Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №13/2009

Les Routes de l’Histoire

Natacha CZERWINSKI , Jean-Sébastien STEHLI

La Marseillaise à l’école française

L’Assemblée nationale vient de rendre obligatoire l’apprentissage de l’hymne national dans le primaire. Une décision qui ne fait pas l’unanimité

Pour

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Jérôme RIVIÈRE,

député UMP des Bouches-du-Rhône


« Un moment de ralliement qui marque l’adhésion à notre société ».

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Ce qu’exige la loi, c’est non pas d’apprendre La Marseillaise par cœur, mais de l’enseigner. L’hymne national doit être appris comme on le ferait avec un poème de Prévert, par exemple : on étudie les mots, l’histoire du poète, l’époque. On tourne autour du texte. Il ne s’agit pas, chaque matin, de mettre les enfants en rang par deux dans la cour de l’école pour chanter La Marseillaise. Mais l’école a un rôle primordial dans la transmission des valeurs de la République. Il est donc normal d’enseigner l’hymne national qui les exalte, de redire quelles sont ces valeurs, c’est-à-dire la liberté individuelle et le respect de l’autre.

En 2003, le Parlement a voté une loi sanctionnant d’une amende pouvant aller jusqu’à 7 500 euros une insulte publique à l’hymne national. Il faut au moins expliquer pourquoi on réprime. Nous devons dire quelles sont les valeurs qui font que nous vivons ensemble, transmettre l’histoire d’un peuple uni autour des notions de liberté, d’égalité et de fraternité.

Les paroles de ce chant sont guerrières, mais je ne crois pas que les enfants du primaire seront traumatisés. Ils voient des choses beaucoup plus violentes à la télévision. Il ne faut pas attendre le collège pour étudier La Marseillaise. L’adhésion à l’idée de la République commence quand on est tout jeune. Dans le primaire, les élèves n’ont pas encore de convictions bien affirmées. Si l’école ne peut pas parler des valeurs de la République, alors on a un problème ! La loi impose seulement que les cours d’éducation civique comprennent l’enseignement de La Marseillaise. Ensuite, l’Éducation nationale décidera de la manière dont ce sera fait.

L’école de la République doit parler des raisons qui font que nous vivons ensemble. L’enseignement de La Marseillaise permet, en partie, de répondre à l’enjeu de l’assimilation des populations extérieures sur le territoire national. L’hymne national est un moment fort de ralliement qui marque que nous adhérons tous à un modèle de société. Bien sûr, depuis deux cents ans, les générations successives y ont mis quelque chose de différent, mais elles se sont retrouvées autour de ce chant. Il contient tout notre bagage émotionnel et culturel. Il faut réexpliquer aux jeunes ce qui nous unit. Souvenez-vous de 1998, lorsque la France a gagné la Coupe du monde de football.

Contre

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Jean-Luc VILLENEUVES,

Secrétaire général du Sgen-CFDT


« Il est affligeant de la faire chanter à des tout-petits ».

Les sept couplets de La Marseillaise sont plus horribles les uns que les autres. Quand on lit les paroles, il est question de « sang impur », de « mère au sein déchiré ». Il ne faut pas oublier qu’à l’école primaire les enfants ont entre 6 et 10 ans, et que des tout-petits hurlent La Marseillaise à pleins poumons, je trouve cela un peu affligeant. Je ne vois pas comment on peut expliquer en même temps qu’on peut vivre ensemble, que tous les hommes sont égaux et qu’il y a un sang « impur ». Cela conduit à un brouillage chez les plus jeunes. Au moment où l’on construit l’Europe, il est curieux de voir des ennemis partout.

La France est l’un des rares pays au monde à avoir un hymne guerrier. La Marseillaise est un symbole de notre pays, chargé d’histoire, et il n’est pas question de s’opposer à la défense des valeurs de la République. Mais on ne peut pas faire abstraction du contenu quand on apprend ce chant aux enfants. Sinon, ils le répètent comme des perroquets. Et inculquer sans expliquer, c’est le contraire de l’enseignement. C’est une forme de gavage.

Il est évident que, à l’occasion d’un match de football ou d’une cérémonie comme celle des Jeux Olympiques, les enfants peuvent être amenés à entendre La Marseillaise. C’est le rôle de l’instituteur de fournir une petite explication ; il n’y a rien de choquant, là-dedans. Mais cet amendement ne parle pas de cela : il s’agit de faire apprendre l’hymne. Or La Marseillaise est un chant d’adultes. Sa place est au collège, où elle est enseignée en cours d’histoire ou de français.

Je ne pense pas que l’intégration puisse être facilitée par l’apprentissage de La Marseillaise. C’est une position complètement dogmatique. L’intégration passe par le fait de reconnaître et de respecter l’individualité de tous les enfants. Je crois à la pédagogie du concret. Ainsi, à la cantine, les jeunes enfants sont amenés à côtoyer des camarades musulmans qui ne mangent pas de porc. C’est intéressant, à ce moment-là, d’expliquer en quoi les coutumes et les religions sont différentes. La notion de rejet n’existe pas chez les petits enfants.

Cette proposition fait partie de la tendance actuelle à la nostalgie. C’est une référence à l’époque où les enfants chantaient La Marseillaise en défilant. On peut se demander si la marche au pas sera la prochaine étape... L’école mérite mieux qu’une loi sur La Marseillaise.

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