Je vous salue, ma France
Le Val de Loire
De Saint-Benoît à Angers, le Val de Loire déploie la douceur de ses paysages et la richesse de ses châteaux. En son centre, coule la Loire, un fleuve difficile à dompter. Une eau tantôt rapide, tantôt paresseuse se glisse au milieu d’îles couronnées de buissons. Les rives sont couvertes de hautes herbes et de plantes flottantes. Dans un dédale d’eaux stagnantes se nichent oiseaux et insectes. La Loire est l’un des derniers fleuves sauvages de l’Europe. Elle a pour affluents, le Cher, le Loir, l’Indre et la Vienne dont les rives sont couronnées de châteaux.
Le fleuve et les rivières creusent des plateaux où s’étendent les champs et les forêts dont les troncs, droits comme des fûts, laissent passer la lumière sur de verts sous-bois. C’est le refuge des cerfs, des sangliers, des chevreuils, des biches, des lièvres et des perdrix. C’est le pays de la chasse qui attira ici les princes et les rois.
Les vallées sont frangées de forêts. Celle du château de Chambord est ainsi enclose par un mur de 32 kilomètres. Là, on peut observer au soleil couchant des cerfs et des sangliers. Les vallées sont bordées de plateaux aux raides falaises de calcaire. Elles sont creusées d’abris ou d’habitations troglodytiques. Elles servent également de carrières pour les pierres des maisons ou de caves pour les vins. Ces vins sont blancs, moelleux ou pétillants comme ceux de Vouvray, rouges fruités ou râpeux comme ceux de Chinon, Bourgueil ou Saumur, rosés comme le Cabernet d’Anjou…
C’est le pays de Rabelais qui vécut non loin de Chinon, et dont la maison se visite encore.
Ce pays appelle à la sérénité et à la contemplation… Un doux climat, des cieux qui prodiguent beaucoup de soleil et peu de pluie, des saisons qui défilent : un hiver frais où il gèle rarement, un printemps tiède qui fait vite germer les pousses, un été dont la chaleur fait mûrir vignes, vergers et plantes, un automne doux et tranquille. Quatre vraies saisons et le travail des hommes ont transformé le pays en un jardin : c’est le « jardin de la France ». Manoirs et châteaux, villages de craie blanche ou de calcaire doré, églises aux clochers effilés se dispersent dans la campagne.
Parmi ces manoirs il y a celui de «La Poissonnière », près du village de Couture-sur-Loir. Ronsard y vécut sa jeunesse. Deux corps de bâtiments entourent une tourelle. à l’intérieur, une grande salle avec sa cheminée où est sculpté un relief représentant un feu, brûlant des ronces. Ces « ronces ardentes » illustrent le nom de la famille Ronsard. Autour du manoir on jouit de la paix incroyable d’une vallée vallonnée où s’étale une paisible campagne.
Ronsard fut enterré à Cosme-sur-Loire, dans un des prieurés qui réunissaient l’église, les champs, les bois et les jardins. Ce prieuré est situé dans l’actuelle banlieue de Tours. On peut y admirer les arches romantiques de son église, y visiter la maison où vivait Ronsard avec, au premier étage, son cabinet de travail, et rêver dans le jardin, où, au milieu des roses, plane l’âme du poète :
Mignonne allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose
Sa robe de pourpre au soleil
N’a point perdu cette vesprée
Les plis de sa robe pourprée
Et son teint au vôtre pareil…
Cueillez, cueillez, votre jeunesse :
Comme à cette fleur, la vieillesse
Fera ternir votre beauté…
C’est ici que la langue française s’est développée autour du groupe de la Pléiade qu’animaient Ronsard et Du Bellay. Le manifeste que publie Du Bellay en 1549 Défense et illustration de la langue française est né du désir de voir « la langue vulgaire », celle parlée ici par tous, s’enrichir et devenir une langue de pensée, de poésie.
Parmi ces manoirs, il y en a un autre, celui de Saché, en Touraine. Sa construction date de l’époque de Ronsard, mais c’est trois siècles plus tard que Balzac y séjourne. Il y compose des pages entières de sa Comédie humaine. Levé à deux heures du matin, il écrit jusqu’à cinq heures du soir. Ici furent conçus : Le Père Goriot, Eugénie Grandet, Le Lys dans la vallée et bien d’autres romans. Il parcourt la campagne et exprime ainsi son attachement : « Ne me demandez pas pourquoi j’aime la Touraine, je l’aime ni comme on aime son berceau ni comme on aime un oasis dans le désert, je l’aime comme on aime l’art. »
Comment ne pas aimer en Touraine et dans les vallées du Val de Loire ces paysages qui sont l’expression d’un art de vivre ? Il y eut pourtant des périodes troublées. Au XIIe siècle, un comte d’Anjou devient roi d’Angleterre et s’oppose au roi de France. Aux XIIIe et XIVe siècles se déroule la Guerre de Cent Ans entre les deux royautés. C’est à Chinon que Jeanne d’Arc est venue de Lorraine demander au roi de France de « bouter (chasser) les Anglais hors de France ».
Au XVe siècle, Chinon et Loches furent les forteresses favorites de Louis XI et Tours – sa capitale. C’est une histoire pleine de passions évoquées par de nombreux romanciers, tel Alexandre Dumas. Mais la douceur du Val de Loire attire le roi et les chevaliers. Ils ont mené des guerres en Italie au début du XVIe siècle pour lutter contre la puissance de Charles Quint. Ils ont découvert la Renaissance italienne : tout un art de vivre, de riches villes et de somptueux palais de l’Antiquité. On veut imiter ce bien-être, on construit châteaux et manoirs, on attire les meilleurs artistes.
À cette époque, la Cour de François Ier se déplace entre le Louvre à Paris, Fontainebleau en île-de-France et surtout Blois, Amboise et Chambord. En pays de Loire, 1 500 personnes, seigneurs, familles, serviteurs forment la Cour du Roi. Il faut, pour le transport des biens, des tableaux, des tapisseries et des coffres le concours de 12 000 chevaux qui tirent charrois et carrosses. Les châteaux s’entourent de plans d’eau et de parcs et jardins. Certains gardent des tourelles, mais se coiffent de cheminées et de toits pointus. Ils sont éclairés par de vastes fenêtres. Ils ont de nombreuses pièces. Des statues à l’antique couvrent les allées. Les tableaux représentent les paysages, ceux d’Italie, les grands mythes de l’Antiquité et la femme. Les favorites du roi n’hésitent pas à laisser représenter leur beauté, comme Diane de Poitiers, la maîtresse d’Henri II, ou plus tard Gabrielle d’Estrées, maîtresse d’Henri IV. Meubles, tapisseries et tableaux remplissent de vastes pièces illuminées, la nuit, aux chandelles.
Ces châteaux sont toujours là, et les guides touristiques parlent ici de la « Vallée des Rois » :
- Chambord, un gigantesque château, fruit des rêves de François 1er. Il faut voir son reflet dans l’eau à la nuit tombante, l’alignement parfait de sa haute façade rythmée par les deux tours d’angle, les deux tours centrales, les hautes fenêtres, les arcades du rez-de-chaussée, les toits où se mêlent cheminées, tourelles et lanternes. La promenade sur la terrasse évoque un lieu de conte de fées.
- Blois, avec son escalier à balustrade sculptée qui monte majestueusement dans une tour ajoutée à la façade. Blois accueillit Catherine, épouse de Henri II, née dans la célèbre famille des Médicis. On peut voir son cabinet garni de 237 panneaux de bois sculpté qui dissimulent des armoires secrètes dont Alexandre Dumas a fait dans son roman La Reine Margot des armoires à poisons.
- Chenonceaux, offert par Henri II à Diane de Poitiers. Catherine de Médicis s’en empare à la mort d’Henri, son époux.
- Amboise, où l’on retrouve encore François Ier. Ce fut le lieu de festivités dont certaines furent mises en scène par Léonard de Vinci. Car c’est juste à côté, au Clos Lucé, dans un petit manoir, que François Ier a installé en Léonard de Vinci en 1516. Celui-ci est venu avec des toiles devenues célèbres : La Joconde, La Vierge, l’enfant Jésus et sainte Anne, Saint Jean Baptiste. Elles sont au Louvre aujourd’hui. Il conçoit des drôles de machines dont on peut voir au Clos Lucé les maquettes exposées. Léonard, qui pratique tous les arts, finit ainsi ses jours en ce Val de Loire, symbole de la Renaissance. Il y meurt le 2 mai 1519, dans les bras de François Ier. Celui-ci l’appelait « mon père ». Il repose dans la chapelle du château.
Aux châteaux royaux s’ajoutent les châteaux des grands seigneurs, richement meublés eux aussi. Azay-le-Rideau, par exemple, « diamant taillé à facettes » ( Balzac). Lorsque le soir tombe sur le Val de Loire, l’atmosphère respire intelligence, art, bien-être et douceur de vivre.
Pour plus d’information, consultez : www.visaloire.com