Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №6/2009

Je vous salue, ma France

Le Grand Est : Champagne, Ardennes et Lorraine

img1

Caves

Entre l’Île-de-France et la ligne bleue des Vosges, s’étendent de vastes paysages aux horizons lointains, aux plateaux inclinés, coupés de dénivelés aux côtes bien dessinées et soulignées de rivières ou de fleuves, tels l’Aisne, la Marne, la Meuse, la Moselle ou la Seine. Ici il y a peu d’obstacles à une marche sur Paris. On est en Lorraine, pays de Jeanne d’Arc, de la croix de Lorraine devenue symbole de la Résistance. On est en Champagne, pays de cocagne, d’où le vin pétille les jours de fête.

Alors, par où commencer ? Lorsqu’on quitte Paris et se glisse vers l’Est, il n’y a pas de règle ni d’ordre, pourquoi pas par ceci :

« Madame Veto avait promis
De faire égorger tout Paris
Mais son coup a manqué
Grâce à nos canonniers
Dansons la Carmagnole
Vive le son, vive le son
Dansons la Carmagnole
Vive le son du canon... »

Nous sommes en 1792. Le roi Louis XVI est prisonnier du peuple à Paris. La reine Marie-Antoinette est accusée de trahison.

img2

Reims. Vitraux de Chagall

La Carmagnole, chant révolutionnaire créé en 1792, devient chant de liberté. Le 21 juin 1791, le roi qui tentait de s’échapper avec sa famille pour rejoindre les troupes réunies par les rois d’Europe afin de voler à son secours, est reconnu lors du changement des chevaux au relais de poste de Sainte-Menehould en Argonne. C’est un amateur de bonne chère, et ce village a une spécialité : les pieds de porc grillés, mijotés presque deux fois 24 heures dans un bouillon qui rend les os si friables qu’ils sont à croquer. Aujourd’hui, comme Louis XVI, vous n’y résisterez pas, mais au moins vous ne risquez pas aussi gros. Car le temps d’un arrêt, le maître de poste Drouet accourt un peu plus loin à Varennes. Il alerte la foule. Le roi est honteusement arrêté et ramené à Paris. Qui peut dire que sans ce pied de porc la Révolution n’eut pas eu son cours changé ! Et puis, si l’on sait que la tradition fait naître le moine Dom Pérignon, l’inventeur du Champagne dans cette même cité, vous vous y arrêterez forcément quitte à être obligés de visiter le Musée d’Argonne où se trouve une maquette reconstituée de l’arrestation du roi.

img3

Metz. La cathédrale

Ironie du sort, c’est aussi près d’ici, que se situe Valmy. On peut y voir un moulin avec ses ailes aux quatre vents. C’est l’exacte reconstitution du moulin au pied duquel se canonnèrent Français, Autrichiens et Prussiens le 20 septembre 1792. Une simple canonnade, quelques centaines de morts, et Paris sauvé de l’invasion. La présence du grand Goethe aux côtés du duc de Brunswick, le commandant prussien et cette phrase célèbre qu’il prononce : « De ce jour, de ce lieu date une ère nouvelle de l’histoire du monde et vous pourrez dire : j’y étais ! ». Tout cela fait de cette petite bataille un symbole historique de la liberté. Le lendemain, 21 septembre, est proclamée à Paris la République. Plus d’un millénaire de royauté s’achève. C’est le triomphe de la Révolution, l’affirmation des idéaux de liberté, égalité, fraternité.

img4

Colombey-les-deux-Églises

Les terres de Lorraine et de Champagne ont appelé d’autres grands destins. C’est à Domrémy, pas loin de Toul et de Nancy qu’est née le 6 janvier 1412 une petite bergère nommée Jeanne, fille du paysan Jacques d’Arc. D’où vinrent les voix qui lui ordonnèrent de chasser les Anglais hors de France et de rétablir l’autorité du roi Louis VII ? Le sire de Baudricourt, gouverneur du roi, siégeant à quelques pas de là, à Vaucouleurs, n’y crut d’abord pas. Mais son destin était scellé. Elle rencontre le roi à Bourges où il réside, chassé de Paris. Elle délivre Orléans, ébranle la puissance des Anglais avant d’être leur prisonnière et d’être brûlée vive comme sorcière à Rouen le 20 mai 1431… L’Église en fera une sainte.

C’est à Colombey-les-deux-Églises, petit village perdu pas si loin de Domrémy que le Général de Gaulle écrivit ses Mémoires et toujours s’y retira aux temps difficiles pour y méditer : « Cette partie de la Champagne est toute imprégnée de calmes, vastes, frustres et tristes horizons : bois, prés, cultures et friches mélancoliques, reliefs d’anciennes montagnes très usées et régénérées, villages tranquilles et peu fortunés dont rien depuis des millénaires n’a changé l’âme ni la place. » (extrait des Mémoires).

img5

Colombey-les-deux-Églises.
Croix

Et bien plus tard ces lignes ironiques et distanciées : « Après ma mort, on dressera une grande croix de Lorraine sur la plus haute colline, derrière ma maison. Et comme il n’y a personne par là, personne ne la verra. Elle incitera les lapins à la Résistance. » (Charles de Gaulle, 1969)

Cette croix, c’est vrai, elle existe. Allez donc la voir, dressée dans ce morne paysage mollement ondulé et ouvert sur l’infini.

C’est dans ces lieux « inspirés » que d’autres ont cherché, comme Barrès, l’élévation de pensée : « Il est des lieux qui tirent l’âme de sa léthargie, des lieux enveloppés, baignés de mystère, élus de toute éternité… »

Terres d’espoir, terres de pensées, terres disputées, terres de villes fortifiées. Dès le XVIIe siècle, Metz, Toul et Verdun mettent leurs fortifications en travers de la route de Paris. La guerre de 1914-1918 marque à tout jamais le paysage : tranchées, trous d’obus, cimetières, monuments mémoriaux. La visite est profonde et marquante, les morts se comptent par centaines de milliers pour des bouts de terrains gagnés et perdus. Verdun reste le symbole de l’horreur et de l’espoir du « plus jamais ça ».

img6

Fontaines

L’histoire se voit et se raconte avec passion, elle se prolonge avec la Seconde Guerre mondiale qui s’achève à Reims le 8 mai 1945. Là, est signé un premier armistice. Il sera de nouveau signé à Berlin le lendemain en présence des quatre grands alliés : Grande-Bretagne, États-Unis, URSS et France.

Les souvenirs des conflits sont partout. Les amateurs d’histoire militaire sont à l’affaire. Il y a là des villes médiévales fortifiées, comme Provins, qui aligne ses murailles intactes. Il y a les vieilles rues étroites et pavées de Troyes, bordées de maisons biscornues à colombage. Reims, la ville des rois de France où fut baptisé Clovis en 500, a vu se dérouler jusqu’au XIXe siècle 25 sacres. C’est là que se trouvait la « Sainte ampoule », la fiole de verre emplie d’huile sacrée conservée à Saint-Rémi, apportée à la cathédrale à côté de la couronne de Charlemagne, de son épée et de son sceptre. Le roi était oint de l’huile sainte, « le saint chrême », qui permettait de le consacrer devant Dieu et devant les hommes.

img7

Nancy

Splendeurs de la cathédrale, splendeurs de Saint-Rémy mais aussi splendeurs des extraordinaires verrières de la cathédrale Saint-Étienne de Metz, avec tout comme à Reims, des vitraux de Chagall, les vieux quartiers préservés de la ville, les quartiers de l’époque allemande bâtis entre 1870 et 1914.

Nancy fut la capitale éphémère du roi déchu de Pologne, Stanislas Leszczynski, beau père de Louis XV. Celui-ci, lui offre le duché de Lorraine en 1737. Il en résulte un festival architectural autour de la place Stanislas avec ses joyaux du XVIIIe siècle qui l’encadrent dans une harmonie parfaite. Nancy, c’est aussi son style Art déco de l’entre deux guerres qui multiplie façades, vitraux dans des bâtiments civils et administratifs, ses immeubles, des villas entourées de jardins.

img8

Reims. Cathédrale

On n’oubliera pas de chercher à Charleville-Mézières comme à Metz et Rethel les souvenirs de Rimbaud et Verlaine. C’est en septembre 1871, que Rimbaud invité à Paris par Verlaine à qui il a envoyé ses poèmes, débute avec lui une liaison orageuse. Paul Verlaine est marié à Mathilde. Déchiré par cette liaison, marqué par l’alcoolisme, le 10 juillet 1873 à Bruxelles, il tire un coup de revolver sur Rimbaud. Il fera deux ans de prison. Après avoir été professeur en Angleterre, il rentre enseigner quelques mois dans un collège à Rethel dans les Ardennes. Reparti en Angleterre, il revient de nouveau près de Rethel où il achète une ferme à Juniville. Puis c’est la propriété de Malval à Coulomnes, toujours près de Rethel. Quand à Rimbaud, il a quitté Charleville pour une longue errance de 18 ans qui le verra aventurier, commerçant, trafiquant à Aden et Harar en Abyssinie, avant de revenir mourir à Marseille à moitié inconscient, une jambe amputée. Son œuvre poétique est depuis dix-sept ans achevée. Elle reste fulgurante, portée en partie par Verlaine :

img9

Jeanne d’Arc

« Elle est retrouvée ! Quoi ?
l’Eternité.
C’est la mer mêlée au soleil... »

(Une saison en enfer, 1873)

Pourquoi ne pas faire un détour par les « villes d’eaux » de Contrexéville ou de Vittel et leur théâtrale architecture du XVIIIe siècle : établissement thermal, casino, opéra, grands hôtels, parcs et villas. Il sera alors presque temps de profiter du champagne.

Mais en passant, tout de même, une petite visite à Château Thierry pour voir la maison où Jean de La Fontaine est né en 1621. Ici, on est déjà dans les terroirs de champagne. S’offre alors la visite des caves installées dans des carrières de pierre qui datent du XIIIe siècle. Le sol crayeux permet l’échange d’eau et de chaleur. Les terroirs ont une composition minérale qui enrichit l’arôme des vins. À la fin du XVIIe siècle, le moine Dom Pérignon a mis au point la fermentation qui permet d’apporter le pétillant si caractéristique :

img10

Rouen

« De ce vin si fin l’écume
pétillante
De nos français est l’image
brillante... »

(Voltaire)

Le champagne est synonyme de fêtes et de célébrations. Il peut être blanc ou rosé. Pinot et Chardonnay sont les cépages de base. Après c’est question de secrets de vigneron. Sur les vins initialement créés, on réalise une seconde fermentation au printemps. Les bouteilles très épaisses pour résister aux pressions du gaz carbonique sont conservées à 10° environ durant 15 à 18 mois. Chaque jour il faut les remuer. Enfin on expulse les dépôts, puis après quelques ajouts au dosage resté mystérieux on rebouche. Il n’y a plus qu’à stocker en cave avant d’expédier. Tout cela on vous l’expliquera chez Moët, veuve Clicquot, Mercier et bien d’autres encore, y compris des petits producteurs logés dans les villages sur les coteaux plein de vignes. Alors à consommer… avec modération, bien entendu.

TopList