettre d’écrire les vérités les plus risquées, on n’y verra jamais que des métaphores. » Le roman Cosmétique de l’ennemi se présente sous forme d’un dialogue entre Jérôme Angust (qui attend son avion à l’aéroport) et Textor Texel, dont le nom témoigne de l’intérêt de Nothomb pour le texte (qui l’importune).
En une dizaine d’années, Eric-Emmanuel Schmitt est devenu un des auteurs francophones les plus lus et les plus représentés au monde. Ses livres sont traduits en 35 langues et plus de 40 pays jouent régulièrement ses pièces. Le Visiteur en 1993, un triomphe qui lui valut trois Molières en 1994 : Meilleur Auteur, Révélation Théâtrale, Meilleur Spectacle. Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, créé en décembre 1999 par Bruno-Abraham Kremer, n’a cessé de se jouer depuis, envoyé par le Ministère des Affaires Etrangères dans de multiples pays. François Dupeyron en a tiré un film de cinéma qui valut à Omar Sharif le César du meilleur acteur en 2004. Après, il publia La Part de l’autre (2001), livre plus sombre consacré à Hitler, le vrai et le virtuel puis une variation fantaisiste et satirique sur le mythe de Faust Lorsque j’étais une œuvre d’art (2002).
Les récits de son Cycle de l’Invisible ont rencontré un immense succès aussi bien en francophonie qu’à l’étranger, aussi bien sur scène qu’en librairie. Milarepa sur le bouddhisme, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran sur le soufisme, Oscar et la dame rose sur le christianisme et L’Enfant de Noé (2004) sur le judaïsme sont dévorés par des millions de lecteurs de toutes les générations. En automne 2004, le magazine Lire a effectué un sondage auprès des Français pour qu’ils désignent les « livres qui ont changé leur vie » : Oscar et la dame rose – fait exceptionnel pour un auteur vivant – s’est trouvé cité avec La Bible, Les Trois Mousquetaires ou Le Petit Prince.
Avec ses différentes trilogies (Les Fourmis, Les Thanatonautes, Les Dieux), Bernard Werber a réactualisé – avec beaucoup de succès – un genre peu exploré en France, le roman scientifique. Plutôt que de science-fiction, il préfère qualifier ses romans de philosophie-fiction, mêlant théories scientifiques plus ou moins avérées, aventures, et considérations philosophiques sur nos sociétés humaines. Il s’est aussi essayé à la bande dessinée et au cinéma ; il réalise actuellement un long métrage, Nos amis les terriens. Son dernier roman, Le Souffle des dieux, est sorti en octobre 2005, toujours aussi populaire auprès du public, mais toujours boudé par la critique. Avec 10 millions d’exemplaires vendus dans le monde, il est un des auteurs français actuels les plus lus. Cet auteur reconnaît privilégier l’action à la psychologie. « Je suis l’anti-Marguerite Duras! »
La deuxième catégorie des livres à succès que mentionne Dominique Viart est la littérature concertante, parce qu’elle mise sur « les clichés du moments et se porte à grand bruit sur le devant de la scène culturelle [...], sa recherche est celle du scandale calibré selon le goût du jour ». Des auteurs pareils sont des « maîtres » de la conjoncture du moment, ils savent quel type d’hameçon vont attraper sans faille le public, des journalistes et des critiques, qu’est-ce qui va les attirer. La vie des stars, les drogues, le sexe, la psychanalyse, le conflit entre les races, les religions et les groupes sociaux, telle est la liste incomplète des sujets de base de cette littérature. Certainement, il est possible d’étudier le quotidien d’après ces œuvres-là, d’en extraire la problématique et des expressions de la langue parlée, mais, dans la plupart des cas, ces livres ne donneront pas à réfléchir vraiment sur la condition humaine.
Un des représentants de cette littérature est Frédéric Beigbeder, quelqu’un de très controversé et contradictoire. Ce dandy aime son personnage et en même temps, il n’hésite pas à se critiquer dans ses autofictions. Il dénonce le système de la publicité, mais il y est resté 10 ans. Il est égoïste, lâche, cynique et obsédé sexuel – bref c’est un homme comme les autres. En 1990, il débute avec Mémoire d’un jeune homme dérangé, en parodiant et imitant le titre du célèbre livre de mémoires de Simone de Beauvoir. Viennent après : Vacances dans le coma (1994), L’Amour dure trois ans (1997), mais c’est avec le roman 99 francs appelé officiellement 14,99 euros qu’il est vraiment devenu un auteur de bestseller. Suivant toujours les sujets d’actualité cuisante, en 2003 paraît Windows on the world sur les événements sinistres du 11 septembre à New York.
Tout ce qu’il écrit est d’un style terriblement efficace, où le bon mot, l’élégante maxime l’emportent sur l’idéologie anti-mondialisation, anti-mercantiliste, anti-consumériste… Beigbeder, dans sa dénonciation du système capitaliste et sa peinture pamphlétaire du monde de la pub (qui n’a pas bien changé depuis les années 80) n’enfonce que des portes ouvertes. Passons donc sur les diatribes envers Coca, la malbouffe, le mensonge généralisé de la communication moderne, les fonds de pension, les Américains maîtres de l’Univers, bref tout le côté moral du livre, constamment désamorcé par un humour désopilant. En bon publicitaire, Beigbeder aime inventer des phrases et possède un sens de la formule assez puissant pour être tour à tour drôle ou destructeur. Il adore créer des aphorismes, souvent à partir des phrases des auteurs classiques comme Musset, Choderlos de Laclos et autres. Il a créé, en 1994, le Prix de flore du nom du célèbre café de Saint-Germain-des-Prés à Paris. Ce prix est doté de 6000 euros ainsi que la possibilité quotidienne pour le lauréat de se faire servir du vin Pouilly-fuissé, au Café Flore, dans un verre gravé à son nom et cela pendant un an. Ce prix automnal récompense chaque année un jeune auteur français au talent prometteur.
La carrière littéraire de Michel Houellebecq qu’on cite souvent à côté de Beigbeder commence en 1985, quand il publie un essai sur Lovecraft, écrivain américain. Dès le début il se pose dans ses écrits des questions existentielles, sur le bonheur et l’échec, sur la difficulté de l’insertion d’un individu dans la société humaine qui est cruelle et hostile. Houellebecq, malgré son succès fou sur le marché ne fait pas partie de la cohorte susmentionnée. Ses deux romans qui sont les plus connus et qui méritent d’être lus sont Extension du domaine de la lutte (1994) et Les Particules Elémentaires (1996) qui ont fait couler beaucoup d’encre. Le deuxième livre est maintenant traduit en 25 langues. Il y est question de parcours de deux demi-frères, Bruno et Michel, de frustrations de la génération des soixante-huitards. Houellebecq décrit des gens avec leurs complexes, problèmes, désirs. « Mes personnages ne sont ni riches ni célèbres ; ce ne sont pas non plus des marginaux, des délinquants ni des exclus. On peut trouver des secrétaires, des techniciens, des employés de bureau ; des cadres [...], donc, des gens tout à fait moyens ».
Dans l’Éditions Stock et du Panama, en 2006, a paru un recueil d’essais Ce que peut la littérature. Alain Finkielkraut, philosophe et homme de lettres qui a dirigé ce travail, dans une des interview précise : « Aujourd’hui, nous n’avons pas le choix entre la littérature et la non-littérature, mais entre la bonne et la mauvaise littérature. Ceux qui ne lisent pas sont quelquefois, à leur insu, la proie de certains schémas littéraires. Ils vivent dans le mélodrame, ils s’enchantent de situations binaires. Ce qui les excite, c’est l’opposition tranchée du bien et du mal. Or, l’une des conquêtes, préalable même au roman, de la littérature, c’est le tragique, la découverte que deux positions peuvent en quelque sorte avoir raison en même temps. Cette découverte, qui date d’Antigone, le roman l’a en quelque sorte prolongée. C’est celui-là, l’enjeu de la survie de la littérature. Si celle-ci s’éclipse, ce sera au bénéfice de la mauvaise... [...] Faire d’une œuvre simplement un lieu d’expression, c’est, à mon avis, renoncer à la grande ambition qui est présente chez les meilleurs romanciers: élucider, divulguer, découvrir des territoires inconnus de l’existence humaine. »

TopList