Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №14/2008

Arts et culture

Alphonse DAUDET

Lettres de mon Moulin

(extrait)

(Suite. Voir N° 4, 7, 8, 10, 11, 13/2008)

Les vieux

Une lettre, facteur ?

Oui, monsieur… ça vient de Paris !

img1Il est fier de m’apporter une lettre de Paris. Moi, je suis sûr que cette lettre va me faire perdre toute ma journée… Je ne me trompe pas. Tenez, lisez avec moi :

« Tu dois me rendre un service. Ferme ton moulin pour une journée et va à Eyguières. À côté du couvent des Orphelines, il y a la maison de mes grands-parents. Entre sans frapper et crie bien fort : “Je suis l’ami de Maurice !” Alors, tu verras deux adorables petits vieux. Embrasse-les. Parle avec eux, écoute-les, reste un moment près d’eux. Ils seront heureux. Je leur ai souvent parlé de toi et de notre amitié… »

Au diable, l’amitié ! Justement, aujourd’hui, il fait beau, une vraie journée de Provence. Je voudrais rester assis à l’ombre et rêver… Enfin, que voulez-vous faire ? Je ferme le moulin et je pars.

J’arrive à Eyguières… Il n’y a personne dans le village. Seulement une vieille femme, qui ressemble à une fée. Elle m’indique le chemin.

Me voici devant une grande maison noire. C’est le couvent des Orphelines. À côté, j’aperçois une maison plus petite, avec un jardin derrière. J’entre sans frapper. Au bout du couloir, sur la gauche, par la porte ouverte, on entend une voix d’enfant qui lit en s’arrêtant à chaque syllabe : A… LORS… SAINT… I… RÉ… NÉ… S’É… CRIE… JE… SUIS… Je m’approche et je vois, dans une chambre, une petite fille habillée en bleu qui lit un livre plus gros qu’elle. Un petit vieux dort dans un fauteuil, des oiseaux dorment dans leur cage et des mouches dorment au plafond. La petite fille lit : AUS… SI… TÔT… DEUX… LIONS… SE… PRÉ… CI… PI… TENT… SUR… LUI… ET… LE… DÉ… VO… RENT…

J’entre dans la chambre à ce moment-là, et c’est comme au théâtre ! La petite fille pousse un cri, le livre tombe, les oiseaux et les mouches se réveillent et le vieux saute hors de son fauteuil. Je crie :

– Bonjour ! Je suis l’ami de Maurice.

Aussitôt, le vieux vient vers moi. Il m’embrasse. Il traverse la chambre en disant :

– Mon Dieu ! Mon Dieu !

Puis il appelle sa femme :

– Mamette !

On entend les petits pas dans le couloir. Elle entre, suivie d’une orpheline habillée en bleu.

Le vieux me présente :

– C’est l’ami de Maurice…

Alors la jolie petite vieille commence à trembler, à rougir, à pleurer, à perdre son mouchoir.

– Vite, vite, une chaise… dit la vieille à son orpheline.

– Ouvre les volets, crie le vieux à son orpheline.

Ils m’emmènent près de la fenêtre. Je m’assois entre les deux vieux. Et ils commencent à me poser des questions:

– Comment va Maurice ? Qu’est-ce qu’il fait ? Pourquoi ne vient-il pas? Est-ce qu’il est content ?…

Et patati ! et patata ! Comme cela pendant des heures. Moi, je réponds comme je peux. Je donne beaucoup d’informations. J’en invente aussi.

– De quelle couleur est sa chambre ? demande Mamette.

– La couleur de sa chambre !… Elle est bleue, madame, bleue avec des fleurs…

– Vraiment ? dit Mamette. Et elle regarde son mari :

– Maurice est un bon petit-fils !

Et le mari répète :

– Oh ! oui, c’est un bon petit-fils !

Je parle et ils m’écoutent tous les deux en souriant. Quelquefois, le vieux s’approche de moi et me dit :

– Parlez plus fort… Elle n’entend pas très bien.

Et la vieille me dit :

– Parlez plus fort… Il n’entend pas très bien…

Alors, je parle plus fort. Ils me remercient d’un sourire. Et je vois dans leurs yeux Maurice qui me sourit lui aussi.là-bas à Paris.

Tout à coup, le vieux se lève .

– Mais, j’y pense, Mamette… Il n’a peut-être pas déjeuné !

Et Mamette lève les bras :

– Pas déjeuné !… Grand Dieu !… Vite, les petites filles ! La table au milieu de la chambre, la nappe du dimanche, les assiettes à fleurs… Allons, vite ! Et ne riez pas, s’il vous plaît !

Les petites filles se dépêchent, cassent trois assiettes, et le déjeuner est prêt.

– Vous allez bien manger, me dit Mamette, mais vous allez manger tout seul… Nous avons déjà mangé ce matin.

Les vieux n’ont jamais faim : Ils ont toujours mangé le matin !

Mon déjeuner, c’est un peu de lait, quelques fruits et des gâteaux secs. Avec cela, Mamette peut manger pendant une semaine. Et moi, tout seul, je mange tout !

Les petites filles me regardent manger. Les oiseaux aussi, mais ils ne sont pas contents. Ils ont l’air de dire :

– Oh ! Ce monsieur mange tous les gâteaux !

Je regarde autour de moi. Dans la chambre, il y a deux petits lits, les lits des deux petis vieux. J’imagine Mamette et son mari, quand ils se réveillent, à trois heures du matin. Tous les vieux se réveillent à trois heures :

« Tu dors, Mamette ?
Non, mon ami.
Maurice est un bon petit-fils, n’est-ce pas ?
Oh, oui, c’est un bon petit-fils. »

Et ils parlent de Maurice…

Tout à coup, j’aperçois le vieux, à l’autre bout de la chambre. Il est monté sur une chaise, devant l’armoire, et il essaie d’attraper un bocal de cerises à l’alcool. Pour moi.

– Vous voyez le tableau : le vieux qui tremble, les petites filles qui tiennent la chaise, Mamette derrière, qui a peur. C’est charmant.

Enfin, le vieux réussit à attraper le bocal. Il me sert et il me dit :

– Vous avez de la chance ! C’est ma femme qui a préparé ces cerises… Vous allez goûter quelque chose de bon.

Hélas, Mamette a oublié de sucrer les cerises. Elles sont horribles, mais je mange tout.

Le repas terminé, je me lève. Il est tard, le moulin est loin, je dois partir.

– Mamette, dit le vieux, mon manteau ! Je veux aller avec monsieur jusqu’à la place.

Mamette aide son mari à mettre son manteau.

Elle lui dit :

– Tu ne rentreras pas trop tard, n’est-ce pas ?

Et lui, d’un petit air malin :

– Hé ! Hé !… Je ne sais pas… peut-être…

Et tout le monde rit, le vieux, Mamette, les petites filles et même les oiseaux…

Nous sortons, le grand-père et moi. Il est fier de marcher à côté de moi, comme un homme. Mamette nous regarde partir et elle est heureuse. Elle pense : « Il est peut-être vieux, mon mari, mais il marche encore ! »


img2

VOCABULAIRE

couvent (m) – монастырь

orphelin, -e (m, f) – сирота

cerise (f) – вишня, черешня

malin, maligne adj – хитрый, шаловливый


QUESTIONS

  1. De quelle lettre s’agit-il dans le récit ?
  2. Était-ce une nouvelle agréable pour l’auteur ?
  3. Arrivé au village, que voit le narrateur ?
  4. Décrivez la scène de l’apparition du narrateur dans la maison. Qu’y a-t-il de comique ?
  5. Est-ce que les vieux ont organisé un repas solennel ?
  6. Imaginez la vie des deux vieilles personnes. Est-ce que leur petit-fils leur manque ?
  7. Éprouvez-vous de la pitié envers ces deux vieux Pourquoi ?

(à suivre)

(La publication est préparée par Nadejda ROUBANIK.)

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