Mon amie la langue française
Надежда БУНТМАН , Галина КУЗНЕЦОВА
Современная французская литература 1985-2005 гг. (лекция 5)
Содержание курса
№ газеты |
Учебный материал |
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Лекция 1. Цели, задачи, содержание курса. Формы контроля. Библиография периодики и критики. Литературный пейзаж современной Франции. Писатели о читателе, книге и литературном творчестве. |
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Лекция 2. Литературные премии Франции. Писатели - продолжатели традиций: Орсенна, Дормессон, Киньяр, Эрно, Жермен, Макин и др. Текст. |
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Лекция 3. Бестселлеры: Бегбедер, Нотомб, Гавальда, Уэльбек и др. Текст. Контрольная работа № 1. |
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Лекция 4. Автобиографии, традиционные и новаторские: Симон, Роб-Грийе, Модиано, Туссен, Бобен, Ндьяй и др. Текст. |
22 |
Лекция 5. Детективный роман. Видение истории современными писателями: Симон, Руо, Турнье, Клодель и др. Текст. |
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Лекция 6. Детективный роман: Варгас, Маншетт, Денекс, Пеннак и др. Текст. Контрольная работа № 2. |
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Лекция 7-8. Современные авторы в поисках новых форм: Эшноз, Шевийар, Володин, Новарина и др. Итоговая контрольная работа. |
Cours 5
Le roman historique
Le roman historique a toujours été « à la mode » en France. Mais, selon le moment, cette attraction pour des sujets liés aux événements réels prenait des formes différentes. Si on se réfère aux époques choisies par les écrivains des XXe-XXIe siècles une gamme très large se présente : dès romans dont l’action se situe au Ier siècle après J.-C. (Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar) jusqu’aux nombreuses œuvres parlant des grandes catastrophes des Temps Modernes.
Le « roman historique » est une notion ambiguë car « roman » est une fiction, un fruit de l’imagination de l’écrivain, et « historique » sous-entend un lien direct avec le réel, un récit véridique sur le passé. Chaque auteur choisit sa façon de sortir de l’ambiguïté de l’expression : le rôle du sujet et des personnages historiques peut être très varié.
L’histoire romanesque peut tourner autour d’un événement réel pour :
• servir de fond pour un récit que ce soit un policier, une intrigue amoureuse ou un roman psychologique ;
• être au centre d’attention pour décrire une certaine époque historique vue par l’écrivain ;
• servir de point de départ pour une analyse du passé vécu pour en tirer des leçons ;
• créer une atmosphère d’aventure, de dépaysement, d’exotisme ;
Ou autour d’un personnage réel qui peut :
• devenir le héros principal conduisant le lecteur à travers l’époque où il a vécu ;
• rester un personnage secondaire pour apporter de l’authenticité dans une histoire de fiction.
Dans tous les cas le roman historique demande, avant tout, une documentation très détaillée et précise, l’auteur est appelé à prouver la véracité de son histoire en cherchant appui dans des documents authentiques, des archives, des correspondances de témoins oculaires : en témoigne l’impressionnante bibliographie que Marguerite Yourcenar a présenté en note en publiant son roman.
Au cours des années 1960-1970, époque des recherches formelles en littérature, le roman historique traditionnel a perdu en partie ses positions. Les règles élaborées depuis des siècles ont été renversées par les écrivains de cette génération, les notions principales qui paraissaient incontournables pour un récit historique – lieux indiqués, dates précises, personnages bien ancrés – ont perdu leur sens originaire. Mais à partir des années 1980 la nécessité de raconter l’Histoire se fait voir, de nouveau. Cependant, les écrivains de la fin du XXe siècle ont d’autres enjeux : ils s’intéressent moins à l’antiquité ou au Moyen Âge (on ne peut pas cependant passer sous silence Terrasse à Rome de Pascal Quignard, L’Invitation de Michel Desbordes et d’autres) en se concentrant avant tout sur l’histoire de leur siècle tourmenté pour comprendre ce qui s’est passé en réalité. Et la manière qu’ils choisissent pour parler du passé a aussi changé : le récit basé sur la chronologie des événements cède la place à une écriture hésitante, fragmentaire et désordonnée.
Leur intérêt se porte d’abord vers la Grande Guerre de 1914 car ils sont sûrs que c’est à partir de cette date que commence une autre ère. Presque en même temps, paraissent le roman L’Acacia du grand maître du Nouveau Roman Claude Simon (1989), Les Champs d’honneur du débutant Jean Rouaud (le succès de son roman a été récompensé par le prix Goncourt, 1990) et Un Long Dimanche de fiançailles du célèbre auteur de romans policiers Sébastien Japrisot (1991). On pourrait encore citer Le Livre des nuits de Sylvie Germain, La Gloire des Pythre de Richard Millet, Le Der des ders de Didier Daeninckx, Les Âmes grises de Philippe Claudel et beaucoup d’autres. L’histoire du début du siècle attire l’intérêt des auteurs et des lecteurs qui cherchent dans le passé sanglant les origines de tout ce qui suivra.
Les récits sur la Grande Guerre prennent souvent la forme d’une autobiographie. Ainsi, Claude Simon évoque la mort de son père et redevient enfant dans son roman, Jean Rouaud se souvient du deuil de son grand-père qui a marqué son enfance. Ces deux écrivains qui appartiennent à des générations différentes (le premier, né pendant la Grande Guerre et le deuxième, sept ans après la Seconde) ont pourtant adopté une manière qui a des points communs. Claude Simon a déjà été le grand maître du Nouveau Roman quand Jean Rouaud, tout en créant son propre style et sa phrase particulière, a débuté par Les Champs d’honneur. Ils renoncent, tous les deux, à la structure linéaire du récit, ils n’ont pas l’intention de plonger le lecteur dans l’époque décrite : ils font un va-et-vient incessant entre les périodes différentes de leur vie et de la vie de leur famille. Leur enjeu n’est pas tant de restituer le temps de la Guerre mais, comme écrit Dominique Viart « d’interroger la mémoire, de suspecter une autre réalité derrière les écrans disposés par l’Histoire officielle des manuels scolaires ».
Parfois, ce sont des récits de quête comme au début de L’Acacia et dans Un Long Dimanche de fiançailles dont Jean-Pierre Jeunet a tiré un film. Ce dernier roman raconte l’histoire d’un très jeune soldat jeté dans les tranchées et condamné à mort pour une mutilation préméditée. L’auteur ne cache pas sa compassion et sa douleur en parlant de ce gamin : « Il avait peur de la guerre et de la mort, comme presque tout le monde, mais peur aussi du vent, annonciateur des gaz, peur d’une fusée déchirant la nuit, peur de lui-même qui était impulsif dans la peur et n’arrivait pas à se raisonner, peur du canon des siens, peur de son propre fusil, peur du bruit des torpilles, peur de la mine qui éclate et engloutit une escouade, peur de l’abri inondé qui te noie, de la terre qui l’enterre, du merle égaré qui fait passer une ombre soudaine devant tes yeux, peur des rêves où tu finis toujours éventré au fond d’un entonnoir, peur du sergent qui brûle de te brûler la cervelle parce qu’il n’en peut plus de te crier après, peur des rats qui t’attendent et viennent pour l’avant-goût te flairer dans ton sommeil, peur des poux, des morpions et des souvenirs qui te sucent le sang, peur de tout ». Sa fiancée Mathilde ne cesse pas de le chercher malgré le faire part officiel qui lui a annoncé la mort de son bien-aimé sur un champ de bataille. Le récit de Sébastien Japrisot n’est pas linéaire non plus, il se déplace constamment pour raconter plusieurs histoires de victimes de la guerre et de leur famille.
Philippe Claudel dans Les Âmes grises choisit une autre approche. Chez lui, pas de scènes violentes, pas d’obus ni de soldats sur un champ de bataille. La guerre sert de toile de fond sur laquelle se déroulent des événements non moins tragiques. Son récit poignant démontre que le destin des gens vivant loin du front qui entendent parfois les sons de la canonnade et rencontrent des mutilés dans la rue peut en dire plus long sur les horreurs de la guerre que des récits de tranchées.
La Seconde Guerre mondiale marquée par des exterminations massives, la « Shoah » et une désillusion globale n’a été qu’une suite tragique de la première. Elle a été évoquée, à partir des années 60, dans les œuvres des écrivains mondialement connus comme Georges Perec, W ou le souvenir d’enfance, Michel Tournier, Le Roi des Aulnes, Claude Simon, La Route des Flandres, Julien Gracq, Le Balcon en forêt aussi bien que dans celle de l’auteur débutant Patrick Modiano, La Place de l’Étoile.
La Route des Flandres dont l’auteur a été couronné du Prix Nobel a fait couler beaucoup d’encre. Les collègues de Claude Simon qui partageaient ses idées théoriques sur le Nouveau Roman lui ont reproché un récit trop documenté, d’autres au contraire n’y voyaient qu’une expérience formaliste. L’écrivain a mis en pratique une technique toute neuve : il a découpé l’histoire qu’il avait à raconter en mille morceaux qu’il a marqué par des couleurs différentes pour la recomposer ensuite selon des critères plutôt esthétiques comme un patchwork multicolore. Cependant, beaucoup plus tard Simon avoue que son récit était très proche de la réalité. Les scènes cruelles de la retraite des soldats qui ont réussi à échapper au carnage sont devenues classiques.
Michel Tournier ne décrit pas de scènes de bataille : il peint la vie d’un homme déformé par l’idéologie de la guerre. Abel Tiffauge, personnage principal du Roi des Aulnes, un ogre qui emporte des garçons allemands pour les jeter dans les derniers combats du Reich agonisant finit par mourir en sauvant un enfant juif. Tout en racontant une histoire de fiction Tournier évoque avec beaucoup de précision l’Allemagne nazie en introduisant dans son roman le personnage réel du Reichmarschall Göring.
Le temps de l’Occupation allemande est particulièrement trouble pour l’histoire française. Si dans l’après-guerre immédiat Sartre, Camus, Merle, Aragon et plusieurs écrivains-communistes ont surtout chanté les exploits des résistants en montrant les nazis comme une masse barbare, cruelle et dépourvue d’intelligence, dans les années 70, l’optique change. Les écrivains connus sous le nom de « Hussards » (Roger Nimier, Antoine Blondin et d’autres) ont pris une tonalité plutôt ironique en décrivant les évènements de cette période douloureuse. Chez eux comme plus tard chez Robbe-Grillet dans Romanesques les Allemands sont montrés comme des gens civilisés et l’Occupation comme une époque tranquille et pas du tout tragique.
Le seul écrivain qui ait centré presque toute son œuvre sur l’Occupation c’était Patrick Modiano, né en 1945. La guerre qu’il n’avait pas vécue l’a marqué profondément. Dans ses romans, il part d’un fait divers sans importance survenu dans le métro de Paris ou dans une rue nocturne pour commencer une longue quête à la recherche des traces de quelqu’un qui ait été marqué par la guerre. Pour lui, la guerre n’a apporté que des pertes, de soi-même, de la mémoire, des amis, des amants, des parents, de l’identité.
Actuellement, la littérature ne cesse de revenir à toute sorte de cataclysmes dont les deux guerres mondiales sont des prototypes. Agota Kristof dans sa trilogie Le Grand Cahier, La Preuve, Le Troisième Mensonge, a envie d’apporter encore un témoignage sur cette période qu’elle perçoit comme un temps trouble et incertain. Elle dit, par la bouche d’un de ses personnages : « J’essaie d’écrire des histoires vraies mais, à un moment donné, l’histoire devient insupportable par sa vérité même, alors je suis obligé de la changer ». Les traces de guerre restent ineffaçables. On les retrouve dans les livres qui parlent du terrorisme ou des « petites » guerres dont nous sommes témoins. C’est aussi le cas des œuvres proches de la science-fiction que Dominique Viart, dans son ouvrage La littérature française au présent appelle « postapocalyptiques », par exemple les romans d’Antoine Volodine dont l’atmosphère lugubre et sans issue rappelle celle des anti-utopies d’Orwell.
Philippe Claudel
Les Âmes grises
(extrait)
Au matin du 3, alors que je pataugeais sur la route pour revenir chez nous, les gendarmes arrêtent deux jeunes gars, à demi morts de faim et de froid. Deux déserteurs. Du 59e d’infanterie. Ce n’était pas les premiers que la maréchaussée récupérait dans sa nasse. Depuis quelques mois, c’était le début de la débandade. Il en filait ainsi du front chaque jour, et qui allaient se perdre dans la campagne, préférant parfois crever tout seuls dans les fourrés et les boqueteaux plutôt que d’être hachés par les obus. Disons que ces deux-là tombaient bien. Pour tout le monde : pour l’armée qui voulait faire un exemple, et pour le juge qui cherchait un coupable.
On promène les deux mômes dans les rues. Avec deux pandores qui fanfaronnent. Les gens sortent pour les voir. Deux gusses, deux gendarmes. Deux loqueteux, hirsutes, l’uniforme en quenouille, les visages pas rasés, des yeux qui tournent dans tous les sens, le ventre creux, le pas faible, tenus d’une poigne ferme par deux gendarmes, des vrais, grands, forts et roses, les bottes cirées, le pantalon repassé, l’air des vainqueurs.
La foule grossit et, on ne sait pas pourquoi, peut-être parce que c’est toujours bête une foule, elle se fait menaçante, serre de plus en plus les prisonniers. Des points se brandissent, des insultes volent, des cailloux aussi. Une foule, c’est quoi ? c’est rien, des pécores inoffensives si on leur cause yeux dans les yeux. Mais mis ensemble, presque collés les uns aux autres, dans l’odeur des corps, de la transpiration, des haleines, la contemplation des visages, à l’affût du moindre mot, juste ou pas, ça devient de la dynamite, une machine infernale, une soupière à vapeur prête à péter à la gueule si jamais on la touche.
Devoirs
1. De quelle guerre s’agit-il dans ce texte ? Justifiez votre réponse.
2. Quels temps verbaux reviennent le plus souvent dans le texte ? Avec quelle valeur ?
3. Relevez les indices de la présence du narrateur dans le texte, la manière dont il interpelle le lecteur et le fait participer à la scène décrite. Est-ce que son récit est objectif ?
4. Est-ce que les soldats arrêtés sont les personnages principaux de ce texte ? Sinon, quel est leur rôle ?
5. Le pronom indéfini « on » est employé quatre fois dans le texte ? Retrouvez pour chaque emploi un équivalent dans la liste ci-dessous :
• nous ;
• les soldats ;
• la foule ;
• les gendarmes ;
• les hommes.