Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №5/2008

Je vous salue, ma France

La Bretagne

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À l’extrémité ouest de la France, la Bretagne s’enfonce dans l’océan Atlantique. Ouverte à la brume, aux vents marins, aux variations incessantes de lumière qu’apporte le mouvement des nuages jouant avec le soleil, c’est une des régions les plus originales de la France. Son esprit est indépendant. Ses traditions sont fortes.

 

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Des châteaux fortifiés (comme ceux de Fougères et de Vitré) défendaient le duché de Bretagne des incursions françaises jusqu’à la fin du XVe siècle. Par son mariage avec Claude, la fille de la duchesse Anne, François Ier a fait entrer définitivement le duché dans le royaume de France. Il fallut alors le défendre des menaces anglaises. Vauban, ministre de Louis XIV, construisit au XVIIe siècle un réseau de places fortes sur les côtes. Bien plus tard, les Allemands, lors de la dernière guerre mondiale, y bâtirent une partie du fameux « mur de l’Atlantique » pour empêcher un débarquement allié.

La Bretagne s’est toujours protégée. Des manoirs plus ou moins fortifiés parsèment un paysage de plateaux, creusés de vallons arborés. La forêt a laissé place au bocage1, aux champs découverts ou à la lande. Celle-ci se couvre au printemps d’une couleur dorée, lorsque fleurissent les genêts et les ajoncs, ou d’une couleur pourpre, lorsque surgissent les bruyères à la fin de l’été.

En Bretagne, il y a la terre et la mer. Les deux peuvent avoir un visage souriant. L’architecture des maisons bretonnes emprunte aux sols ses blocs de granit. On les trouve déjà dans les alignements de mégalithes, blocs de pierres couchés (dolmens) ou dressés (menhirs) que l’on trouve en particulier à Carnac. Ces blocs ont plus de 6 000 ans et pèsent parfois plus de 350 tonnes. On en ignore toujours la signification.

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Le gris du granit est présent partout dans les bourgs et les villages. Celui de Locronan est extraordinaire. Son décor est celui d’une petite ville du XVe siècle. Il a servi de lieu de tournage à de nombreux films historiques. Les églises sont massives, presque des forteresses, certaines enfermées dans des « enclos paroissiaux » avec leur calvaire et leur ossuaire. Le calvaire découpe sur le ciel les trois croix de la crucifixion, avec autour, des scènes de l’histoire sainte. Les personnages sont représentés en costume breton de l’époque. L’ossuaire, bâtiment rectangulaire, accueille les os des défunts retirés du cimetière voisin pour faire place aux nouveaux arrivés ! À l’angle de sa toiture, est représenté un squelette avec une faux. Il faut alors imaginer dans le souffle du vent, le grincement du chariot de la mort qui passe dans la nuit prendre les vivants. Car la Bretagne est très mystique. Elle raconte dans ses églises l’histoire sainte qu’elle représente dans ses retables baroques, ses statues aux visages rosés, vêtues de tuniques rouges et bleues. Elle déploie aussi ses processions que l’on appelle ici « les pardons ». On sort à cette occasion les reliques des saints, les statues et les bannières richement brodées. Les femmes sont en coiffe de dentelle blanche, ample jupe noire et tablier blanc immaculé. Les hommes en bottes, pantalons bouffants et gilet noir sans manche sur une tunique blanche.

En Bretagne, la terre s’effondre dans la mer en rochers puissants qui découpent des formes animales ou humaines et sont battus par l’écume et les vagues. Il faut voir le spectacle étonnant des grandes marées à Saint-Malo, ville fortifiée des corsaires2, lorsque des rouleaux gigantesques viennent battre la rive et s’élèvent à des dizaines de mètres avant de s’effondrer en un roulement sinistre. Il faut apprécier au soleil couchant la couleur pourpre de la Côte d’Emeraude, regarder depuis la pointe du Raz l’île de Sein, peut-être prendre le bateau qui vous mène à l’île d’Ouessant pour rêver devant les rochers de la côte sauvage.

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Prendre le bateau est une petite aventure en soi. Tôt le matin, on embarque à Brest, ville meurtrie par la dernière guerre, grand port militaire. On quitte la magnifique rade dont la profondeur abrite les plus gros bateaux. On accoste à Molène, ou, si la marée ne le permet pas, on mouille au large de cette île minuscule, le temps d’attendre qu’un petit bateau de navette vienne prendre les voyageurs. On arrive enfin à Ouessant, c’est l’extrême bout de l’Europe. La « côte sauvage » aligne ses rochers. La mer, tantôt tumultueuse, tantôt calme, est partout. De nuit, le phare de Créach balaie l’obscurité pour assurer la sécurité de dizaines de navires qui se glissent au large du continent en un va-et-vient incessant de pétroliers et de cargos venus du monde entier pour commercer avec les ports de l’Europe du Nord et de la Baltique. La corne de brume retentit régulièrement les jours embrumés de nuages bas.

Car la Bretagne c’est avant tout la mer, celle qui s’infiltre et creuse les criques, celle qui s’étale dans des golfes calmes tel celui du Morbihan où l’on a toujours une impression de printemps. La Bretagne, c’est le drame des marins partis dans le lointain. Ce sont ces maquettes de bateaux suspendus en ex-voto dans le chœur des églises, le drame des femmes de marins, regardant au-delà des récifs partir leurs maris pour une pêche incertaine. Mais dès qu’il y a du soleil, les petits ports envahis de chalutiers, de thoniers, de bateaux de plaisance, offrent leur marché de poissons, d’huîtres, de moules, de crustacés…un régal que l’on arrose d’un petit vin blanc sec et fruité, à moins que l’on ne préfère rester sur le goût des crêpes de sarrasin garnies de charcuterie (l’andouillette) ou de poissons (le saumon), arrosées de cidre et suivies de crêpes de froment sucrées.

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Après, peut-être aurez-vous l’occasion de participer à un fest-noz (une fête de nuit) au son des binious (sortes de cornemuse), du violon et de la vielle accompagnant les contes bretons. Car des contes, ici, il y en a beaucoup. Certains ont franchi les limites de la Bretagne, par exemple, celui de Merlin l’Enchanteur dans la forêt de Brocéliande (près de Rennes), cadre de ses amours avec la fée Viviane, protectrice de Lancelot. C’est ce dernier, qui sous les ordres du roi Arthur, part à la recherche du Graal, la coupe sacrée remplie du sang du Christ. Il y a aussi la légende de Tristan et d’Iseult. Ils ont bu le philtre d’amour, trahissant ainsi sans le vouloir le roi de Cornouaille en Bretagne, à qui était destinée Iseult. Wagner en a fait un opéra. Enfin, la légende de la ville d’Ys engloutie par les eaux par la faute de la fille du roi devenue la maîtresse du diable.

Et puis ne pas oublier de rendre hommage à Gauguin, venu comme tant d’autres chercher ici la lumière et les paysages pittoresques de la Bretagne. On peut voir encore à Trémolo, dans la petite chapelle le Christ en bois dont il s’est inspiré pour son Christ jaune. Gauguin, avant de partir en 1895 pour Tahiti, a trouvé là les sources d’une inspiration féconde (à Pont-Aven et au Pouldou). Ici, une petite auberge de bord de mer conserve toujours les souvenirs de son passage et de ceux de dizaines de peintres dont Emile Bernard et Maurice Denis, créateur du symbolisme.

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À voir aussi :

Pour plus d’information, consultez : www.tourismebretagne.com


1 On appelle bocage un paysage de prés, enclos de levées de terre plantées d’arbres. À l’époque de la Révolution, ces levées cachaient un fouillis de chemins où les Chouans (les paysans et aristocrates royalistes se repéraient en poussant des hululements de chouette) échappaient aux troupes révolutionnaires.

2 Corsaire : à ne pas confondre avec pirate. Le corsaire est au service du roi et pille pour le compte de celui-ci les bateaux ennemis. Jacques Cartier n’était pas corsaire mais navigateur. Il prend possession en 1534 du Canada au nom du roi. Surcouf, lui, était corsaire. C’est l’un des plus célèbres !

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