Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №8/2009

Arts et culture

Daniel PENNAC

Comme un roman

(extrait)

(Suite. Voir N°1, 2, 4/2009)

Le droit de relire

Relire ce qui m’avait une première fois rejeté, relire sans sauter de passage, relire sous un autre angle, relire pour vérification, oui… nous nous accordons tous ces droits.

Mais nous relisons surtout gratuitement, pour le plaisir de la répétition, la joie des retrouvailles, la mise à l’épreuve de l’intimité.

« Encore, encore », disait l’enfant que nous étions… Nos relectures d’adultes tiennent de ce désir-là : nous enchanter d’une permanence, et de la trouver chaque fois si riche en émerveillements nouveaux.

Le droit de lire n’importe quoi

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À propos du « goût », certains de mes élèves souffrent beaucoup quand ils se trouvent devant le classique sujet de dissertation : « Peut-on parler de bons et de mauvais romans ? » L’ensemble de leurs devoirs pourraient se résumer par cette formule : « Mais non, mais non, on a le droit d’écrire ce qu’on veut, et tous les goûts de lecteurs sont dans la nature… »

Pour être bref, disons qu’il existe ce que j’appellerai une «littérature industrielle» qui se contente de reproduire à l’infini les mêmes types de récits, débite de stéréotype à la chaîne, fait commerce de bons sentiments et de sensations fortes, saute sur tous les prétextes offerts par l’actualité…

Voilà de mauvais romans.

Pourquoi ? Parce qu’ils ne relèvent pas de la création mais de la reproduction de « formes », parce qu’ils sont une entreprise de simplification (c’est-à-dire de mensonge), quand le roman est art de vérité (c’est-à-dire de complexité), parce qu’à flatter nos automatismes ils endorment notre curiosité, enfin et surtout parce que l’auteur ne s’y trouve pas, ni la réalité qu’il prétend nous décrire.

Ne pas croire que c’est un phénomène récent. Pour ne citer que deux exemples, le roman de chevalerie s’y est embourbé, et le romantisme longtemps après lui. À quelque chose malheur étant bon, la réaction à cette littérature nous a donné deux des plus beaux romans qui soient au monde : Don Quichotte et Madame Bovary.

Il y a donc de « bons » et de « mauvais » romans.

Le plus souvent, ce sont les seconds que nous trouvons d’abord sur notre route.

Et ma foi, quand ce fut mon tour d’y passer, j’ai trouvé ça « vachement bien ». J’ai eu beaucoup de chance: on ne s’est pas moqué de moi, on n’a pas levé les yeux au ciel, on ne m’a pas traité de crétin. On a juste laissé traîner sur mon passage quelques «bons» romans en se gardant bien de m’interdire les autres.

C’était la sagesse.

Les bons et les mauvais, pendant un certain temps, nous lisons tout ensemble. Insensiblement, nos désirs nous poussent à la fréquentation des « bons ». Nous cherchons des écrivains, nous cherchons des écritures; finis les seuls camarades de jeu, nous réclamons des compagnons d’être. L’anecdote seul ne nous suffit plus. Le moment est venu où nous demandons au roman autre chose que la satisfaction immédiate et exclusive de nos sensations.

Une des grandes joies du « pédagogue », c’est – toute lecture étant autorisée – de voir un élève claquer tout seul la porte de l’usine Best-seller pour monter respirer chez l’ami Balzac.

(à suivre)


Tatiana JELEZNIAKOVA

Fiche pédagogique

VOCABULAIRE

angle (m) – угол

vérification (f) – проверка

accorder – предоставлять

surtout – особенно

gratuitement – бесплатно, бескорыстно

retrouvaille (f) – встреча после разлуки, находка

épreuve (f) – испытание

intimité (f) – интимность, близость, задушевность

adulte – взрослый

enchanter – очаровать

permanence (f) – постоянство

émerveillement (m) – восхищение, изумление

à propos – по поводу

certains – некоторые

souffrir – страдать

bref – краткий

débiter – продавать, сбывать

chaîne (f) – цепь

prétexte (m) – предлог

offrir – дарить, давать, предлагать

relever de – зд. происходить из, быть результатом

création (f) – творчество

entreprise (f) – предприятие

simplification (f) – упрощение

mensonge (m) – ложь

complexité (f) – сложность

flatter – льстить, угождать

récent – недавний

s’embourber – увязать в грязи

à quelque chose malheur étant bon – нет худа без добра

ma foi – честное слово, право же

vachement bien – классно, замечательно

se moquer de – насмехаться над

traiter de crétin – обращаться как с кретином

laisser traîner – оставлять на виду

interdire – запрещать

la sagesse – мудрость

fréquentation (f) – частое посещение; общение; знакомство

réclamer – требовать

compagnon d’être – спутник жизни

anecdote (m) – анекдот (занятный рассказ)

suffire – быть достаточным

autoriser – разрешать

claquer – хлопнуть

bestseller – бестселлер (хорошо продающаяся книга)

respirer – дышать

 

QUESTIONS

1 . Est-ce que vous avez déjà relu un livre ? Lequel ? Quelle en était la cause ?

2. Comment a été la première lecture de ce livre ?

3. Comparez, s’il vous plaît, la première lecture et la relecture.

4. Est-ce que vos parents vous lisaient à haute voix quand vous étiez petit ?

5. Est-ce que vous leur demandiez de lire le même livre plusieurs fois ? Vous vous en souvenez ?

6. Est-ce qu’il y a des films que vous regardez plusieurs fois sans se lasser ? Pourquoi ça ne vous ennuie pas ?

7. Est-ce qu’on vous donne en classe un pareil sujet de dissertation ?

8. Si on vous pose une question comme ça, comment y sera la réponse ?

9. Expliquez, s’il vous plaît, comment vous comprenez l’expression « littérature industrielle ».

10. Donnez des exemples de la littérature industrielle. Est-ce que vous lisez des livres comme ça ?

11. Quels types de récit exploite cette littérature ? Quels stéréotypes nous imposent ce genre de livres ? Est-ce qu’on peut vraiment faire commerce de bons sentiments ? Qu’est-ce que c’est que des sensations fortes ?

12. Quelle est la différence entre la création et la reproduction de formes ?

13. Commentez le mot « entreprise » concernant la production de la littérature.

14. Pourquoi la simplification c’est un mensonge et la complexité est art de vérité ? Êtes-vous d’accord avec Daniel Pennac ?

15. Comment comprenez-vous la phrase de Pennac que l’auteur ne se trouve pas dans un mauvais livre ? Et la réalité non plus ? Est-ce que l’auteur doit vraiment s’y trouver ? Et la réalité aussi ?

16. Est-ce que vous avez déjà lu Don Quichotte et Madame Bovary ? Comment en sont vos impressions ?

17. Est-ce que vous pouvez expliquer comment la réaction au roman de chevalerie a fait naître le roman de Cervantès et la réaction au romantisme a donné le roman de Flaubert ?

18. Est-ce que vos parents s’intéressent à vos lectures ? Est-ce qu’ils vous conseillent quelques livres ? Est-ce qu’ils vous interdisent de lire certains textes ? Est-ce que les parents approuvent votre goût ? Et qu’est-ce qu’ils aiment lire eux-mêmes ?

19. Est-ce que vous faites la différence entre de « bons » et de « mauvais » livres ?

20. Quel en est le critère ?

21. Qu’est-ce qu’est un « best-seller » ? En lisez-vous parfois ? Qu’est-ce que cela vous donne ?

22. Comment comprenez-vous les mots « respirer chez l’ami Balzac » qu’emploie ici Daniel Pennac ? Est-ce qu’il y a des livres dans l’espace desquels vous respirez ? Est-ce que vous avez un écrivain-ami ?

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