Je vous salue, ma France
L’Île-de-France
Prenez un compas, placez-en la pointe sur Paris, ouvrez selon un diamètre correspondant à environ 100 kilomètres, tracez le cercle : vous obtenez l’Île-de-France.
Avant la naissance des chemins de fer, il fallait une journée pour parcourir à cheval cette distance. Sur ce cercle, des forteresses dressent encore leurs épaisses tours et murailles, comme à la Roche-Guyon ou aux Andelys-sur-Seine, au nord-ouest de Paris. Là, se situait la frontière avec le duché de Normandie.
À l’est, Provins, ville fortifiée, aux limites de la Champagne, avec ses remparts et ses maisons médiévales, nous donne l’impression d’être au Moyen Âge.
Au nord, Senlis, sa cathédrale et son lacis de ruelles ont vu les premiers rois de France. C’est là, qu’en 987, Hugues Capet a été sacré roi, le premier de la dynastie des Capétiens.
Toujours sur ce pourtour, de grandes cathédrales gothiques se dressent depuis le XIIe siècle, comme celles de Beauvais, de Reims ou de Chartres.
Certes, Reims est en Champagne, à 150 kilomètres de Paris, mais c’est dans cette cathédrale qu’ont été sacrés tous les rois de France. Elle possède une splendide façade gothique avec un grand portail central consacré à la Vierge. Sur le portail de gauche, l’Ange au sourire et, au-dessus, la galerie des rois avec la représentation du baptême de Clovis. C’est cet événement qui crée la royauté catholique, face au monde barbare, en 496. À l’intérieur, au milieu de vitraux anciens, une surprise : les six grands vitraux réalisés par Marc Chagall avec leur dominante de bleu.
Beauvais, au nord, ne dresse que son cœur et son transept. La cathédrale est inachevée et n’a pas de nef. Mais quelle hauteur ! Plus de 48 mètres ! La cathédrale la plus haute de la chrétienté ! Une telle prouesse technique dépassait les normes du temps. La voûte s’est effondrée en 1284, mais fut immédiatement refaite, sans que l’on puisse poursuivre la construction d’une cathédrale décidément trop coûteuse.
Chartres, enfin, ouvre son portail central aux gracieuses statues longilignes, soulignées par le drapé délicatement sculpté des vêtements. Le portail de l’Alliance montre la Genèse et la vie de la Vierge en un foisonnement de statues expressives et variées.
À l’intérieur, on est émerveillé par la magie des vitraux d’un bleu lumineux, le célèbre bleu de Chartres.
L’Île-de-France renferme, entre ses vastes forêts, de grandes abbayes, plus ou moins en ruines, et une multitude de châteaux. Parmi les abbayes on peut voir Port-Royal-des-Champs qui osa s’opposer à Louis XIV, les Vaux-de-Cernay, ruines romantiques près du château de Rambouillet et du parc où Marie-Antoinette, l’épouse de Louis XVI, avait fait construire une bergerie. Mais aussi Châlis et surtout Royaumont, la plus intacte, fondée au XIIIe siècle, entourée de plans d’eau, avec son cloître, son réfectoire, ses cuisines, son jardin médiéval…
Parmi les châteaux, l’embarras du choix est bien plus grand encore. Certains châteaux sont hérités des temps féodaux, comme la forteresse de Pierrefonds, restaurée au XIXe siècle. Cette restauration faite par Viollet-le-Duc donne l’idée de ce que pouvait être un château féodal avec ses systèmes de défense, ses salles de repos, ses entrepôts. D’autres châteaux appartenaient à de grandes familles princières (comme celui de Chantilly), d’autres encore à de grands serviteurs du roi (comme celui de Dampierre). Et surtout il y a Vaux-le-Vicomte qui fut le siège d’un drame particulier. Le surintendant Fouquet, ministre de Louis XIV, y avait construit une merveille d’architecture, richement meublée, située dans un vaste parc à la française. Il avait fait appel aux meilleurs artistes de France : l’architecte Louis Le Vau, le peintre décorateur Charles Le Brun, le créateur de jardins Le Nôtre. Fouquet commit l’imprudence d’y inviter le 17 août 1661 le jeune Louis XIV. Quelques jours plus tard, le roi, choqué dans son orgueil, le fit arrêter. Il fit venir à Versailles, alors petit pavillon de chasse, les artistes qui avaient fait Vaux-le-Vicomte.
Versailles, issu de sa folie des grandeurs, va voir le jour. On ne décrit plus le luxe de Versailles. La Galerie des Glaces s’ouvre sur l’immensité du parc où l’on voit le soleil se coucher à l’extrémité du Grand Canal. La chambre du roi s’ouvre, elle, au soleil levant. Louis XIV est le Roi Soleil. Dans le parc, des bassins et des bosquets peuplés de statues évoquent les grands thèmes de la mythologie de l’antiquité (Apollon, Neptune, Laocoon).On trouve aussi le potager du Roi, des palais isolés (le Grand Trianon, le Petit Trianon), le hameau où la reine Marie-Antoinette a, ici aussi, joué à la bergère. Autour, la ville de Versailles qui accueillaient les quelque 15 000 personnes attachées à la Cour, les remises de carrosses, les écuries des chevaux, car on est à 11 kilomètres de Paris !
Pour autant, Versailles ne doit pas faire oublier Compiègne, château privilégié de Napoléon 1er et de Napoléon III, ni Fontainebleau et sa forêt. Ici, est née et s’est développée « l’école de Fontainebleau » au XVIe siècle. François 1er a fait venir d’Italie les meilleurs artistes : Le Rosso, élève de Michel Ange, Primatice, peintre de Bologne. Il avait placé là La Joconde de Léonard de Vinci et des tableaux de Raphaël.
Ces terres de campagne, de forêts et de lumière avaient tout pour accueillir, dès le premier tiers du XIXe siècle, les Parisiens désirant fuir quelque temps les embarras de la capitale.
Parmi ceux-ci, des artistes peintres en quête de « motifs » à fixer sur la toile. Car la lumière de l’Île-de-France est propice à la peinture. Ce n’est qu’au XIXe siècle, lorsque la coutume se fit de ne plus peindre en chambre, que les plus beaux paysages de l’Île-de-France imprégnèrent les toiles. On dit même que le paysage français est né en Île-de-France.
Camille Corot explore partout la lumière des sous-bois, celle des étangs, celle des bords de Seine. De 1830 à 1835, il s’installe à Barbizon, petit village situé près de la forêt de Fontainebleau. Et là, il peint avec passion la forêt, et rencontre d’autres passionnés des troncs, des lumières tamisées, de la tombée du jour, des ciels orageux. Ces teintes quelque peu sombres sont la caractéristique de l’école de Barbizon.
Théodore Rousseau (1812-1867) y peignit ses œuvres maîtresses. Il mourut à Barbizon, tout comme Jean-François Millet qui y vécut de 1849 à 1875. Celui-ci y rendit un hommage très célèbre au monde paysan avec Les Glaneuses ou L’Angélus. Millet veut exprimer la tristesse, la solitude des paysans mais aussi la gravité et la grandeur de leur tâche. La vie rurale y est austère, les couleurs sont sourdes, pas de taches vives. Le travail sur la lumière, la place tenue par les paysages dans leurs œuvres les firent traiter de pré-impressionnistes par la critique d’art. Le groupe compte une douzaine de peintres et rendit célèbre ce petit village. Tous ces artistes fréquentent l’auberge du père Ganne. Elle est devenue un musée. Existent toujours les ateliers de Rousseau et de Millet. Si le village a changé, la forêt, elle, est intacte et l’on peut toujours aller à la rencontre des sites immortalisés sur les toiles.
Dans la seconde partie du XIXe siècle, Barbizon et la forêt attirèrent Bazille, Renoir, Sisley, Monet qui ne s’intègrent pas au groupe, pratiquent des couleurs plus claires et explorent toutes les facettes de la lumière. L’impressionnisme est né. Ils vont planter leur chevalet sur les bords de la Seine. Monet et Renoir fréquentent Argenteuil et Louveciennes. On peut voir au Musée d’Orsay à Paris Les Régates d’Argenteuil, Le Bassin d’Argenteuil.
Degas et Boudin se joignent au groupe. Ils sont très encouragés dans leur recherche par édouard Manet (1832-1883) qui peignit à Argenteuil en 1874 La Famille Monet au jardin. Pendant ce temps, Pissarro s’installe à Pontoise et Sisley à Moret-sur-Loing. Puis, en 1880, Renoir s’installe sur l’île de Chatou et rend célèbre la Maison Fournaise avec son Déjeuner des canotiers.
S’ils se retrouvent tous dans la même recherche, c’est bien grâce à Monet, le chef de file de l’école impressionniste. En 1883, il acquiert à Giverny un hectare de terrain. Ce qui était une ferme et un potager, est devenu un des plus beaux jardins de l’Île-de-France.
Devant la maison s’étend « le Clos Normand » où l’on a répertorié 100 000 plantes renouvelées chaque année. De l’autre côté du « chemin du Roy », on contemple l’étang des nymphéas et son petit pont japonais. Ce furent les lieux d’inspiration de Monet jusqu’à la fin de sa vie. La maison est simple, gracieuse, rose aux volets verts. Monet étudiait la lumière du matin au soir en travaillant sur plusieurs tableaux à la fois, afin de saisir les nuances de chaque heure. On peut voir Les Nymphéas à Paris au Musée Marmottant et au Musée de l’Orangerie.
Et puis il y a Auvers-sur-Oise lié à la fin tragique de Vincent Van Gogh. Ce bourg s’étire entre l’Oise et le plateau du Vexin. C’est un village tout en longueur au pied d’une falaise. Accrochée à celle-ci, la belle maison du docteur Gachet, médecin, graveur, peintre, qui reçut tous les artistes de l’époque. Cézanne y séjourne trois fois (1873, 1877, 1881). Van Gogh y est accueilli en mai 1890. Le docteur Gachet, qui s’intéresse dans ses recherches au monde de la folie, tente de le soigner, mais en vain. Van Gogh se tire une balle dans la poitrine en plein champ et meurt dans sa chambre du café Ravoux le 29 juillet 1890.
On peut visiter la chambre de Vincent dans l’auberge. C’est une petite mansarde éclairée d’une lucarne. Elle est vide, mais poignante. Un diaporama présente des toiles de Van Gogh avec, en voix-off, des extraits de sa correspondance avec son frère Théo. Beaucoup d’émotion !
On peut toujours déjeuner dans l’auberge Ravoux, puis parcourir le village où des panneaux, ici et là, représentent les œuvres du peintre. Dans la courte période où il séjourna à Auvers, du 21 mai au 27 juillet 1890, Vincent exécuta 70 tableaux et 32 dessins. Au centre du village, l’église du XIIe siècle avec son clocher à tour carrée a été rendue célèbre par son tableau Église à Auvers (visible au Musée d’Orsay à Paris). Au cimetière, on peut se recueillir sur la double tombe de Vincent et de son frère Théo qui mourut six mois après lui.
On peut aussi se rendre au château d’Auvers où un parcours-spectacle Voyage au temps des impressionnistes retrace la richesse de cette période.
Pour plus d’information, consultez : www.pidf.com