Je vous salue, ma France
Galina MELNIKOVA
À table
La cuisine française jouit d’une grande réputation dans des nombreux pays. On vante sa légèreté, sa finesse, laissant entendre, en quelque sorte, qu’elle s’accorde bien avec l’intelligence et l’esprit.
Les traditions culinaires françaises sont très anciennes. La langue gastronomie date, en France, du siècle de Louis XIV. Une tradition vinicole ancienne a sans doute développé le goût pour la bonne chère. La bienveillance de l’Église catholique envers la nourriture et le vin (contrairement à l’Église protestante, par exemple) a aussi favorisé le raffinement culinaire. On note à maintes occasions dans l’Histoire le rôle de la gastronomie dans la politique et la diplomatie... Bien des affaires, des traités, des conflits, se sont réglés lors d’un banquet à Paris.
Sous le règne de Louis XIV, à la Cour et dans la haute noblesse, il y avait parfois jusqu’à quarante-huit plats dans un souper, mais on ne mangeait pas tout ! Le repas était divisé en trois, quatre ou cinq services : les hors-d’œuvre, les entrées, les rôtis, les entremets. On apportait un ensemble de plats (parmi lesquels on choisissait ce qu’on voulait), puis on desservait et on apportait une nouvelle série de mets, chaque ensemble constituant « un service ». C’est au milieu du XVIIIe siècle qu’on se mit à présenter aux invités les premiers « menus », sous la forme de cadrans divisés en quartiers symbolisant les différents services. Les premiers restaurants se sont ouverts à la fin du XVIIIe siècle. Au XIXe siècle, le menu permettait aux convives de savoir si on allait leur servir un repas « à la française » (avec plusieurs services) ou bien un repas dit « à la russe », qui se répandait de plus en plus, et où il n’y avait qu’un seul service. Peu à peu, le menu s’imposa dans les banquets. On prit aussi l’habitude de le proposer dans tous les restaurants, même modestes, pour indiquer la totalité des plats et boissons proposés, avec les prix. Née en France, la vogue du menu gagna les pays limitrophes, puis le monde entier.
VOCABULAIRE
vinicole adj – винодельческий
hors-d’œuvre (m) – закуска
entrée (f) – зд. закуска
entremets (m) – лёгкое блюдо, подаваемое перед десертом
Tout change, même les Goûts
Les goûts en France ont beaucoup changé au cours de l’histoire. Aux XIVe et XVe siècle, le goût pour les épices était très prononcé, surtout dans l’aristocratie. Un grand nombre de ces épices a disparu aujourd’hui, puisqu’on n’utilise guère ordinairement que le poivre, le clou de girofle, le cumin, la cannelle, la muscade ; mais on accorde toujours une grande place aux assaisonnements. Les recettes montrent qu’on affectionnait les éléments acides, comme le vin, le vinaigre, la groseille. Le goût pour le sucré s’est développé tardivement et modérément, avec une séparation assez nette entre le salé et le sucré. Il y a peu de plats salés-sucrés dans la cuisine traditionnelle. Les sucreries sont bien souvent considérées comme des aliments pour les enfants et pour les femmes.
Ce qui continue à différencier les Français des autres Européens, c’est leur goût pour les aliments forts. Ils boivent du café noir (avec une prédilection pour le pur Arabica) plutôt que du café crème. Ils préfèrent le chocolat noir au chocolat au lait, les yaourts nature aux yaourts sucrés ou parfumés aux fruits, la moutarde forte à la moutarde aux condiments. Ils aiment les aliments qui ont une odeur, que ce soit les fromages ou le pain qui sort du four. Il n’y a pas de plus beau compliment quand on est invité à manger chez quelqu’un que de dire : « Ça sent bon ! »
VOCABULAIRE
épice (f) – пряность
clou (m) – de girofle гвоздика (пряность)
cumin (m) – тмин
cannelle (f) – корица
assaisonnement (m) – приправа
affectionner vt – питать расположение, любить
acide adj – кислый
groseille (f) – смородина
prédilection (f) – предпочтение
condiment (m) – приправа, специи
Grande et nouvelle cuisines
Apprécier la bonne nourriture, être gourmet, font partie de la bonne éducation et des qualités qu’une personne doit avoir. À l’inverse, quelqu’un qui n’est ni gourmand ni connaisseur, qui ne manifeste aucun intérêt pour la table, présente la très mauvaise image d’un personnage grossier, peu sociable. Un des grands plaisirs qu’il est important de savoir partager est de manger et de parler de ce qu’on mange. La gastronomie fait partie du patrimoine culturel, les scènes de ripailles et de « bonnes bouffes » jalonnent la littérature. Une véritable culture culinaire s’est développée, avec d’innombrables livres de recettes, des revues spécialisées, des rubriques gastronomiques, des guides de bons restaurants.
Ce qu’on appelle « la grande cuisine », ce sont les mets raffinés que l’on mange essentiellement dans les très grands restaurants. Mais les cuisiniers amateurs – aussi bien les hommes que les femmes – connaissent un certain nombre de bonnes recettes, transmises par des parents ou des amis, qu’ils se font un plaisir de mijoter lorsqu’ils ont des invités. Ce qu’on qualifie de « cuisine bourgeoise », c’est la cuisine classique : le pot-au-feu, le canard aux navets, le gigot d’agneau aux flageolets, le coq au vin, des recettes traditionnelles mais qui obtiennent toujours un franc succès.
Dans les années 70, du XIXe siècle est apparue la mode de « la nouvelle cuisine », qui bouleversait les règles de la cuisine traditionnelle. Elle prônait l’utilisation de produits sains et naturels, les légumes à peine cuits, la diminution des graisses et des calories, la cuisine à l’huile (plutôt que la cuisine au beurre), ou mieux encore la cuisson à la vapeur. La nouvelle cuisine inventa des plats aux noms à faire rêver : « la caille rôtie sur son lit de petits légumes », « l’œuf au plat au paillasson de tomates et basilic ». Vive la légèreté et la minceur ! Mais les restaurants nouvelle cuisine présentaient des assiettes souvent bien peu remplies... et des additions « salées » ! La guerre qui s’est menée pendant quelques années entre les partisans de la nouvelle cuisine et ceux de la cuisine bourgeoise a été largement gagnée par ces derniers.
VOCABULAIRE
patrimoine (m) – наследие
ripaille (f) – кутёж, пирушка
jalonner vi – отмечать вехами, появляться там и сям
mijoter vt – томить, варить на медленном огне; зд. подготовлять потихоньку
gigot (m) – d’agneau aux flageolets – баранья ножка с фасолью
paillasson (m) – коврик, половичок