Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №5/2009

Arts et culture

François BÉGAUDEAU

Entre les murs

Né en Vendée, de parents enseignants, François Bégaudeau passe toute son enfance à Nantes.

Après ses études, il entre dans la vie active comme professeur de français. Il est ensuite affecté au collège Mozart dans le 19e arrondissement de Paris. Son statut d’agrégé lui permet de se ménager du temps pour se consacrer à l’écriture il est alors critique aux Cahiers du cinéma et publie en 2003 aux éditions Verticales son premier roman Jouer juste. En 2004, il fonde en compagnie d’écrivains et philosophes la revue Inculte. Suivent un autre roman Dans la diagonale (2005), et une « fiction biographique », Un démocrate, Mick Jagger 1960-1969 qui inaugure une nouvelle collection chez Naïve. Il multiplie rapidement les collaborations : pièces de théâtre pour France Culture, articles pour Transfuge ou So Foot, chroniques télévisées au sein du défunt Culture Club de France 4.

En 2006, son troisième roman, Entre les murs, lui vaut de recevoir le Prix France Culture/Télérama et la reconnaissance tant de la critique que du public puisque son livre s’écoule à plus de 170 000 exemplaires.

En 2008, son roman Entre les murs est porté à l’écran par Laurent Cantet. François Bégaudeau coécrit le scénario avec le réalisateur et Robin Campillo, puis il anime durant un an dans un collège parisien les ateliers d’improvisations qui permettent de sélectionner les jeunes acteurs. Le film éponyme, dans lequel François Bégaudeau joue par ailleurs son propre rôle de professeur, obtient la Palme d’or au Festival de Cannes 2008.

(extrait)

Dianka riait de je ne sais quoi avec Fortunée, un genou apparent au-dessus de la table et Life Style sur son débardeur. Elle a fait la sourde à ma première interpellation. J’ai élevé la voix.

– Tiens-toi mieux, j’ai dit.

Elle s’est mollement exécutée.

– Mieux que ça.

Elle s’est raidie ironiquement.

– On t’écoute.

– Quoi ?

– On t’écoute, j’ai dit.

Elle hésitait à feindre plus longtemps de ne pas comprendre. Chaque seconde était une brique qui l’emmurait dans son jeu. Sa voisine a murmuré je ne sais quoi qui l’a fait sourire.

– OK, tu viendras me voir à la fin de l’heure. Amar, phrase 5 on t’écoute.

– Les chameaux boivent peu d’eau.

– Alors, c’est quoi ce présent ?

– Vérité générale.

– Oui, c’est une vérité générale parce qu’on ne peut pas la contester.

Khoumba n’a pas levé le doigt, perles rouges au bout des tresses.

– M’sieur y’a des chameaux ils boivent.

– Oui, mais peu.

– Plus que les hommes.

– En proportion seulement.

– Donc c’est pas une vérité générale.

– Si.

– Vous avez dit quand on est pas d’accord c’est pas une vérité générale, eh ben moi j’suis pas d’accord.

La sonnerie a fait l’effet d’une mie jetée dans un pigeonnier. Je surveillais du coin de l’œil Dianka qui se demandait si j’avais oublié ou non. Elle s’est approchée en regardant Fortunée qui l’attendrait dans le couloir. Life Style.

– Donne ton carnet et regarde-moi.

Elle n’a obtempéré qu’à la moitié de l’ordre. J’ai cherché la page dévolue à la correspondance avec les parents.

– Tu formuleras dix bonnes résolutions pour l’année. À faire signer. J’ajoute que si tu persistes dans ton attitude je demanderai ton exclusion trois jours. Regarde-moi quand j’te parle.

Les deux copines se parlaient des yeux. J’avais mal dormi.

– T’es une imbécile, c’est fou c’que t’es une imbécile.

– C’est pas la peine de m’insulter non plus.

– C’est pas une insulte, c’est la vérité, si je dis que t’es une imbécile c’est parce que t’es une imbécile, si je dis que t’es une idiote c’est parce que t’es une idiote, si je dis que t’es bête c’est parce que t’es bête. Et le jour où tu seras ni imbé­cile, ni idiote, ni bête, je dirai : Dianka elle est intelligente, fine et... intelligente.

– Ça va pas d’me traiter comme ça.

– Je t’insulte si j’ai envie, si j’ai envie de dire que t’es une imbécile, je dis t’es une imbécile, et si je le dis c’est parce que c’est vrai, t’es une imbécile, j’ai trois classes et en ce moment c’est de très très loin toi qui a le titre d’élève la plus imbécile. De très très loin.

– C’est bon.

– Non c’est pas bon. Dans trois mois tu vas te dire mais pourquoi j’ai été si bête, tu vas te dire pourquoi j’ai perdu mon temps avec mes conneries, dans trois mois tu vas te dire le prof de français il avait raison j’aurais dû l’écouter, je serais rentrée tout de suite dans l’année et j’au­rais pas perdu trois mois, voilà ce que tu vas te dire dans trois mois tu veux qu’on parie ? Tu vas te dire j’ai été une dinde et j’ai perdu mon temps, alors moi ce que je te propose c’est de te le dire dès maintenant, comme ça y’aura pas de problème, tu peux y aller j’t’ai assez vue pour aujourd’hui.

***

La page de roman évoquait une bourgeoise rigide.

– Quelqu’un sait ce que veut dire « tirée à quatre épingles » ?

Des rangs ont fusé des propositions anarchiques et irrecevables. J’étais content de pou­voir expliquer.

– Tirée à quatre épingles c’est quand une dame est habillée de façon très stricte, tellement stricte qu’on dirait qu’elle est maintenue debout par quatre épingles qui la tirent, vous voyez ?

Ils voyaient mal.

– En fait c’est surtout la raideur qui compte, vous savez ces gens qui sont habillés avec telle­ment de soin qu’ils se tiennent droit pour rien désordonner.

Chaque mot était un pas en arrière.

– C’est comme les vendeuses aux Galeries Lafayette. Vous voyez ce que c’est les Galeries Lafayette ?

Leur silence et mon impuissance m’ont fait adopter un ton cassant.

– Non, évidemment vous voyez pas, puisque c’est dans un autre arrondissement qu’ici.

Sandra qui n’écoutait qu’à moitié s’est redres­sée, donnant un coup de coude dans le mur qui a eu mal.

– C’est bon on est pas des paysans, les Gale­ries Lafayette moi j’y vais presque toutes les semaines alors c’est bon.

La sonnerie a interrompu ses vociférations en même temps que le chahut de seize heures, qui s’est multiplié par trois puis évaporé dans les couloirs comme un vol de canards dans le lointain. Par-dessus l’étang, soudain j’ai vu pas­ser les oies sauvages. Elles s’en allaient vers le Midi, la Méditerranée. Un vol de perdreaux par-dessus l’étang montait dans les... Sandra a assiégé le bureau, flanquée d’Imane et Hinda qui ressemble à je ne sais plus qui.

– M’sieur pourquoi vous nous charriez tou­jours comme quoi on sait rien ?

– Pas toujours, t’exagères un peu.

– Ouais mais les Galeries Lafayette vous nous avez trop chauffés parce que moi j’connais trop bien j’y vais toutes les semaines et tout.

– C’est vrai que des fois j’ai l’impression qu’vous sortez jamais du dix-neuvième.

– Alors là rien à voir m’sieur, moi mon copain il est dans le dix-sept.

Aviation soutenant l’artillerie, Hinda est inter­venue.

– C’est pas du mytho m’sieur, son copain il est dans le dix-sept, c’est pour ça elle y va tout le temps.

Je n’avais qu’à battre en retraite ou faire diversion.

– Au fait, vous êtes réconciliées toutes les deux ?

Sandra a remonté sa grosse ceinture au-dessus de son bourrelet.

– Ça m’sieur c’est notre vie.

 

QUESTIONS ET DEVOIRS

  1. Lisez le texte. Faites attention à la façon de parler des élèves. Comment vous pouvez la caractériser ?
  2. Où se trouve l’école ? Qu’est-ce que les prénoms des élèves nous disent ?
  3. Qu’en pensez-vous, est-ce que ce professeur est un professionnel ? Argumentez.
  4. Trouvez dans le texte les mots qui décrivent l’extérieur des élèves et leur conduite. Qu’est-ce que vous pouvez en déduire ? Quel âge peuvent-ils avoir ?
  5. Qu’est-ce que vous pouvez dire du professeur ? Comment est-il ? Est-ce qu’il vous plaît ?
  6. Est-ce que des situations de conflit avec le professeur sont fréquent dans votre classe ? Comment se conduit dans ces cas-là le professeur ? Est-ce qu’il a toujours raison ? Et vous-même, avez-vous eu des conflits avec les professeurs ? Comment vous en sortez ?
  7. Pensez-vous que c’est facile ou difficile d’être enseignant ? Pourquoi ?
  8. Qu’en pensez-vous, que doit faire un professeur et comment doit-il être pour que ses élèves éprouvent du respect envers lui ?

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