Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №12/2009

Les Routes de l’Histoire

Alla CHEÏNINA

La France et la guerre de l’Indépendance américaine

(Suite. Voir N°8, 9, 10/2009)

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George Washington

En avril 1775, les colons1 américains se révoltent contre la métropole anglaise. George Washington2 devient commandant en chef des insurgés et dirige l’offensive contre l’armée anglaise. Une guerre de six années commence. Puisque les Insurgents3 manquent de tout : matériel, armées, argent et troupes bien formées, leur cause semble perdue. Ils décident alors de trouver un allié en Europe et pensent avant tout à la France qui est une ennemie d’Angleterre. C’est Benjamin Franklin4 qui arrive à Paris, et le 20 mars 1778, on signe le traité d’amitié entre la France et les « États-Unis » d’Amérique. Aider les États-Unis d’Amérique, c’est à la fois prendre sa revanche sur l’Angleterre et l’affaiblir, mais aussi renforcer le nouvel État qui, républicain, incarne l’esprit des Lumières. Étrange alliance pour la monarchie française, puisqu’elle tient à aider ces « républicains » américains, qui en 1781 se donnent une Constitution. Pour les partisans des réformes, c’est un modèle à imiter. Et comment éviter la contagion américaine, quand les Insurgents soulèvent tant d’enthousiasme ? Les gazettes vantent à la fois la guerre contre l’Angleterre et la Constitution américaine. Comment le royaume de France, le premier à avoir reconnu les États-Unis d’Amérique, pourrait-il ne pas suivre la voie des réformes profondes ? Tout a un coût. Les caisses sont vides, donc, le soutien de la cause américaine et la guerre qui se prépare, vont creuser le déficit royal et conduire à la banqueroute5. Dès lors, la France a pris parti. Elle aura son héros qui jouera également un grand rôle dans la Révolution française : Gilbert du Motier, marquis de La Fayette (1757-1834).

Un mauvais courtisan

A 17 ans, Gilbert du Motier, marquis de La Fayette est à Versailles. Possédant une immense fortune et introduit par son mariage dans une famille puissante et proche de Louis XVI, il a tout pour réussir. Mais son esprit d’indépendance lui fait refuser une brillante étiquette de la Cour : des règles strictes fixant qui peut avoir accès auprès des grands personnages, quand et où ; les attitudes et le langage codifiés6, variant selon les circonstances, l’usage des titres7 pour s’adresser à l’un ou à l’autre, du droit de s’asseoir, d’utiliser un fauteuil, une chaise, un tabouret8... Il préfère la carrière militaire. Jeune officier, il se passionne pour la cause des Insurgents américains et, contre la volonté du Roi, il organise secrètement son départ pour le Nouveau Monde.

Un héros et symbole de la nation et de la liberté

(d’après Guy CHAUSSINARD-NOGARET)

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La Fayette

Le 18 octobre 1781, les troupes de Washington, de La Fayette, de l’amiral Grasse9 remportaient sur les Anglais une victoire décisive qui a conduit rapidement les États-Unis à l’indépendance. La révolte des treize colonies révoltées contre l’Angleterre, d’abord économique, s’est transformée très vite en désir d’indépendance et a débouché sur une véritable révolution, par référence à la révolution anglaise de 1688, avant de s’épanouir dans les révolutions européennes, particulièrement la Révolution française. Guerre d’indépendance, elle aboutit à la décolonisation, à la naissance d’une nouvelle nation ; et cette guerre est aussi une révolution : elle proclame les principes d’égalité, de liberté et de gouvernement libre – principe que la France va adopter plus tard et auxquels elle donnera une expression universelle. Les volontaires français qui se sont précipités au secours des Insurgents américains ne s’y étaient pas trompés : ils partaient pour défendre un idéal et la révolution de la liberté. La Fayette, le premier d’entre eux, est devenu un personnage mythique auquel les Américains associent désormais leur liberté, et les Français la Révolution.

Champion des trois révolutions ( 1781, 1789, 1630) dans l’Ancien et le Nouveau Monde, La Fayette n’a pas échappé aux jugements de ses contemporains, qui oubliant ses brillantes qualités, ont deviné ses faiblesses : vanité10 et hésitation. Il a commis l’imprudence11 d’aider des rebelles12 contre leur roi13 quand il était monarchiste, contribué à une révolution qu’il n’avait pas su maîtriser, fait couler le sang. Mais la vérité d’un homme est complexe : le jeune homme qui, de sa propre initiative, a couru à l’aide des Insurgents mesurait mal l’avenir d’un engagement qui a eu pour la France des conséquences14 incalculables15. Comment le lui reprocher alors que les ministres ont commis la même erreur avec la même légèreté ? Politique et sentiment sont rarement d’accord. Soutenir la révolution américaine, quelles que soient les intentions, était une faute qui a eu des conséquences terribles pour la monarchie française. De même l’irresponsabilité malheureuse du gouvernement de Louis XVI qui, sans mesurer l’effet de contagion, a appuyé la rébellion16 de sujets soulevés contre leur souverain. Le gouvernement de la France souhaitait prendre la revanche sur une Angleterre qui l’avait humilié. Aider les ennemis du roi d’Angleterre, George III17 sans rompre une neutralité apparente paraissait de bonne guerre, et le ministre des Affaires étrangères de Louis XVI, recrutait secrètement des techniciens pour instruire la jeune milice américaine et par l’intermédiaire de Beaumarchais18, faisait passer des fonds et des armes aux colonies insurgées.

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4 juillet 1776 : la Déclaration
d’indépendance américaine

A Paris, l’enthousiasme a été à son comble quand le Congrès américain a proclamé l’indépendance des colonies et a voté, le 12 juin 1776, la Déclaration des droits, qui affirmait la légitimité de la révolte contre les gouvernements tyrans, la liberté des citoyens et le droit au bonheur. Etonné et joyeux, les Français découvraient que les idées de liberté et de droit des peuples, pour eux si théoriques jusqu’alors, étaient réalisables. Les jeunes gens étaient les premiers gagnés par la fièvre suscitée par cette révélation. La Fayette, aristocrate par ses origines, s’est enthousiasmé pour ces idées. Car ces jeunes gens gâtés avaient aussi au fond du cœur le sentiment d’un péché et portaient le poids de leurs privilèges19 comme une faute dont ils ont dû se racheter. Fils de l’Auvergne, dont il avait gardé la naïveté, l’écorce20 épaisse et la sensibilité secrète, il était étranger aux usages et aux nuances du monde complexe, cruel et raffiné de la Cour. D’Amérique, il a rapporté deux convictions : la supériorité de la démocratie, qu’il vantait sans mesurer les conséquences ni les dangers pour le régime qu’il servait et le charme de la simplicité républicaine qu’il admirait en Washington et en Franklin, et qu’il rêvait de voir adoptée par le roi, Louis XV, comme preuve de la pureté de ses mœurs et de ses intentions libérales. Ce démocrate inconséquent21, ce monarchiste hésitant dansait avec la reine et propageaient parmi les courtisans des idées provocantes, avec le secret désir de passer pour un esprit original et de jouer à la Cour le rôle de chef incontesté de la jeune génération. Tout lui réussissait. L’exemple américain a stimulé violemment l’esprit d’indépendance des Français, soucieux désormais de participer aux affaires publiques, et le mot « liberté » est devenu le point de ralliement de toutes les oppositions et de tous les mécontentements. Symbole de la révolte, la Fayette est en 1789 l’idole de la France : le héros de la liberté américaine ne pouvait qu’être le défenseur de la liberté française. Le vent de libération a traversé l’Atlantique : 13 ans après la déclaration d’indépendance américaine, les Parisiens ont pris la Bastille. La Déclaration des droits des anciennes colonies anglaises s’épanouissait dans la Déclaration des droits de l’homme de l’Assemblée Constituante, et les Constitutions des États-Unis, traduites en français, inspiraient la Constitution française. A la différence de la révolution américaine, la Révolution française s’est fixée des objectifs plus ambitieux et une portée universelle. Mais dans la mémoire des peuples, des deux côtés de l’Atlantique, La Fayette fait figure de héros. Il symbolise l’évènement fondateur de la nation et de la liberté.

(d’après La liberté et la terreur, octobre-décembre 2004)

La Fayette, en contradiction permanente avec lui-même.

img4Républicain pour les royalistes

Aux États-Unis, La Fayette a été conquis par les idées de liberté. Au sein de l’Assemblée nationale, il rédige la première Déclaration des droits de l’Homme, largement inspirée de la Déclaration américaine. Le lendemain de la prise de la Bastille le 14 juillet 1789, il se fait nommer, contre l’avis du Roi, commandant de la Garde nationale chargée d’assurer l’ordre dans Paris et va ainsi jouer un rôle déterminant dans les débuts de la Révolution.

Royaliste pour les républicains

Dans Paris affamé par la cherté du pain, les émeutes se succèdent : la Révolution est en marche. Le 5 octobre 1789, le peuple de Paris marche sur Versailles. Le lendemain, La Fayette, débordé, laisse envahir le château et massacrer les Gardes du Corps qui défendent l’appartement de la Reine. Intervenant courageusement, il sauve de justesse Marie-Antoinette et paraît avec elle au balcon de la chambre du Roi. Louis XVI doit partir avec la Cour pour Paris, il ne reviendra jamais à Versailles. Désormais, La Fayette paraît suspect à tous. Sous la Terreur (1793), il doit fuir à l’étranger ; il tentera, sans succès d’empêcher que Louis XVI et Marie-Antoinette ne soient guillotinés (1793).

img5Bleu, blanc, rouge

Après une très dure captivité de cinq années dans les cachots autrichiens, après une longue retraite dans son château d’Auvergne, après un dernier voyage triomphal aux États-Unis, voici en 1830 le vieux Lafayette, resurgi de la légende qui remet le drapeau aux trois couleurs au roi des Français, Louis-Philippe22 ; les couleurs de l’insigne qu’il avait donné à sa Garde Nationale en 1789.


(à suivre)



1 Habitant d’une colonie ressortissant de la métropole (opposé à indigène), métropolitain, personne qui est allée peupler, exploiter une colonie.

2 George Washington (22 février 1732 – 14 décembre 1799) est le chef d’état-major de l’Armée continentale pendant la guerre d’Indépendance (1775-1783) avant d’être le premier président des États-Unis d’Amérique (1789-1797).

3 Le terme qui désigne en France, dans les années 1770, des colons anglais d’Amérique du Nord contre la métropole britannique.

4 Benjamin Franklin (17 janvier 1706 à Boston – 17 avril 1790 à Philadelphie) est, un des personnages les plus illustres de l’histoire américaine. Écrivain, philosophe, physicien et diplomate américain, il est le premier ambassadeur des États-Unis à la Cour du roi de France.

5 Faillite, crash, ruine.

6 Réunis dans un code connu uniquement par les initiés et incompréhensible pour les autres.

7 Désignation qui exprime une distinction de rand, une dignité. (Votre altesse, votre éminence, votre excellence, votre honneur, seigneur, etc.)

8 Toujours en fonction du rang, et de l’attitude d’un souverain

9 François Joseph Paul, marquis de Grasse Tilly, comte de Grasse, héros de l’indépendance américaine, est un amiral français né au château des Valettes au Bar-sur-Loup (Alpes-Maritimes) le 13 septembre 1722 et décédé au château de Tilly (Yvelines) le 11 janvier 1788.

10 Défaut d’une personne contente et satisfaite d’elle-même ; orgueil, prétention, suffisance.

11 Manque de prévoyance ou de précaution qui engage la responsabilité, maladresse, légèreté.

12 Qui ne reconnaissent pas l’autorité de, se révoltent contre ; insoumis, insurgés, révoltés.

13 Louis XVI.

14 Suite qu’une action entraîne ; effet, résultat, réaction.

15 Impossibles à calculer, à prévoir, à mesurer.

16 Révolte.

17 George III (George William Frederick) (né le 4 juin 1738 et décédé le 29 janvier 1820) fut roi du Royaume-Uni et roi d’Irlande (1760-1801), puis roi du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande (1801-1820).

18 Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, (1732-1799), nous le connaissons surtout comme l’auteur du Mariage de Figaro et l’une des figures emblématiques du Siècle des Lumières, mais c’était un vrai personnage à plusieurs facettes : auteur comique, éditeur, horloger, inventeur, musicien, politicien, espion, vendeur d’armes, révolutionnaire (pour la France et pour les États-Unis).

19 Ordres, villes, corporations, métiers : les privilèges sont la loi ordinaire de l’Ancien régime. Le 4 août 1789, l’Assemblée nationale, au nom de l’égalité de tous les Français, vote l’abolition des privilèges – au premier desquels les droits féodaux.

20 Apparence, enveloppe extérieure.

21 Qui est en contradiction avec lui-même.

22 Louis-Philippe Ier, né Louis-Philippe d’Orléans (1773-1850), connu sous la Révolution comme le citoyen Chartres ou encore Égalité fils, puis roi des Français de 1830 à 1848.

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