Arts et culture
Sylvie Testud derrière l’épaule de Sagan
Comment rendre le charme Sagan, ce cocktail étonnant de timidité et de désinvolture, d’insolence et de correction, ce regard en dessous, ce repli du corps ? Cette voix basse au phrasé bredouillant, ce mélange de flou et d’acuité, ce rythme syncopé. Il fallait le talent de Sylvie Testud pour dessiner cette présence, et la justesse de l’actrice est incontestablement l’atout maître du film de Diane Kurys Sagan.
On imagine son travail comme une chorégraphie méticuleuse, et au départ, c’est un peu cela : « Pas question de rêver sur le personnage, de partir de sa psychologie, dit Sylvie Testud. On a de Sagan une image si précise et si singulière qu’on ne peut pas être approximatif. Jamais, je n’avais abordé mon métier de cette manière, mais, là, il fallait l’attraper de l’extérieur, ce n’est même pas la peine d’essayer de la jouer si on ne s’est pas approprié ses attitudes. Je suis passée par une phase de pur mimétisme, je l’écoutais dans ses entretiens avec Antoinette Fouque, je regardais ses interviews, les documentaires. J’étudiais son évolution. Je suis allée voir un ami orthophoniste : c’est une gymnastique vocale de parler comme Sagan. Plus dur que le japonais ! Je m’efforçais d’imiter Sagan trait pour trait, avec une servilité qui m’inquiétait moi-même : j’avais peur de n’arriver qu’à la copier. »
Et puis, après trois mois de recherches et d’essais intensifs, Sylvie Testud a senti qu’elle avait suffisamment assimilé le comportement de Sagan pour la jouer spontanément, « en faisant confiance à la situation ». « Au fond, dit-elle, c’est une approche très amicale : c’est en observant leur attitude qu’on devine l’état d’esprit de ses amis. On interprète un geste, un regard… » Avant, Sylvie Testud ne connaissait Françoise Sagan que pour avoir lu Bonjour tristesse, adolescente, et travaillé Un château en Suède au cours de théâtre. Maintenant, elle a du mal à se séparer d’elle.
« J’étais bien dans son univers. Je m’y plaisais. Et je regrette terriblement de ne l’avoir jamais rencontrée. Elle avait l’élégance de vous rendre important, elle avait envie que les gens se sentent bien avec elle, et elle ne voulait pas être une occasion de souci pour les autres. L’amusement la motivait. Un désir d’insouciance qui n’empêchait pas l’angoisse : les enfants sont angoissés et rieurs. »
À l’écran, la comédienne fait brillamment ressortir deux traits marquants de la personnalité de Sagan : son intelligence rapide, pétillante, et cette sincérité qui la rend si émouvante. « Elle prend ce que la vie lui offre, sans être jamais vraiment décidée elle-même. Elle n’est ni dans la soumission ni dans le pouvoir. Et jamais dans la revendication ni dans la vulgarité. Elle ne donne pas de leçons, n’impose pas sa personnalité. J’aime beaucoup qu’elle reste si bien élevée tout en étant complètement rock’n’roll. Finalement, elle m’apparaît plus forte que tout ce qu’elle faisait : c’est elle qui est vraiment romanesque, sa vie, son humour, sa mélancolie. »
(d’après la presse française)