Je vous salue, ma France
Natacha TWAGUIRAMUNGU
L’argent ne fait pas le bonheur
En ces temps de crise économique mondiale on parle beaucoup de l’argent.
Ah, l’argent ! Objet de tant de passions, cause de tant de crimes, d’envies, de joies et de détresses ! L’argent ne fait pas le bonheur ? Voire ! Quand on est pauvre comme Job et que l’on manque de tout, même du nécessaire, difficile d’être heureux.
Mais laissons pour le moment de côté l’homme heureux, celui qui n’a pas de chemise (fable connue de La Fontaine). C’est un sujet philosophique qui n’est pas le propos de cet article.
Penchons-nous plutôt sur les proverbes qui expriment la sagesse populaire vis-à-vis de ce veau d’or, adoré par certains, haï par les autres. Ces proverbes nous aident à réfléchir sur notre rapport à l’argent et aux biens de ce monde qu’il permet d’acquérir.
Certains proverbes attestent avec force la puissance de cet outil d’échange, devenu indispensable dans nos économies modernes, depuis que l’argent a remplacé le troc :
Monnaie fait tout. L’argent est le nerf de guerre.
Pas d’argent, pas de Suisses (allusion aux mercenaires suisses qui désertaient le champ de bataille lorsqu’ils n’étaient pas payés).
Quand l’argent fault, tout fault (fault = vieux mot qui signifie manque, fait défaut).
Une clé d’or ouvre toutes les portes.
La bourse ouvre les bouches et Argent comptant porte médecine (le remède).
Chez les autres peuples nous retrouvons le même son de cloche :
Ayez des florins, vous aurez des cousins (Italie).
L’or posé sur l’acier ramollit ce dernier (proverbe persan).
Vous pouvez également en retrouver une quantité en russe, car la sagesse populaire est universelle par nature.
Pour un homme qui dispose d’une grande fortune, on dit qu’il est riche comme Crésus (roi d’Asie mineure qui s’est enrichi grâce aux sables aurifères du Pactole, rivière qui traversait son royaume. Depuis, le mot pactole est devenu nom commun pour désigner « source de richesse »). Un homme riche est aussi Doré sur tranche, ou bien encore Tombé dans un champ d’oseille (oseille = argent en argot) ou Plein aux as (terme emprunté aux jeux de cartes). Cela lui permet d’Être comme un coq en pâte, Faire l’Américain ou Faire son nabab (son pacha) en allusion aux richesses outre Atlantique ou orientales.
On peut être dépensier, au point de Jeter l’argent par les fenêtres ou au contraire être avare (radin, un harpagon, un ladre, un pingre). Ou même un rat.
A ne pas confondre cependant avec un rat d’église qui n’a rien à se mettre sous la dent ! On dit Être pauvre comme un rat d’église. Ou bien Être pauvre comme Job, personnage biblique, récompensé par Dieu pour avoir supporté stoïquement sa misère.
Un miséreux s’appelait autrefois Pauvre hère. Notez que la langue imagée est bien plus riche en expressions décrivant la pauvreté que la richesse, preuve que les fortunés, en ce bas monde, sont bien moins nombreux que les démunis.
On entend dire ironiquement qu’Un tel est chargé d’argent comme un crapaud de plumes (c’est-à-dire qu’il n’en a pas, comme le crapaud n’a pas de plumes). Ou plus prosaïquement, qu’on est sans un sou, qu’on n’a pas un rond, ou bien qu’on est à sec. Les plus misérables se trouvent dans la dèche, dans le pétrin ou dans la purée pour finir sur la paille.
Il est difficile d’énumérer ici tous les mots populaires qui ont servi à désigner l’argent dans la langue française. Mais il est intéressant de savoir que la création de ces mots s’est accélérée dans la seconde moitié du XIXe siècle et que leur nombre s’est vu multiplier au XXe. Eh bien, cela s’explique tout simplement par le développement industriel et économique.
Citons-en quand même quelques uns :
Artiche, aspine, avoine, balles, beurre, biftons, blanquette, blé, braise, bulle, carbure, carme, fifrelins, flouze, fourrage, fraîche, fric, galette, graisse, grisbi, japonais, mornifle, os, oseille, osier, pépètes, pèse (ou pèze), picaillons, plâtre, pognon, radis, ronds, sauce, soudure, trèfle, thune.
Mais le temps file et l’argot se démode. Par exemple le mot grisbi a été popularisé grâce au film Touchez pas au grisbi ! avec Jean Gabin et Jeanne Moreau (1953). Actuellement, les jeunes ne le connaissent même pas. Avec l’apparition de l’euro, baptisé zeuro par certains, un bon nombre de mots désignant les francs vont peut-être disparaître petit à petit. En effet, une thune désignait une pièce de cinq francs, un petit format, un billet de cent francs et un grand format, un billet de mille ; la somme de dix mille francs était une barre, un bâton, une brique, un pavé, une plaque, un sac.
La petite monnaie est souvent appelée la ferraille, la mitraille, les broques, la mornifle, la vaisselle de fouille. Les pièces actuelles de 1, 2 et 5 centimes sont couramment appelées les pièces jaunes. Elles s’accumulent tellement vite et alourdissent tellement les porte-monnaie que les usagers préfèrent les laisser à la maison et les empiler dans des boites et des coupelles. Grâce à l’initiative de la Fondation Madame Chirac, ces pièces jaunes sont collectées au profit des enfants malades hospitalisés. Et croyez-moi, cela représente des sommes considérables !
Par exemple, en 2008, quatre millions d’euros fournis par la Fondation ont permis de financer quelques 300 nouveaux services pédiatriques en France.
Quoi qu’il en soit, l’histoire de l’argent ne s’arrête pas là. Même s’il devient de plus en plus virtuel. La petite carte de crédit, la carte bancaire, appelée en France carte bleue tend à remplacer les porte-monnaie et autres portefeuilles. Avec le commerce sur Internet qui se développe de plus en plus, on ne verra même plus la couleur de l’argent !
Alors, de nouvelles expressions apparaissent pour désigner, par exemple un avare : il n’est pas rapide à sortir sa carte ou bien un dépensier dont on dira qu’il fait chauffer (rougir, fumer) sa carte bleue.
Tout le monde sait que l’argent ne pousse pas sur les arbres et qu’il faut travailler à la sueur de son front pour en gagner. Naturellement il s’en trouve toujours les gens qui en disposent sans faire trop d’efforts, mais l’argent n’a pas d’odeur, n’est-ce pas ? Il est amusant de citer l’origine de ce proverbe. Il s’agit de l’empereur romain Vespasien qui avait instauré une taxe sur les latrines.
Les proverbes et expressions populaires abondent de conseils sur comment gérer son argent. Avant de consulter ta fantaisie, consulte ta bourse ; Qui mange son capital, prends le chemin de l’hôpital ; Il n’y a pas de petites économies, les petits ruisseaux font de grandes rivières.
Depuis son apparition, l’argent a toujours régi les relations entre les gens. Tout le monde sait que prêter et emprunter de l’argent n’est pas aussi simple que ça. Ami au prêter, ennemi au rendre ! Pour garder ses amitiés, vaut mieux s’abstenir d’emprunter ou bien rendre à temps : Ce qui est bon à prendre, bon à rendre. Et pour conclure : Les bons comptes font les bons amis.
Et pour mémoire, deux petits rappels :
• Ne pas confondre les verbes prêter (donner) et emprunter (prendre)
• et retenir que le mot argent s’emploie toujours au singulier
DEVOIRS
- Trouvez dans la langue russe tous les mots populaires et argotiques désignant l’argent ;
- Certains proverbes cités dans l’article existent aussi en russe. Trouvez-les et traduisez-les. Expliquez leur sens et illustrez-les par des exemples.
- Trouvez en russe d’autres proverbes et expressions relatifs à l’argent, à la richesse ou pauvreté.
- Connaissez-vous l’étymologie du mot рубль (rouble) ? Si non, faites des recherches. Pour vous mettre sur la piste, pensez au verbe рубить.