Univers du français
Catherine METLIAÉVA
Devant le petit écran
Aujourd’hui, il est difficile de nous représenter comment nos grands-parents vivaient sans télé. Il est impossible de réaliser que lorsque nos parents avaient notre âge il n’y avait que quatre chaînes de télévision. Il se trouve que l’histoire de la télé de la nouvelle Russie remonte à 18 ans. Donc, notre génération a quasiment le même âge que la télé moderne.
Les changements à la télé ont commencé à l’époque de la Perestroïka. Des émissions telles que « Avant et après minuit », « Vzgliad », des jeunes journalistes de télé : Moltchanov, Listiev, Lioubimov, de nouveaux visages, une nouvelle manière de communiquer avec les téléspectateurs, de nouveaux sujets, des discussions retransmises en direct – tout cela était nouveau et n’existait pas auparavant.
Les speakers ont disparu, cédant leurs places aux journalistes. Le pays a appris les noms de Sorokina, Mitkova, Kisselev, Parfenov. Les actualités et les programmes analytiques attirent désormais l’intérêt d’un large public.
Un événement important a été la création en 1993 de la chaîne privée NTV. Le slogan de la chaîne est le suivant : « Les nouvelles, c’est notre métier. » Une équipe de journalistes de talent y travaille avec passion.
La télé divertit ses spectateurs par des jeux télévisés et des concours. Le pays regarde de nombreux films étrangers. On crée quelques projets intéressants, notamment en ce qui concerne les documentaires (Pouchkine vivant, L’Empire russe qui ont reçu le prix télévisé Teffi).
La télé devient si puissante qu’elle s’ingère dans la politique. Depuis 2004, on constate la reprise en main des médias par l’État.
C’est la troisième étape de la nouvelle « histoire télévisée. » Les spécialistes appellent cette étape « l’épreuve de la stabilité. » Comment évalue-t-on ce qu’on voit sur le petit écran ?
Le centre d’études de l’opinion publique a publié les donnés d’un sondage sur le rôle que la télé joue dans la vie des Russes. Le sondage a été réalisé dans 46 régions du pays. 1 600 personnes ont répondu aux questions posées.
Première tendance notable : les Russes modernes sont casaniers, ils passent la plus grande partie de leurs loisirs chez eux. Seulement 1 % pratique le sport, 2 % voyagent, 7 % se promènent avec les enfants. 2 % des Russes vont au cinéma, au théâtre et aux concerts (à Moscou le chiffre est un peu plus élevé – 4 %). 67 % déclarent regarder la télé et écouter la radio durant leur temps de loisirs. Ce chiffre est le même dans les grandes villes et dans les villages. Ces données permettent d’affirmer que la télé est devenue un produit de consommation. 72 % déclarent qu’ils regardent la télé tous les jours. Les jeunes regardent moins la télé que les personnes âgées : 69 % des 18-24 ans contre 77 % des plus de 60 ans. Durant la semaine, 30 % des téléspectateurs passent devant la télé de 3 à 4 heures, 30 % 1 ou 2 heures, mais il y a aussi des « télédépendants » qui passent devant le petit écran de 5 (15 %) à 8 heures (9 %). Ce groupe est moins important. Seulement 9 % des Russes déclarent regarder la télé 1 heure par jour.
En réponse à la question : « Quels sentiments éprouveriez-vous si l’on vous privait de télévision jusqu’à la fin de votre vie » ? 21 % de nos compatriotes ont répondu que pour eux, ce serait une perte irremplaçable, un regret amer. 51 % avouent qu’ils se sentiraient privés de quelque chose de coutumier. 21 % disent que cela leur serait égal.
Le sondage montre que l’opinion publique s’est divisée quant au contenu des programmes. 40 % pensent que la télé doit seulement divertir, sans toucher aux problèmes sérieux. Ces téléspectateurs ne veulent pas qu’on augmente le volume d’émissions d’informations et de programmes analytiques. 49 % votent pour la présence à la télé de sujets sérieux. Pour ceux-ci, la télé ne peut pas se limiter au football ou aux recettes de cuisine.
Quels sont les programmes qui éveillent le plus grand intérêt ? 60 % disent que ce sont les actualités et les programmes analytiques. (Ce chiffre est resté le même depuis le sondage d’il y a deux ans). Les grands films avec 40% des voix occupent la deuxième place. Les concerts, les programmes de divertissement se rangent à la troisième place avec 34 % des voix et les films à épisodes – 25 % des voix. 17 % disent qu’ils aiment les documentaires.
Le sondage a aussi montré quels étaient les désirs des téléspectateurs. 31% veulent plus d’information, 23 % plus de programmes instructifs, 13 % plus de programmes distrayants, 24 % attendent plus d’émissions sur les animaux et pour les enfants.
J’ai interrogé également mes copains. La première question portait sur la place qu’occupe la télé dans leur vie et celle de leur famille.
Les points de vue varient :
« Je crois que c’est difficile d’imaginer la vie moderne sans télévision. Pour moi c’est la possibilité de me relaxer. Mais je ne passe pas plus d’une heure et demie devant le petit écran. »
« Je peux dire que je regarde la télé très rarement. Je n’ai pas le temps et je n’aime pas la télé moderne, elle n’est pas intéressante pour moi. »
Mes copains reconnaissent le rôle de télé comme une source essentielle d’information :
« Nous apprenons la plupart des informations via la télé. »
Pourtant certains doutent que la télé soit objective :
« J’ai l’impression que les programmes d’information sont engagés, on nous présente le point de vue de l’Etat. »
Qu’est-ce que mes copains reprochent à la télé ?
« Je trouve qu’il y a trop de publicité et de séries stupides. C’est vraiment insupportable d’entendre toujours à la télé les mêmes : “ Oh, Pedro, je t’aime !”. En plus, les pubs prennent beaucoup de temps. »
« La seule émission que les jeunes peuvent regarder sont les actualités, mais pour cela il y a aussi l’Internet. »
« Il y a trop de violence et peu de programmes pour les enfants. »
« Il me semble qu’on nous prend pour des imbéciles. La société contemporaine se dégrade, mais c’est aussi la télé qui provoque cette situation. »
« Les chaînes fabriquent les mêmes programmes et, en plus, les passent en même temps, ce qui m’irrite. La télé veut plaire à toutes les générations, ce qui est bête. »
« La critique de la télé “en gros” ne serait pas constructive. Tout dépend de la chaîne. Par exemple, la chaîne TNT semble avoir été inventée pour les imbéciles. »
Quels sont les programmes les plus intéressants ?
« Les projets du premier canal “Deux étoiles”, “Les étoiles sur la glace”, “Les étoiles dans le cirque” ont attiré les derniers temps une grande attention du public. »
« C’est intéressant de voir la façon dont les gens peuvent apprendre en quelques mois à faire des choses absolument nouvelles. »
« La chaîne Koultoura donne des émissions intéressantes sur le théâtre et le ballet. »
« J’aime MTV et Muz-TV, car j’adore la musique. En plus, sur ces chaînes il y a beaucoup d’émissions consacrées à la mode, et je suis une passionnée de mode. »
« J’aime les programmes humoristiques, donc je regarde “KVN“. »
Quels désirs expriment les jeunes vis-à-vis de la télé ?
« Je veux voir plus de programmes de haute qualité, les programmes qui donnent des informations différentes. Je veux voir à la télé de nouveaux visages ( chaque jour nous voyons les mêmes personnes.) »
« Je pense qu’il faut créer des chaînes indépendantes qui ne dépendent pas de l’Etat. »
« Je crois que notre télé manque de bons animateurs et de programmes intéressants. »
« La télé existe, selon moi, pour divertir les masses.. »
« Les horaires laissent à désirer. Je ne comprends pas pourquoi on ne montre les films intéressants qu’à minuit et pourquoi le week-end il n’y a souvent rien à regarder. »
On comprend bien « qu’autant de têtes – autant d’avis », mais on peut essayer de formuler un point de vue qui convienne à la majorité. Parmi les jeunes on ne trouvera pas beaucoup de partisans de la censure, mais il faudrait tout de même introduire des restrictions raisonnables. Il paraît que la télé se soucie peu de l’avenir. Aujourd’hui on peut comparer la télé à un miroir déformant. Il faudrait plus de bonnes chaînes vraiment variées au lieu de ces chaînes jumelles.