Les Routes de l’Histoire
Jeanna AROUTIOUNOVA
Nicolas de Staël (1914-1955)
Nicolas de Staël (baron Nicolaï Vladimirovitch Staël von Holstein) est né à Saint-Pétersbourg en 1914 et jusqu’à son suicide n’a conservé de son ascendance slave que le romantisme et le désespoir. Proche du tsar, son père le major-général baron Vladimir Staël-Holstein est vice-gouverneur de la forteresse Pierre-et-Paul à Saint-Pétersbourg. La révolution russe de 1917 contraint sa famille à s’exiler en Pologne, où meurent les parents. Orphelin à huit ans, Nicolas est recueilli par un couple russe de Bruxelles et est confié à un collège de Jésuites belge où étaient élevés des enfants d’émigrés russes. Dès l’adolescence, il sait qu’il veut être peintre.
Les Mouettes
À 16 ans, inscrit à l’Académie Royale des Beaux-Arts, de Staël est fasciné par la découverte des œuvres de Rembrandt et de Vermeer. Au cours de son premier séjour en France en 1919, il découvre l’impressionnisme, la peinture de Cézanne, Braque et Soutine. De 1933 à 1935, il voyage à bicyclette à travers la France, l’Espagne, l’Italie, puis part pour le Maroc et l’Algérie (1936), où il commence à dessiner et peindre d’après nature.
Les Bateaux
Installé à Paris en 1938, de Staël s’engage dans la Légion étrangère lorsque la guerre éclate. Après sa démobilisation en 1940, il se réfugie à Nice, où il exécute, avec quelques natures mortes, une série de portraits pour lesquels Jeannine Guillou, sa compagne qu’il a rencontrée au Maroc, aussi peintre, lui sert de modèle. En 1943, sous l’occupation nazie, de Staël retourne à Paris avec Jeannine. Là, il rencontre Braque, Sonia et Robert Delaunay, Alberto Magnelli, et sous leur influence, peint ses premières toiles abstraites qu’il baptise Compositions. Il fait la connaissance de César Domela, un autre peintre de l’abstraction. C’est une période difficile pour le peintre : il souffre de la faim et du froid et doit brûler les boiseries de son appartement pour se chauffer, sa fillette Anne suce des morceaux de charbon pour tromper ses crampes d’estomac. Jeannine meurt de cette misère, mais il continue à peindre. En 1944, en pleine occupation allemande, la Galerie Jeanne Bucher accepte d’exposer quelques tableaux de Staël, alors que les nazis qualifient l’abstraction d’art « dégénéré ». À l’époque de son mariage avec Françoise Chapouton (1947), il rencontre Jacques Dubourg, qui organisera, en juin 1950, une grande exposition de ses œuvres qui, à quelques mois près, succède à celle organisée à New York par Theodore Schempp. Avec quatorze bois gravés et une lithographie, de Staël illustre en 1951 Les Poèmes de René Char.
La Seine à Paris
Entre 1950 et 1952, sous l’influence de Braque ou de Lanskoy, il se lance dans la composition des paysages, de natures mortes. Sa palette s’éclaircit. Un soir de 1952, Nicolas de Staël assiste, en nocturne, à un match international de football. La transcription picturale du match représente une étape importante dans l’évolution de son œuvre. Il reprend le thème à travers une série de toiles d’une grande intensité de couleurs, Les Grands et les Petits Footballeurs (1952). La même année, il peint l’une de ses plus admirables compositions, intitulée Les Toits (Paris, Musée national d’art moderne). Dès cette époque, la référence au réel, qui sera de moins en moins allusive, est déjà plus marquée, le sujet plus apparent (Les Bouteilles, 1953, Nu debout, 1953). En 1953, de Staël se rend à New York, où a lieu une importante exposition de ses œuvres à la galerie Knúdler, puis, l’automne de la même année, il achète à Ménerbes, dans le Vaucluse, un vieux château fortifié. Là, il peint, dessine et exécute des collages dans une grande fièvre de travail.
Les Grands footballeurs
Il décide de retrouver la lumière du Midi et au mois de septembre 1954, Nicolas de Staël, fatigué, très déprimé nerveusement, s’installe à Antibes au dernier étage d’une maison située sur les remparts, face à la mer. En six mois, il réalise, solitaire, plus de 300 toiles, aux thèmes variés, des natures mortes, des paysages, des scènes sur le port, un bateau, un vol de mouettes, une carafe sur une étagère. « Je n’ai plus de force pour parachever mes tableaux », écrit-il alors.
C’est au pied du fort Vauban au Cap d’Antibes que cet artiste, qu’on appelait « Le Prince », au sommet de son génie et de son succès, mettra fin à ses jours le 16 mars 1955 en se jetant par la fenêtre de son atelier. Dans son atelier il laisse inachevé le tableau Le Grand Concert.