Les Routes de l’Histoire
Les Russes et la French Riviera : une histoire d’amour vieille de 150 ans
Les élites russes n’ont pas découvert la Côte d’Azur à la chute de l’URSS : en réalité, elles ont largement contribué à son essor, dès le milieu du XIXe siècle. Cette histoire d’amour a commencé en 1856, lorsqu’Alexandra Fedorovna, veuve du tsar Nicolas Ier, vint s’installer à Nice. La raison officielle de ce choix (la santé fragile de l’ancienne tsarine) dissimulait en réalité un tout autre désir : défait durant la guerre de Crimée, le tsar était à la recherche d’un accès aux mers chaudes pour sa flotte et lorgnait la rade de Villefranche, qu’il projetait de louer au roi de Sardaigne, possesseur du compté de Nice.
À la suite d’Alexandra Fedorovna, de nombreux membres de l’aristocratie russe choisirent d’aller hiverner sur la Riviera, et y acquirent de coûteuses propriétés. En 1859, sur cent quatre familles étrangères recensées dans le compté de Nice, trente étaient russes, et vingt-quatre françaises… C’est l’époque où le journal L’Indépendant belge, écrivait : « Les Anglais prennent Nice en grippe. Ils prétendent que les Russes y ont importé leur agitation naturelle, leur tumulte intérieur. »
600 propriétaires à Nice en 1914
La mode était lancée. Elle ne s’arrêta pas avec la rétrocession du compté à la France, en 1860. La base navale russe de Villefranche, installée en 1859, continua à fonctionner jusqu’à 1870, et la partie orientale de la Côte d’Azur, entre Cannes et Menton, devint un des lieux d’élection des Russes les plus fortunés.
À la veille de la Première Guerre mondiale, on recensait plus de 600 propriétaires russes à Nice. Un bâtiment témoigne de l’importance de cette communauté à l’époque : la superbe cathédrale orthodoxe inaugurée à Nice, en 1914, à l’emplacement de la villa Bermond où le tsarévitch Nicolas, fils d’Alexandre II, avait trouvé mort en 1865.
La guerre de 1914 mit un terme brutal à ce mouvement. Beaucoup de Russes vendirent leurs propriétés avant de perdre toute leur fortune avec la Révolution de 1917. La Côte d’Azur resta cependant un lieu de prédilection pour les exilés. Si quelques Russes blancs trop remuants furent expulsés, d’autres s’y installèrent, attendant une revanche qui ne vint jamais.
(d’après Jérôme Gautheret)