Univers du français
Gréta TCHESNOVITSKAYA
Sylvain Tesson, écrivain et voyageur : « Les paysages russes m’excitent »
Ce jeune homme est extraordinaire. Les voyages – c’est son métier et sa passion. A l’âge de 19 ans il a accompli un tour du monde à vélo. Ensuite il a traversé à pied l’Himalaya, a parcouru l’Asie centrale à cheval, a participé à l’expédition en Afghanistan.
Parti en mai 2003 de Yakoutsk en Sibérie, Sylvain Tesson est arrivé à Calcutta en janvier 2004. Neuf mois durant, il a traversé la taïga au Nord, les grandes steppes de Mongolie, le désert de Gobi, les hauts plateaux montagneux de la chaîne himalayenne et les jungles des contreforts himalayens. À cette époque, il s’est intéressé à l’épopée des évadés du GOULAG soviétique. Il a appris qu’en 1941, le Polonais Slavomir Rawicz, prisonnier d’un GOULAG sibérien s’en était évadé. Il a alors parcouru 6 000 kilomètres, du cercle polaire jusqu’au golfe du Bengale pour reconquérir la liberté. Sylvain Tesson a décidé de refaire le même trajet : « Je voudrais vérifier si c’était possible et rendre hommage au courage de Slavomir Rawicz », explique-t-il les motifs de ce voyage extraordinaire.
Sylvain publie également plusieurs livres de voyages dont Petit traité sur l’immensité du monde, L’ Axe du Loup et Aphorismes sous la lune et autres pensées sauvages en 2008.
Avec tout ça, il est souriant, gentil, très sympa et ouvert, et confie volontiers sa vision des voyages.
Sylvain Tesson, écrivain, voyageur, « âme vagabonde » a passé deux jours à Moscou. La Langue française a profité de cette courte escale pour lui poser des questions.
– D’où vient votre passion pour des voyages ?
– Les voyages m’inspirent, m’alimentent, me remplissent. J’ai le sentiment que le temps va trop vite, et lorsque je voyage il me semble qu’il ralentit un peu. Comment faire autrement si l’on veut essayer de vivre plusieurs vies. Il n’y a pas de raisons, il y a un appel. L’appel de la route. Et lorsqu’on entend un appel on ne s’embarrasse pas de savoir pourquoi on y répond, on part. La Russie, par exemple, m’excite tellement que j’aime y retourner tout le temps.
Je ne reviens à Paris que pour défaire mon sac et en préparer un autre. Mais avec l’âge (j’ai déjà 36 ans), la route me semble moins longue, le temps plus rapide, donc, la vie plus simple.
– Quel est le plus beau pays que vous avez traversé ?
– Le Tibet pour les lumières, la Russie pour les paysages.
– Quel est le plus beau paysage que vous ayez vu dans vos voyages ?
– Par exemple, les eaux du Baïkal que j’avais tant envie de connaître.
Je pense qu’un paysage est une toile sur laquelle nous projetons nos désirs intérieurs. Nous désirions le voir, et soudain le voilà qui s’offre. Et le fait de l’avoir enfin, là, sous ses pieds, veut dire qu’on est parvenu au bout du chemin qu’on est venu à bout de tous ces kilomètres difficiles. Un paysage c’est une « cerise sur le gâteau » !
– Que préférez-vous dans les voyages ?
– J’aime rester seul, au coucher du soleil, avec un livre de poésie, allongé dans mon hamac que j’aurais tendu entre les deux branches d’un bel arbre accueillant. Belle position pour méditer sur le bonheur d’être sur le chemin et sur l’immense beauté du monde.
– Qu’est-ce que vous faites si vous tombez malade pendant le voyage ?
– Pour me soigner, lorsque je voyage, je n’emporte aucune pharmacie. Je pense que la marche purifie l’organisme. Nul doute que les marcheurs au long cours développent une sorte de caparaçon contre les bactéries du chemin.
– Combien de langues parlez-vous ?
– Je parle très mal l’anglais. Je parle un peu le russe, juste pour me débrouiller : demander la route ou des repas. Mais en russe il y a beaucoup de mots empruntés du français, j’en profite pour qu’on me comprenne.
– Y a t-il quelque chose que vous amenez toujours avec vous en voyage ?
– Oui, bien sûr : un couteau, un cigare et un livre de poésie française. Avec le premier je coupe le bout du second que je fume en lisant le troisième.
Mais si on parle sérieusement, le rythme poétique m’aide à trouver le rythme de la marche. En route, j’apprends des poèmes par cœur et je les répète chaque jour. Quand on est seule-seule quelque part dans une forêt sibérienne, ça sauve.
– Comment financez-vous vos voyages ?
– Par mes livres, mes conférences, mes films, mes articles.
– Quel sera votre prochaine destination ?
– J’aimerais vivre solitaire, reclus quelque part au bord du Baïkal, en pleine nature, dans une petite isba russe, installé dans la beauté des bois, le dos tourné à la modernité.
Et j’ai déjà trouvé cette isba et ce bois vierge. Donc en route !
Mme Stanislas Lefebvre de la Boulaye, Mikhaïl Ogorodov, Sylvain Tesson et Mireille Cheval lors de la rencontre à MGIMO