Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №15/2008

Les Routes de l’Histoire

1915. La guerre s’éternise

Aucun des deux champs ne parvient à emporter la décision en 1915. La guerre s’éternisant, l’armement se modernise : les blindés remplacent la cavalerie. La guerre devient de plus en plus industrielle. On connaît le pire : des mois interminables de guerre immobile.

L’escalade de la violence

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S’il est impossible d’emporter rapidement la victoire, les industries modernes améliorent néanmoins les techniques pour donner la mort. En avril 1915, sur le front de l’Ouest, en Belgique, les Allemands conduisent pour la première fois une attaque précédée par l’émission des gaz mortels. Lorsque, poussé par le vent, l’étrange nuage lourd vert-jaune atteint les tranchées franco-canadiennes, 20 % des effectifs alliés engagés sur le front1 sont touchés, un quart tués. Les hommes se protègent du mieux qu’ils peuvent, en plaçant un mouchoir mouillé devant leur visage.

De nouvelles armes font leur apparition : grenades, obusiers de tranchées. L’avion, inventé à la fin du XIXe siècle, devient une arme dans le premier conflit mondial. Au début de la guerre, les Alliés, comme les Allemands, disposent de petits aéroplanes en bois et en toile n’atteignant qu’une vitesse de 100 km/h. Ils s’en servent exclusivement pour l’observation d’artillerie et la reconnaissance. Les pilotes ont la radio à bord et donnent la position des troupes ou des batteries ennemies. Très vite, on apprend à monter des mitrailleuses à l’avant des avions et à synchroniser leur tir. L’aviation de chasse est née : au-dessus des lignes, des duels acharnés ont lieu. Les « as des as » du côté allié affrontent ceux du côté allemand. Les Allemands bombardent les villes de l’arrière. Puis les Français et les Anglais construisent à leur tour des appareils capables d’attaquer les bases de sous-marins et de zeppelins, des ballons dirigeables géants à grand rayon d’action. La guerre prend une nouvelle tournure.

La vie des martyrs

img1Les attaques allemandes au lance-flammes et aux gaz toxiques sèment la panique, brûlent, asphyxient. Une fois la bataille terminée, des brancardiers, sous la conduite d’un médecin, recherchent les blessés qui attendent souvent leur arrivée pendant des heures entre les lignes. Oh ! Combien de blessés ont appelé pendant des heures et sont morts sans que personne ait pu venir les chercher ! Les rescapés, les « gueules cassées »2, sont soignés sur le champ de bataille, puis ils sont transportés vers le poste de secours le plus proche. De là, ils sont dirigés vers des hôpitaux de campagne. Ils y sont soignés par des religieuses, des infirmières civiles, souvent d’origine aristocratique, qui se sont engagées. Les chirurgiens opèrent et amputent sans relâche. Les hommes doivent souvent être opérés sans être endormis. Des soldats, à bout de nerfs, deviennent fous.

img4« À six heures du matin, raconte l’aide-major Lavy, les blessés commencent à affluer. Le sergent D. a tout son larynx, sa trachée ouverts, béants jusqu’à la carotide. C’est un véritable égorgement. Il a toute sa connaissance, ne pouvant émettre aucun son, sauf le glouglou de l’air et du sang passant dans sa plaie. Il nous regarde de ses grands yeux bleus si intelligents. Il est d’une bravoure exemplaire devant la mort qui, malgré nos efforts, l’enlève au bout d’une heure. L’assaut est fixé à midi moins cinq… Des blessés hurlent dans les trous d’obus. Nous allons les panser, sans pouvoir les en tirer. Plaies légères, je panse de mon mieux… Un jeune caporal m’arrive, tout seul, avec les deux mains arrachées au ras des poignets. Il regarde ses moignons rouges avec des yeux exorbités. Je tâche de trouver un mot qui le console, et lui crie : “Que fais-tu dans le civil ?” J’ai alors la réponse qui m’empêche de rien ajouter : “Je suis sculpteur”, dit-il. Avec cela, nos mains sont sales, pleines de terre et de sang. Où sont les lavages des plaies à l’eau bouillie et leur rinçage préconisés par les gens de l’arrière qui n’ont jamais entendu siffler une balle ? ».

Tout cela, c’est ce que Georges Duhamel appellera la « vie des martyrs » et ce que Maurice Genevoix résumera ainsi : « Ce que nous avons fait, c’est plus qu’on ne pouvait demander à des hommes ; et nous l’avons fait ».

Les « profiteurs »3

La vie quotidienne des populations est bouleversée par la guerre. De nouveaux riches apparaissent. Ce sont les « profiteurs », dont le luxe scandalise, tandis que d’autres meurent et souffrent au front. Le terme apparaît rapidement et renvoie à certains commerçants qui augmentent alors leurs bénéfices. Il renvoie aussi à ceux qui deviennent « fournisseurs aux armées ». Les uns et les autres s’enrichissent rapidement.

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1 C’est la zone de combat. Les soldats luttaient sur plusieurs fronts : les Français se battent sur le front occidental, qui englobe notamment la région de Verdun, mais de nombreux combats ont également lieu en Europe de l’Est, sur le front est.

2 Le terme « gueules cassées » était attribué aux survivants de la Première Guerre mondiale ayant subi une ou plusieurs blessures au combat et affectés par des séquelles physiques graves, notamment au niveau du visage. On peut également trouver en référence aux gueules cassées ces hommes psychologiquement profondément marqués par le conflit qui ne purent regagner complètement une vie civile ou qui durent, pour les cas les plus graves, être internés à vie.

3 Se dit des civils qui tirent, d’une façon malhonnête, des profits de la guerre.

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