Les Routes de l’Histoire
Alla CHEÏNINA
De 1774 à 1778. Le début du règne de Louis XVI
Louis XVI (1774-1792)
Depuis la mort de Louis XV, le 10 mai 1774, c’est à son petit-fils, un jeune homme très timide de 20 ans, qu’incombe la lourde responsabilité de veiller sur le royaume de France. Comme le veut la tradition, « le roi est mort, vive le roi ! ». Le jour de la mort de son grand-père, le jeune Louis XVI embrasse Marie-Antoinette, et tous les deux restent immobiles en murmurant : « Mon Dieu, protégez-nous, nous régnons trop jeunes ! ». Le jeune roi s’entoure de ministres capables et réformateurs. Mais il y a aussi pas mal des privilégiés qui s’opposent violemment aux réformes. Il faut de la force et du courage pour gérer tout ça. Louis XVI n’en a pas… Il est trop timide. Il n’a jamais eu envie de régner, mais depuis la mort de son père, dauphin de France, survenue le 20 décembre 1785, il comprend bien qu’un jour ou l’autre, il sera roi de France. C’est lui qui devient alors dauphin de France, il a 11 ans. C’est un garçon très angoissé, qui trouve souvent dans la maladie un refuge contre l’inquiétude permanente qui le hante : il a peur de son avenir royal. On lui enseigne l’italien, l’anglais, l’allemand. Mais il aime les mathématiques, les sciences, la géographie. Il aime aussi les travaux manuels, ceux des jardiniers. Il sait chasser, battre le fer comme un forgeron ou un serrurier. La mère de Louis – la dauphine – meurt en 1787, puis, en mars 1768, c’est la reine Marie Leczinska – l’épouse de Louis XV et la grand-mère de Louis – qui est emportée. Et à chacun de ces décès c’est le dauphin – car la tradition le veut – qui préside ces cérémonies funèbres, à la lourde étiquette. Louis se soumet à ces obligations, mais elles le paralysent et le déstabilisent, son visage est marqué par le désespoir, son regard éteint. Il sait qu’il est maladroit, qu’il est faible, qu’il est trop sensible et qu’il ne pourra jamais combler les attentes de son grand-père, Louis XV. Mais il n’est pas dans les usages que l’on se préoccupe des sentiments du dauphin et sa vie est dessinée. Maintenant qu’il est roi, il doit régner. Il est trop jeune, il n’est pas sûr de lui, on ne lui a pas appris à gouverner : il ne sait pas prendre les décisions politiques. Il cherche autour de lui des appuis, des conseils. Il écoute les uns et les autres : ses ministres, ses tantes, son épouse, il cède à toutes les influences, y compris celle de cet « esprit des Lumières ». Il veut être aimé par ses sujets, par son peuple. Et il l’est pour l’instant, car les Français aiment leurs rois. Le roi en France incarne le royaume et l’ordre du monde. Il faut donc être bon, juste et ferme avec son peuple, le rendre heureux, soulager ses misères, sinon ce peuple se met en colère… Comment éviter cela ? Louis se sent impuissant de gérer la situation qui empire dans le royaume de France : on y meurt de faim, les plus humbles n’arrivent pas à payer les impôts, et les nobles et le clergé ne les payent pas du tout. Est-ce juste ? Les « émotions », les « émeutes1 », les « révoltes des va-nu-pieds », secouent donc périodiquement le royaume. En plus, les caisses royales sont vides. Louis regarde Marie-Antoinette qui rit, qui danse, qui s’entoure des courtisans. Elle est l’héritière des Habsbourgs, soucieuse de défendre les intérêts de la Cour de Vienne. Elle est belle, elle sait séduire, elle aime le luxe, les bals, les fêtes, elle ne veut pas rentrer dans tous les problèmes économiques et s’éloigne peu à peu de son époux, qui a l’impression d’être prisonnier de son pouvoir royal, des intrigues de la Cour, des ambitions, des intérêts contradictoires… Il sent qu’il faut se méfier de ces hommes « éclairés », de cet esprit des Lumières, de ce Voltaire qui, habile, sait à la fois louer le roi et conduire la guerre contre l’Église. C’est ce qui dégoûte Louis XVI qui se veut être le Roi Très Chrétien. Voltaire n’est pas le seul danger : il y a aussi Montesquieu, Rousseau qui influencent certains nobles, pénétrés par l’esprit des Lumières, et sont très bien reçus dans des sociétés de pensée. Louis se persuade que cette secte philosophique, ces sociétés de pensée, les volumes de l’Encyclopédie seront responsables un jour de la mise en cause des principes sacrés de la foi. Il refuse de recevoir à la Cour le vieux Voltaire, ce patriarche de 84 ans, dont la pensée et les œuvres « illuminent » l’Europe, de Londres à Saint-Pétersbourg, et qui rêve, avant de mourir, d’être présenté au roi. Louis ne cédera ni à l’opinion de la Cour, ni à Marie-Antoinette et ne le recevra pas. Voltaire, dont Louis a lu toutes les œuvres, est un ennemi de l’Église et donc de la monarchie de droit divin2. Il ne peut pas recevoir l’homme qui s’est donné comme but d’« écraser » la Sainte-Église. Et à la mort de Voltaire, le 30 mai 1778, point de célébration officielle, mais un enterrement loin de Paris. C’est-à-dire que, pour ce qui lui semble essentiel, Louis XVI sait s’opposer à son entourage. Louis veut montrer à son peuple que le roi de France l’est de droit divin. Et c’est à Reims, là où le premier roi chrétien, Clovis, avait été baptisé, que la cérémonie du sacre de Louis XVI a eu lieu, le 11 juin 1775. Le rituel du sacre a transformé le jeune roi et en a fait l’homme choisi par Dieu pour régner. Et puisque Dieu l’a choisi, tout lui semble possible à cet instant. Mais cet instant est de courte durée. Que faire donc, comment agir pour décider du sort de ces vingt-cinq millions de sujets qui constituent le royaume le plus peuplé d’Europe et qui se compose de trois ordres : le Clergé, la Noblesse et le Tiers état (bourgeois, négociants, médecins, chirurgiens, avocats, paysans, fermiers, tous écrasés d’impôts royaux, seigneuriaux, féodaux) ? Comment gouverner tout ce royaume ? Pas de réponse, pas de solution. Alors, Louis qui s’installe au château de Versailles, met un masque d’indifférence, semble morose, silencieux, et se livre de plus en plus à la chasse pour traquer seul les sangliers et les cerfs. Mais on ne peut pas chasser tout le temps. Louis rentre au château pour régner sur la France et redevient malheureux : il retrouve ses appartements, sa chambre où les courtisans l’attendent pour le cérémonial du grand lever ou du coucher auquel il doit se plier, parce qu’il est le roi, et l’étiquette le veut. Il a l’impression qu’il glisse sur une pente, et qu’au bout il y a un gouffre. Mais il a aussi un pressentiment qu’il ne réussira jamais à échapper à son destin tragique.
Test
Que votre règne vienne…
Si vous deveniez roi ou reine de France, comment vous comporteriez-vous ?
1. Ce matin, en vous réveillant, vous apprenez que vous êtes appelé (e) à régner.
a) Vous trouvez ça ridicule, voire grotesque.
b) Vous vous affolez : pourquoi moi ? Qui donc a eu cette idée ?
c) Oui, d’accord, mais vous n’avez rien à mettre de convenable !
2. Lorsqu’on vous parle du trône, vous pensez…
a) à la foire du même nom à Paris (Foire du Trône3), une fête populaire où tout le monde se mélange ;
b) à l’endroit où même les rois et les reines vont à pied (les WC quoi) ;
c) au discours que vous devez prononcer devant une assemblée buvant vos paroles.
3. Pour le banquet de votre couronnement, il y aura :
a) de la poule au pot pour tout le monde (comme l’avait promis le bon roi Henri IV) ;
b) les chanteurs venus du monde entier dans la Galerie des Glaces de Versailles qui vont chanter entre chaque plat ;
c) vos parents, vos amis, les amis de vos amis, ça sera le bonheur !
4. Pour vous, la guerre, c’est d’abord…
a) une affaire de conquêtes ;
b) un conflit qu’on n’arrive pas à résoudre paisiblement ;
c) une histoire de religions.
5. La première décision que vous imposez :
a) La robe obligatoire pour toutes les dames, pas de pantalon, pas de veste, pas de tailleur.
b) La messe obligatoire pour les touristes qui veulent visiter Paris.
c) Tout le monde doit s’incliner devant vous.
6. Pour régler un problème…
a) vous distribuez des cadeaux ;
b) vous en discutez avec vos ministres, vos conseillers, vos amis de confiance (si vous en avez) ;
c) vous éliminez la personne qui pose problème.
Résultats
Vous obtenez une majorité de a) : Tête en l’air comme le roi Dagobert. Vous êtes genre à mettre votre culotte à l’envers. Mais grâce à votre bon caractère, vous retournez toutes les situations ridicules à votre avantage. Méfiance : Dagobert Ier a fait assassiner son neveu pour avoir le royaume.
Vous obtenez la majorité de b) : Juste comme Henri IV. Vous vous préoccupez de ceux qui vous entourent. Et vous aimez aussi les séduire pour les rallier à votre « panache blanc », comme le disait le bon roi. Méfiance : Henri IV a été assassiné en 1610.
Vous obtenez la majorité de c) : Tout(e) puissant(e) comme Louis XIV. Vous adorez avoir votre Cour en toutes circonstances. Vous n’êtes avare ni de fêtes, ni de cadeaux. Mais attention aux mauvaises langues qui disent du mal dans votre dos. On se demande parfois si vous ne préféreriez pas un peu de solitude.
(d’après Okapi, 15 décembre 2008)
1 Le soulèvement populaire, souvent spontané et non organisé, pouvant prendre la forme d’un simple rassemblement tumultueux accompagné de cris et de bagarres.
2 Droit sacré donné par Dieu.
3 Parce qu’elle se déroule non loin de la place du Trône (aujourd’hui, place de la Nation).