Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №18/2008

Arts et culture

Quelques témoignages

Françoise Hardy

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Je cherchais un auteur pour écrire des paroles sur l’instrumental de Comment te dire adieu et on m’a conseillé Serge. Il habitait, avenue Bugeaud, un appartement tapissé de photos, notamment de Bardot, et il m’a proposé dans la foulée une deuxième chanson : L’Anamour. J’étais très honorée. Ses textes étaient géniaux, pleins d’inspiration, de trouvailles, de sonorités. C’était le meilleur et il le savait. On est devenu très amis, il me téléphonait très très souvent et allait toujours très très mal. Serge était impatient de me faire entendre ses nouveaux disques. Vivre dans un isolement relatif le rendait sensible à la critique. Un jour, il m’a fait un très grand compliment. Dans une de mes chansons, Je suis de trop ici, j’abordais d’une manière explicite l’exclusion, un sentiment qu’il a éprouvé toute sa vie. Il a passé le disque et il m’a dit : « Ça, je ne sais pas faire. »

Il avait à la fois un grand appétit de vivre et un grand mal de vivre. C’est quelqu’un qui s’ennuyait très facilement, qui avait besoin que les choses bougent autour de lui, qui avait besoin d’agir, d’écrire, de faire des choses. Sinon il était dans le trou. Il avait une grande délicatesse, une grande pudeur, une vulnérabilité qu’il a essayé toute la vie de compenser en essayant d’être quelqu’un d’autre que ce qu’il était. Pour être moins moins sensible, il a voulu jouer les durs et les cyniques et il a fini par le devenir, en partie… Il était par moments adorable, complètement attachant, plein de charme. Et à d’autres moments tout à fait odieux et égocentrique.

Julien Clerc

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Un de mes disques, Sans entracte, devait sortir à toute vitesse et j’ai demandé des textes à Serge. À l’époque, nous étions proches – je l’accompagnais parfois au Cœur Samba, où il dansait des nuits entières. J’allais chez lui, où il ne fallait toucher à rien – « J’ai mis cinquante ans à fabriquer ce décor », me disait-il – je posais la minicassette sur son piano et on écoutait les morceaux. Il était très en retard sur les chansons et j’ai dû l’« enfermer » dans le studio d’enregistrement pour qu’il finisse. Il était assis derrière la vitre, passait et repassait la musique. Un jour, Jane Birkin est venue – ils étaient alors en pleine rupture – et Serge lui a lâché sur un air un peu cynique : « Allez, arrête, je te connais comme si je t’avais défaite. » Je me suis un peu battu, à tort, pour qu’il intègre cette phrase incroyable dans une chanson, car il a tourné en rond avec cette idée…

Isabelle Adjani

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Je ne l’ai pas vu ses deux dernières années et je me suis fait beaucoup de peine. Je pensais toujours : « Il est très entouré, tout le monde l’aime, il a sa famille, et moi, je ne vais pas m’ajouter. Je n’ai pas envie de le déranger. » Mais c’est très narcissique de penser des choses pareilles. Et pourquoi n’avoir pas, simplement, une amitié active et fidèle : être là ?

C’était le dernier héritier de Breton, de Queneau, de Vian, de Prévert. De Rimbaud aussi. Il fait partie des auteurs qui décident de votre vie, qui vous amènent à vouloir quelque chose très tôt, et le vouloir à tout prix. En ça, il était conducteur d’absolu. Pour moi, c’était « l’homme qui a les chevilles au vent ».

Il avait la beauté de quelqu’un qui peut vous rendre belle … Il me faisait l’effet d’un miroir, l’observer me donnait l’impression que je pouvais me regarder librement et me trouver belle. Quand je le voyais à la télé je sentais qu’il s’inventait constamment, il se mettait en scène comme les ados : il agressait avec son look, son regard, cette façon de ne pas sourire. Les gens de ma génération ont eu envie d’imiter cette marginalité.

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