Arts et culture
Irina TCHOUDOVA
Joukovski – traducteur de la poésie française
En 2008 on fête le 225ème anniversaire de Vassili Andreyevitch Joukovski (1783-1852), poète romantique et traducteur russe.
Le critique Vissarion Belinski (1811-1848) souligne : « Joukovski est poète, il n’est pas traducteur : il ne traduit pas – il reconstitue ». Toutes ses traductions créent un monde poétique particulier – celui de Joukovski. Pouchkine appelle Joukovski « génie de traduction ».
En fait, il traduit en russe non pas les poésies des poètes concrets, mais les idées et les principes généraux du romantisme. Joukovski lui-même appelle ses traductions « les imitations libres », en mettant en valeur le caractère poétique de ses activités.
Beaucoup de traductions ont été faites dans les années 1800-1810. Vassili Andréiévitch publie ses œuvres dans les périodiques, surtout dans Le Courrier d’Europe où il est rédacteur pendant 1808-1810.
On peut dégager quelques périodes où le poète s’adonne à la poésie française :
1. 1801-1802. Joukovski traduit les romans de Florian. Son roman Don Quichotte contient des poèmes. En voilà un.
Jean-Pierre Claris de FLORIAN
***
L’avare cache sa richesse,
L’ambitieux ses grands dessins ;
Le sage dérobe aux humains
Et son bonheur et sa sagesse :
L’Amour, l’Amour seul le trahit ;
C’est un enfant, il fait du bruit.
Je fuis partout certaine belle,
Partout je cherche à l’éviter ;
Mais quand je viens de la quitter,
Je me retrouve plus près d’elle.
Malgré lui l’Amour se trahit ;
C’est un enfant, il fait du bruit.
Si l’on prononce en ma présence
Son nom que je ne dis jamais,
Je baisse les yeux, je me tais,
Et l’on entend bien mon silence.
Malgré lui l’Amour se trahit ;
C’est un enfant, il fait du bruit.
Si je veux d’une voix hardie
Parler d’elle et la célébrer,
Hélas ! j’ai beau m’y préparer,
Je me trouble et je balbutie.
Malgré lui l’Amour se trahit ;
C’est un enfant, il fait du bruit.
Enfin contre moi tout conspire
Mon air libre, mon embarras ;
Ce que je dis ou ne dis pas,
Tout apprend que j’aime Themire.
Malgré lui l’Amour se trahit ;
C’est un enfant, il fait du bruit.
Жан-Пьер Кларис де ФЛОРИАН
Перевод B. A. ЖУКОВСКОГО
* * *
Что делать, сердце, мне с тобою?
Как тайну мне твою сокрыть?
Куда бежать с моей тоскою?
В моей ли власти не любить?
Могу ль надеждой не пленяться?
И душу радостей лишать?
Могу ль от милой отказаться?
Любить и ненависть казать?
Напрасно! свет все тайны знает :
А я притворству не учен.
Таись иль нет, все уверяет,
Что я Эльвирою пленен!
Хочу ли не встречаться с нею,
Всегда на встречу к ней лечу,
Скажу ль ей слово – покраснею,
Глаза потуплю, замолчу!
Скрывать любовь – одно страданье,
Но пользы нет в том никакой!
Во всем, во всем ее признанье!
Любовь сама предатель свой!
2. En 1806 Joukovski s’intéresse aux fables et aux épigrammes. Il traduit les fables de La Fontaine et celles de Florian.
Jean de La FONTAINE
Le Milan et le Rossignol
Après que le Milan, manifeste voleur,
Eut répandu l’alarme en tout le voisinage,
Et fait crier sur lui les enfants du village,
Un Rossignol tomba dans ses mains par malheur.
Le héraut du printemps lui demande la vie.
« Aussi bien que manger en qui n’a que le son ?
Ecoutez plutôt ma chanson :
Je vous raconterai Тéréе et son envie. »
« Qui, Тéréе ? est-ce un mets propre pour les milans ?
« Non pas ; c’était un roi dont les feux violents
Me firent ressentir leur ardeur criminelle.
Je m’en vais vous en dire une chanson si belle
Qu’elle vous ravira : mon chant plaît à chacun. »
Le Milan alors lui réplique :
« Vraiment, nous voici bien, lorsque je suis à jeun,
Tu me viens parler de musique. »
« J’en parle bien aux rois. » – « Quand un roi te prendra,
Tu peux lui conter ces merveilles.
Pour un milan, il s’en rira :
Ventre affamé n’a point d’oreilles. »
Жан де ЛАФОНТЕН
Перевод В. А. ЖУКОВСКОГО
Cокол и Филомела
Летел сокол. Все куры всхлопотались
Скликать цыплят; бегут цыпляточки, прижались
Под крылья к маткам; ждут, чтобы напасть
прошла.
Певица Филомела,
Которая в лесу пустынницей жила
И в тот час, на беду, к подружке полетела
В соседственный лесок,
Попалась к соколу. « Помилуй, – умоляет,
– Ужели соловьев соколий род не знает!
Какой в них вкус! один лишь звонкий голосок,
И только! Вам, бойцы, грешно нас, певчих, кушать!
Не лучше ль песенки моей послушать?
Прикажешь ли? спою
Про ласточку, сестру мою...
Как я досталася безбожнику Терею... »
« Терей! Терей! я дам тебе Терея, тварь!
Годится ль твой Терей на ужин? » – « Нет, он царь!
Увы! сему злодею
Я вместе с Прогною-сестрой
На жертву отдана безжалостной судьбой!
Склони соколий слух к несчастной горемыке!
Гармония мила чувствительным сердцам!.. »
« Конечно! натощак – и думать о музыке!
Другому пой! я глух! » – « Я нравлюсь и царям! »
« Царь – дело, я другое!
Пусть царь и тешится музыкою твоей!
Для нас, охотников, она – пустое!
Желудок тощий – без ушей! »
Jean Ogier de GOMBAULD
Lysimène
Blanc d’Espagne, couleurs vermeilles,
Perles, brillants, pendants d’oreilles,
Passements, jupes de grand prix,
On vous étale, on vous promène
Pour duper les faibles esprits,
Et l’on vous nomme Lysimène.
Жан Ожье де ГОМБО
Перевод В. А. ЖУКОВСКОГО
***
Румян французских штукатура;
Шатер, не шляпа на плечах;
Под шалью тощая фигура,
Вихры на лбу и на щеках,
Одежды легкой подозренье;
На перстне в десять крат алмаз :
Все это смертным в удивленье,
По свету возят напоказ
В карете модно-золоченой
И называют – Альцидоной
D’ACEILLY
À un mauvais payeur
Vous rendez fort soigneusement
Une visite, un compliment,
Une grâce qu’on vous a faite ;
Vous rendez tout, maître Clément,
Excepté l’argent qu’on vous prête.
Д’АСЕЙИ
Перевод B. A. ЖУКОВСКОГО
Моту
Здесь Лакомкин лежит – он вечно жил по моде!
Зато и вечно должен был!
А заплатил
Один лишь долг – природе!
3. Dans les années 1813-1815 Joukovski traduit les œuvres des poètes français : Arnaud Berquin, Evariste Parny, Antoine-Vincent Arnault, Xavier de Maistre, Charles Hubert Millevoye.
Charles Hubert de MILLEVOYE
La Fleur
Fleur charmante et solitaire,
Qui fut 1’orgueil du vallon,
Tes débris jonchent la terre,
Dispersés par l’aquilon.
La même faux nous moissonne ;
Nous cédons au même dieu ;
Une feuille t’abandonne,
Un plaisir nous dit adieu.
L’homme, perdant sa chimère,
Se demande, avec douleur,
Quelle est la plus éphémère,
De la vie ou de la fleur ?
Шарль МИЛЬВУА
Перевод В.А. ЖУКОВСКОГО
Цветок
романс
Минутная краса полей,
Цветок увядший, одинокой,
Лишен ты прелести своей
Рукою осени жестокой.
Увы! нам тот же дан удел,
И тот же рок нас угнетает :
С тебя листочек облетел –
От нас веселье отлетает.
Отьемлет каждый день у нас
Или мечту, иль наслажденье.
И каждый разрушает час
Драгое сердцу заблужденье.
Смотри... очарованья нет;
Звезда надежды угасает...
Увы! кто скажет : жизнь иль цвет
Быстрее в мире исчезает?
Il est à remarquer, que les traductions du poète malgré leur écart de l’original restent classiques. Ce n’est pas la fidélité de traduction qui compte, mais la compréhension du sens du poème, des idées de l’auteur.