Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №3/2009

Les Routes de l’Histoire

Histoire d’amour de Gabrielle d’Estrées et de Henri IV

Henri IV, qui succède à Henri III, est fort préoccupé de la conquête de son royaume. Ses exploits amoureux sont aussi fameux que ses exploits guerriers, peut-être même pour cette raison que les Français, sensibles aux affaires de cœur, lui conservent une telle popularité. « Le Vert Galant », comme on l’appelle, ira même jusqu’au prendre Chartres pour séduire celle qui sera son grand amour : Gabrielle d’Estrées, celle qui a reçu le surnom de « duchesse d’ordure » et a failli devenir reine de France.

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Henri IV

C’est en 1590 qu’a lieu la rencontre entre le roi Henri et Gabrielle d’Estrées. À cette époque, depuis le meurtre d’Henri III, Henri Bourbon devient roi de France. Mais il y a un obstacle qui lui barre la route du trône, c’est sa religion. Henri IV est protestant, et une partie de la noblesse française se refuse de le reconnaître comme le roi. Il est obligé de conquérir les villes de Paris, Rouen, Reims et Chartres qui sont aux mains de Ligueurs. Affaiblie et découragée, l’armée royale finit par se retirer à Compiègne. Le roi est triste : ses finances sont au plus bas et il écrit à Rosny : « Je n’ai quasi pas un cheval sur lequel je puisse combattre, mes chemises sont toutes déchirées, ma marmite est souvent renversée et depuis deux jours je dîne et soupe chez les uns et les autres… ».

Un jour, il « dîne et soupe » chez son écuyer, duc de Bellegarde qui lui présente sa nouvelle amante, la ravissante Gabrielle d’Estrées.

À 17 ans, Gabrielle est d’une beauté éclatante, comme le rapporte le chroniqueur de l’époque : « Elle avait deux sourcils élégamment recourbés, le nez un peu aquilin, la bouche de la couleur des rubis, la gorge plus blanche que n’est l’ivoire le plus beau et le plus poli, et les mains dont le teint égalait celui des roses et des lis mêlés ensemble, d’une proportion si admirable qu’on les prenait pour un chef-d’œuvre de la nature. »

Le coup de foudre d’un roi

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Henri IV et Gabrielle d’Estrées

À peine la voit-il que le roi tombe éperdument amoureux et exige que Bellegarde lui cède la place. C’est le coup de foudre ! Hélas, Gabrielle se refuse au roi. Malgré les attentions du roi qui s’empresse d’être charmant, « Je ne vous aimerai jamais ! » lui lance-t-elle. Alors, le roi ordonne à Bellegarde d’oublier Mademoiselle d’Estrées, et de lui laisser place nette. Bellegarde se soumet, non sans regret, au vœu de son souverain. Quant au roi, il courtise la belle Gabrielle, alors que les événements ne s’y prêtent vraiment pas. Les protestants et les catholiques continuent de se massacrer. La folie et la mort sont autour et la terreur est à son comble.

Un jour, Henri demande à Gabrielle ce que lui ferait plaisir, la jeune femme réclame la libération de Chartres, tenu par les Ligueurs. Le fait est que M. Sourdis, un oncle de Gabrielle, est gouverneur de la ville, mais il en a été chassé par les ligueurs et a envie de retrouver sa place. C’est ainsi, que le roi apprend à ses conseillers stupéfaits que l’armée va faire le siège de Chartres au lieu de Rouen.

Malgré l’avis de ses conseillers, le roi et sa petite armée se dirigent sur Chartres et le 19 avril 1591, le roi emporte la ville. Gabrielle d’Estrées, éblouie par le dévouement d’Henri IV, finit par éprouver de l’admiration pour cet homme aussi galant que courageux et s’installe durablement dans sa vie.

Faire plaisir à Gabrielle !

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Gabrielle d’Estrées

Désireux de faire plaisir à Gabrielle, et pour lui offrir une place à la Cour, Henri entreprend de la marier. Ce sera Nicolas d’Amerval, sire de Liancourt, baron de Benais. En juin 1592, Gabrielle devient Mme de Liancourt. Mais le mari s’efface aussitôt de la vie de Gabrielle, qui suit son roi à la conquête du royaume de France. Ce royaume réclame un roi catholique et le 27 février 1594, Henri IV est sacré roi de France à Chartres (et non à Reims, fidèle aux Ligueurs). Au banquet, qui suit la cérémonie, Gabrielle brille plus en reine qu’en favorite. Elle le confie elle-même : « Je suis comme la lune qui éclipse le soleil sans pour autant perdre sa propre lumière. » 1

Henri n’a jamais été aussi amoureux de son amante. Il le lui montre en la couvrant de cadeaux somptueux et de dons d’argent ; de même, ses lettres traduisent ses sentiments : « Mon amour me rend aussi jaloux de mon devoir que de votre bonne grâce qui est mon unique trésor. Soyez glorieuse, mon bel ange, de m’avoir vaincu, moi qui ne le fus jamais tout à fait que de vous, à qui je baise un million de fois les pieds. »

Gabrielle a de quoi être satisfaite, car l’amour du roi, sincère et entier prend de la vigueur de jour en jour, et atteint le comble lorsqu’elle lui apprend qu’elle attend un enfant. Elle met au monde le 7 juin 1594 un premier fils baptisé César et qui reçoit le titre de duc de Vendôme2. Soucieux de proclamer sa paternité, Henri IV facilite l’annulation du mariage Liancourt et légitime le petit César.

La « duchesse d’ordure »

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Henri IV quitte Gabrielle d’Estrées

Gabrielle que tout le monde nomme « la presque reine » est heureuse et songe maintenant à assurer sa position. Mais ce n’est pas facile, la jeune femme n’est pas aimée du peuple car elle est la cause de nombreuses dépenses (robes, bijoux.), et les pamphlets courent :

« N’est-ce pas une chose étrange/ De voir un grand roi serviteur
De femmes, vivre sans honneur,/ Et d’une putain faire un ange ! »

Henri n’y prête aucune attention, et lorsqu’il se rend à Rouen en 1596, il exige que Gabrielle soit accueillie cérémonieusement par le parlement de Normandie. C’est à Rouen, au palais abbatial le 11 novembre 1596 que Gabrielle mettra au monde son deuxième enfant : Catherine-Henriette.

Henri, fou de bonheur, comble Gabrielle de présents : il lui achète l’hôtel de Schomberg situé en face du Louvre et qui communique avec celui-ci par un passage privé. Le roi ne cache pas qu’il songe à épouser sa bien-aimée et à fonder avec elle une nouvelle dynastie. Mais un obstacle subsiste – il est marié, depuis 1572, à Marguerite de Valois, la reine « Margot », qui vit retirée en Auvergne. Elle ne lui a jamais donné d’enfants et accepte d’annuler son mariage, mais précise qu’elle refuse le divorce au profit de Gabrielle.

Il est vrai que le trône de Henri IV est encore bien fragile. Et cependant, Henri persiste dans ses projets matrimoniaux ; le 15 septembre 1594, il fait son entrée officielle dans Paris, Gabrielle est à ses côtés.

Gabrielle…presque reine de France

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Après la dissolution de la Ligue, il faut réconcilier les Français sur le plan de la religion. Le fameux Édit de Nantes est signé le 13 avril 1598 par le roi, l’édit qui établit la liberté religieuse sur le territoire français, facteur de paix et de justice3.

Gabrielle, de nouveau enceinte, accouche le 19 avril d’un deuxième garçon, que le roi prénomme Alexandre. Henri ne dissimule plus ses intentions d’épouser Gabrielle. Son entourage lui en démontre tous les inconvénients : ce n’est pas une princesse de sang royal et les Français la détestent. Les proches du roi le poussent vers une nouvelle union en rapport avec son rang. Parmi les candidates, il y a la nièce du duc de Florence, Marie de Médicis, dont les attraits physiques sont modestes mais non la dot. Mais Henri ne cède pas : il aime Gabrielle, et dans son esprit, la question de son mariage avec elle est résolue. L’un de ses principaux conseillers, le baron de Rosny, qui passera à la postérité sous le nom de Sully, est fermement opposé à ce qu’il considère comme une folie : « Je lui fis envisager la honte dont une alliance criminelle le couvrirait aux yeux de l’univers et les reproches qu’il aurait à essuyer dans la suite, de sa propre part, lorsque les bouillons de l’amour ayant éteints, il jugerait plus sainement de son action », rapportera-t-il dans ses Mémoires.

Henri reste insensible à tous les arguments. Au début de l’année 1599, il annonce publiquement son intention d’épouser la jeune femme lors d’une fête qui se déroule au Louvre, le 23 février 1599. Devant toute la Cour, il déclare en se tournant vers Gabrielle : « Madame, voici l’anneau de mon sacre, l’anneau de mes noces avec le royaume de France, je vous le donne ! ».

La stupéfaction se lit sur tous les visages des courtisans et des ambassadeurs étrangers présents, alors qu’Henri glisse la bague au doigt de Gabrielle rayonnante, enceinte de six mois. Eh oui, Henri, en guise de bague de fiançailles, lui passe au doigt l’anneau en diamant du sacre. Sans laisser à l’assistance le temps de revenir de sa surprise, il indique la date de son mariage : ce sera au lendemain de Pâques. Gabrielle triomphe et ne dissimule pas sa joie : « Il n’y a plus que Dieu et la mort du roi pour m’empêcher d’être reine de France ! » s’écrit-t-elle.

Une mort miraculeuse

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Gabrielle avec sa sœur

Début avril, Gabrielle doit quitter Fontainebleau et le roi, afin de se rendre à Paris. La jeune femme, fatiguée par sa grossesse, accepte mal la séparation et pleure. Le roi a de la peine, lui aussi, de devoir se séparer d’elle pendant quelques jours. C’est donc rempli d’une tristesse réciproque que, le 6 avril au matin, le couple se sépare. Gabrielle décide de voyager par bateau, car elle redoute les routes et leurs embûches. Le roi accompagne celle qu’il nomme « mon tout » jusqu’au petit port de Savigny-le-Temple où elle doit embarquer. Au moment de quitter Henri, Gabrielle, les larmes aux yeux, se jette au cou de son amour en le suppliant de veiller sur leurs enfants. Henri, lui aussi est bouleversé, longtemps il demeure sur la berge à regarder le bateau qui emporte la femme qu’il aime.

À trois heures, le bateau accoste devant l’Arsenal, où demeure Diane, la sœur de Gabrielle. C’est toujours en grand équipage qu’elle se rend chez le banquier italien du nom de Zamet où elle déjeune. Le repas est fastueux et Gabrielle y fait honneur, bien qu’elle ait trouvé une saveur étrange à une orange à laquelle elle a goûté. Après le repas, le temps très doux l’incite à gagner le jardin de l’hôtel. C’est alors qu’elle ressent une douleur intolérable qui met le feu à sa gorge et à son estomac. Le lendemain, le mal reprend, plus intolérable encore ; son état empire, elle souffre de convulsions. Le remède habituel de l’époque, la saignée, ne fait qu’aggraver son état. Bientôt, les médecins désespèrent de la sauver. Affaiblie, Gabrielle souffre dans le coma. Plusieurs coursiers se rendent au fil des heures à Fontainebleau pour avertir le roi. Celui-ci, fou d’angoisse, saute à cheval et se dirige vers Paris. Tout à coup il voit son chancelier Pomponne de Belièvre, parti à sa rencontre pour arrêter sa course : « Sire, lui apprend-il, la duchesse est mourante. Les convulsions l’ont défigurée. Quel déplaisir extrême serait le vôtre, voyant en si déplorable état et sans remède une personne que Votre Majesté a tant aimée ! ».

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La mort de Gabrielle

Non, il n’aura pas le courage de contempler en un pareil état ce visage qu’il a chéri, dont ses lèvres ont couvert de baisers chacun des traits délicieux. Éperdu de chagrin, le roi se laisse reconduire à Fontainebleau où il s’écroule, incapable de retenir ses sanglots. Quant à la malheureuse Gabrielle, elle souffrira encore douze longues heures, avant de rendre le dernier soupir.

La nouvelle de sa mort se répand très vite : dans les rues de Paris, le peuple laisse exploser sa joie cruelle à l’annonce de la mort de la « duchesse d’ordures » et murmure que Gabrielle d’Estrées avait fait un pacte avec le diable et qu’elle en est morte.

Rosny ne cache pas non plus son soulagement : la place est libre pour Marie de Médicis. Les rumeurs d’empoisonnement circulent aussitôt. « Il n’y a plus que dieu et la mort du roi pour m’empêcher d’être reine de France », avait dit Gabrielle d’Estrées. Sa mort : la main de dieu ou celle de l’homme ?

Henri ordonne que les obsèques soient dignes d’une princesse de sang. Il décide de se vêtir en noir pour signifier son deuil qu’il a porté huit jours, ce qu’aucun roi de France n’avait encore jamais osé faire, en hommage à une favorite…



1 Cité par M. Decker, Henri IV, les dames du Vert Galant.

2 Place Vendôme à Paris porte son nom.

3 Un siècle plus tard, Louis XIV, petit-fils d’Henri va annuler l’Édit de Nantes, ce geste constituera l’une des plus grandes fautes de l’histoire de France.

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