Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №6/2009

Je vous salue, ma France

Promenade littéraire et artistique en Normandie

1. Victor Hugo et Villequier

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Villequier

Demain dès l’aube à l’heure
où blanchit la campagne
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne
Je ne peux demeurer loin de toi plus longtemps…

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur

Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyères en fleur.

(Les Contemplations IV,14)

Ce poème a été composé par Victor Hugo en octobre 1847, quatre ans après la tragique disparition de sa fille Léopoldine le 4 septembre 1843. La douleur du père est toujours vive. Il nous livre ici des vers d’une intimité bouleversante. Ce drame est lié à Villequier. C’est dans ce magnifique site du bord de la Seine que se dresse la belle maison de la Vaquerie. Léopoldine Hugo épousa Charles Vaquerie, un des deux fils d’un armateur très prospère. En été, les jeunes époux décident d’accompagner leur oncle Pierre en canot à Caudebec à quelques kilomètres de là. Le fleuve aux allures tranquilles peut réserver de mauvaises surprises. Un violent coup de vent imprévu retourne le canot... et c’est le drame. Charles tente de sauver Léopoldine et n’y parvenant pas se serait laisser submerger par les flots. On ramène les trois corps inanimés dans la belle maison. On ne peut pas prévenir Victor Hugo que l’on sait être en voyage avec la passion de sa vie, Juliette Drouet.

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La Seine à Villequier

En 1843, Victor Hugo, bien qu’âgé de 41 ans est déjà membre de l’Académie française. Il a une œuvre immense poétique derrière lui (Les Feuilles d’automne, Les Rayons et les Ombres …), théâtrale (Cromwell, Hernani, Ruy Blas…), romanesque (Les Derniers jours d’un condamné, Notre-Dame de Paris…). Sa fille aînée s’est mariée en février et l’été venu, il décide de partir vers l’Espagne avec Juliette. L’annonce de la catastrophe lui parvient sur le chemin de retour d’Espagne. C’est le 9 septembre, cinq jours après le drame, que Victor Hugo ouvre le journal et apprend la noyade de sa fille. Choc, désespoir. Le poète restera inconsolable.

Aujourd’hui, nous pouvons visiter la maison transformée en musée. La belle salle à manger nous accueille, puis nous passons au salon consacré à Auguste Vaquerie, l’oncle de Charles, ami de la famille Hugo. Comme dans toute maison bourgeoise du XIXe siècle, il y a là aussi une salle de billard. On y présente l’œuvre littéraire et politique de Victor Hugo. Le hall évoque les trois autres enfants de l’écrivain : Charles, qui devint poète ; François, érudit et traducteur de Shakespeare ; Adèle qui sombra dans la folie. Puis les chambres à l’étage : la chambre rose où nous sommes initiés à L’Art d’être grand-père, la chambre rouge dédiée à Adèle Foucher, future Mme Hugo, dont Victor s’éloigne lorsqu’il sut sa liaison avec Sainte-Beuve. Il s’éprit alors de Juliette Drouet qui fut sa maîtresse de 1833 à 1883. Cette grande actrice joua dans des pièces du dramaturge et partagea tous ses voyages. La chambre claire évoque Léopoldine et Charles et le naufrage, puis la chambre bleue reconstitue celle des jeunes-mariés au Havre. Cette maison, dans laquelle Victor Hugo ne vint qu’à quatre reprises (1846, 1847, 1879, 1882), nous plonge non seulement dans la vie de famille mais également dans l’œuvre du grand homme.

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Léopoldine Hugo

On se doit de s’attarder dans le Petit Salon qui évoque la période de l’exil. Hostile à Napoléon III après le coup d’État du 2 décembre 1851 (il avait pris la tête du comité de résistance au coup d’État), Victor Hugo et sa famille sont contraints de vivre exilés d’abord à Jersey (1852-1856), puis à Guernesey jusque en 1870. Ce fut le lieu d’une œuvre féconde : Les Châtiments, La Légende des siècles, Les Misérables, Les Travailleurs de la mer, L’Homme qui rit… Il revient en France après la proclamation de la République, le 4 septembre 1870. Il vivra encore 15 ans, poursuivant une carrière politique et littéraire très en vue et disparaît le 22 mai 1885. Un cortège impressionnant le mène au Panthéon. Dans le petit couloir de la maison sont évoquées ses obsèques nationales. On ne peut quitter Villequier sans une visite au cimetière où furent inhumés Léopoldine et Charles Vaquerie, ainsi qu’Adèle, épouse de Victor Hugo, et Adèle leur fille.


2. Flaubert et Ry

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Monument à Gustave Flaubert

En quittant Villequier, si on remonte la Seine en direction de Rouen, on entre dans le pays de Gustave Flaubert. Là, un petit bâtiment, le pavillon Flaubert, est le seul vestige de la propriété de ses parents. De la maison, où l’écrivain s’est retiré à partir de 1843 (il a 22 ans), il ne reste qu’un pavillon rassemblant quelques souvenirs de l’écrivain. Reste aussi la terrasse que Flaubert arpentait en « gueulant » ses textes. Il avait besoin de tester à haute voix les textes qu’il écrivait, d’en éprouver le rythme des phrases, d’en entendre la sonorité des mots. On peut imaginer face à la maison le spectacle de la Seine qu’il aimait tant, les visites de ses amis : Zola, Daudet, George Sand, Tourgueniev, Maupassant.

C’est ici qu’il passa 4 ans et 5 mois à écrire jour et nuit Madame Bovary. Pour concevoir cette œuvre magistrale, Gustave Flaubert s’inspire d’un fait divers réel : un ancien élève de son père, Delamare, médecin à Ry, avait épousé une femme infidèle qui finit par s’empoisonner. Dans le roman l’intrigue est placée à Yonville qui est le décalque exact de la petite ville de Ry, où la pharmacie, l’auberge du Lion d’or, la diligence l’Hirondelle ont vraiment existé.

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Croisset. Pavillon Flaubert

Ry est facile d’accès, et là, on trouve aisément la demeure de Bovary qui possède une porte sur l’allée qui permet d’entrer et de sortir sans être vu, le petit pont où Emma déposait les billets destinés à son amant, l’auberge du Lion d’or où s’arrêtait la diligence l’Hirondelle, la pharmacie Homais, les Halles, l’église, la ferme Rollet à l’extrémité du village, près de l’église où Emma laissait sa fille Berthe. On déambule dans la magie du roman. On peut s’arrêter à la galerie Bovary. Là, nous accueille une reconstitution précise de la pharmacie Jouanne (appelée Homais dans le roman). La façade de l’ancienne pharmacie et les comptoirs en bois nous plongent en plein XIXe siècle. On regarde avec curiosité les bocaux, les fioles et on pense à Gustave Flaubert qui se documentait avec exactitude. On sait qu’il éplucha de nombreux traités médicaux pour décrire l’empoisonnement d’Emma. La galerie Bovary nous offre également une représentation des principales scènes du roman au moyen de 300 automates en mouvement. Là, nous pouvons nous remémorer des moments clés du livre. Enfin, une salle présente à travers des documents et articles de presse l’affaire Delamare, documents que Flaubert a consultés et analysés pour créer son grand roman réaliste. Son génie consiste à donner une impression de réalité en utilisant faits et détails observés par lui-même. Il voulut avec Mme Bovary créer un type universel à travers un cas individuel. N’a t-il pas écrit : « Madame Bovary souffre et pleure dans vingt villages de France », mais aussi : « Madame Bovary, c’est moi ».

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Pharmacie de M. Haumais. Musée des automates

Des milliers de pages d’analyse ont été écrites dans le monde entier sur ce roman. Relisons-les pour nous-mêmes dans le charme de Ry et imprégnons-nous des beaux villages et de la superbe campagne environnante. Avant de revenir vers Rouen, passez par Héronchelles où naquit l’aubergiste et conducteur de diligence (église et manoir du XVIIe siècle sont toujours à admirer), le Héron, où les cérémonies au château du marquis de Pommereu inspirèrent à Flaubert les fastes de la vie mondaine qu’Emma recherchait, le hameau de Villers où la propriété de la Huchette accueillit Emma et ses amants…

Ne quittons pas Flaubert sans nous rendre à Rouen au Musée Flaubert et d’histoire de la médecine. Ce musée fut le logement du père de l’écrivain, Achille-Cléophos Flaubert à partir de 1816, puis de son fils Achille, le frère de Flaubert, de 1846 à 1882. Tous les deux furent de grands médecins chirurgiens. Gustave a passé son enfance dans cette maison. Y est conservée sa chambre natale. Dans cette chambre une vitrine expose ses œuvres de jeunesse. Car Flaubert a commencé à écrire dès l’âge de 10 ans. On peut également y voir le vrai perroquet de Félicité évoqué dans Un cœur simple. C’est de cette jeunesse, vécue dans un environnement médical, que Flaubert tira sa passion de l’observation rigoureuse, ainsi que son goût de la documentation. Quelques exemples : pour écrire Salambô, il se rendit en Tunisie, lut 100 ouvrages différents et « avala », selon ses dires, « 18 tomes de la Bible en 15 jours ». Flaubert était un écrivain chercheur, un amoureux de la forme jusqu’à lui vouer un véritable culte, puisqu’il réécrivait certains passages plus d’une dizaine de fois.

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Étretat

Cet infatigable travailleur meurt subitement à Croisset en 1880. Il a eu le temps de voir le succès de son filleul Guy de Maupassant qui lui consacra un ouvrage Pour Gustave Flaubert. C’est un véritable hommage à l’art de Flaubert. Quel lien existait entre Flaubert et Maupassant ? Flaubert fut ami de l’oncle et de la mère de Guy, Laure. Les mères de Laure et de Gustave étaient amies d’enfance… Une filiation très particulière donc, qui devint une filiation de maître à disciple.

3. Maupassant en Normandie

Maupassant est également Normand. Il est né en 1850 (Flaubert a alors 29 ans), au château de Miromesnil près de Dieppe. Celui-ci ouvert à la visite, présente quelques souvenirs de Maupassant. Après Dieppe, la famille habite Fécamp et le manoir de Grainville-Ymanville près du Havre. Il a servi de modèle au manoir des Peuples dans son premier roman : Une vie. Guy de Maupassant a suivi le séminaire à Yvetot, il en fut vite exclu avant de poursuivre des études au lycée de Rouen. En 1882-83, il fait construire à Étretat, un chalet, « La Guillette » (maison de Guy) qui existe toujours, mais ne se visite pas. Il y a reçu ses amis : Dumas et Courbet, et y a écrit Bel Ami.

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Château de Miromesnil

La campagne normande et ses habitants ont forgé chez lui une profonde connaissance du monde paysan, que nous trouvons dans ses quelques 300 contes et nouvelles. Dans sa recherche de la vérité, nous retrouvons l’influence de Flaubert. Sa vision du monde est toutefois empreinte d’un plus grand pessimisme que celle de son maître. Maupassant nous laissa de superbes descriptions des paysages et de villes normandes à travers ses principaux romans : Une vie se déroule au Pays de Caux, Pierre et Jean au Havre, Bel Ami est originaire de la campagne de Rouen. Mais, c’est d’un lieu aux franges de la Normandie et de la Bretagne - le Mont-Saint-Michel, que Notre Cœur et Le Horla nous livrent de superbes pages. Dans ce dernier, le Mont est décrit comme un « fantastique rocher qui porte sur son sommet un fantastique monument». Et, le site d’Étretat comme : « La plage dont la beauté célèbre a été si souvent illustrée par les peintres, semble un décor de féerie avec ses deux merveilleuses déchirures de falaise qu’on nomme les portes ».

Ici Maupassant nous entraîne à évoquer quelques représentations d’Étretat. Courbet y séjourne en 1869 et peint La Falaise après l’orage, que nous pouvons voir au Musée d’Orsay à Paris et surtout La Vague, présentée au Musée André Malraux du Havre. Il avait été précédé par Delacroix en 1854 et par un autre peintre amoureux de la Normandie, Eugène Boudin qui nous laissa un magnifique pastel Étretat au soleil couchant en 1864. Claude Monet peignit de multiples fois ce lieu pour ne citer que Les Falaises d’Étretat, soleil couchant (1883), Bateaux sur la plage d’Étretat, (1883), L’Arche d’Étretat (1886). L’infinie variation des couleurs sur la roche n’a pu que séduire les impressionistes et depuis, tant d’autres peintres. Les falaises d’Étretat sont sans doute un des lieux les plus représentés au monde. Alors ne boudons pas notre plaisir, laissons nous aller à la magie des lieux de ce bout de Normandie.

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