Les Routes de l’Histoire
Le XVIIIe siècle – le siècle de la pensée
Louis XVI
On pense beaucoup tout au long du XVIIIe siècle, on sent bien que la monarchie absolue décline, que les guerres ne laissent que défaites et amertume. On écoute les discours des penseurs, des savants et des écrivains : Marivaux, Montesquieu, d’Alembert. On lit Voltaire, Rousseau et Diderot. Beaumarchais, quant à lui, fait dire à son Figaro à l’adresse de l’aristocrate : « Qu’avez-vous fait pour tant de biens ! Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus. »1 C’est-à-dire, à ce XVIIIe siècle, l’esprit révolutionnaire est développé et déjà prêt pour l’envol dans le printemps de l’espoir, celui de 1789…..
(d’après Jean-Joseph JULARD,
L’Histoire de France pour les nuls)
La révolte ou la révolution ?
Avant de commencer notre ballade, ce ne serait pas inutile de savoir que ce n’est pas à Paris que tout a commencé, mais à Versailles d’où le roi Louis XVI règne sur la France. C’est à Versailles que le 5 mai 1789, Louis XVI va présider la séance d’ouverture des États généraux 2. C’est la première fois d’ailleurs qu’ils se réunissent depuis 1614. Cette assemblée est composée de 1 139 députés qui représentent les trois ordres de la population française : la noblesse, le clergé et le tiers état 3. Cette fois, les députés du tiers état sont deux fois plus nombreux qu’il y a 175 ans.
Le château de Versailles
Mais pourquoi le roi convoque-t-il les députés ? C’est juste parce que rien ne va plus en France. La crise est générale, politique autant qu’économique et sociale. La dette publique gonflée dangereusement par le conflit avec l’Angleterre ne laisse à la monarchie française qu’une très faible marge de manœuvre. Partout des pillages, partout des émeutes, refus des réformes, rejet de tout impôt pour les classes privilégiées… Pourtant la France dispose d’un atout important : sa démographie. Après la Russie, elle est le pays le plus peuplé d’Europe avec ses 28 millions d’habitants dont une très importante proportion de jeunes.
La réunion des États généraux est un événement majeur, on espère le sort meilleur. D’autant que le roi a donné la parole à ses sujets : il leur a demandé de rédiger, dans des cahiers 4, leurs désirs pour une vie meilleure. Ces cahiers de doléances fixaient une sorte de programme aux élus : suppression des droits féodaux, des lettres de cachet 5, égalité devant les impôts. Les 60 000 cahiers de doléances rédigés, il reste à les emporter au roi. Et tout le monde espère qu’il les lira, de la première ligne à la dernière.
Chapeau, le tiers !
Le château de Versailles
Le 5 mai, dans la salle des Menus-Plaisirs, au château de Versailles, la séance d’ouverture des États généraux est présidée par le roi qui garde sur sa tête son chapeau à plumes blanches. La noblesse reste couverte, elle aussi. C’est l’usage qui veut que les inférieurs que sont les députés du tiers se découvrent avec respect ! Eh bien, non ! Les députés du tiers ne se découvrent pas ! Le roi fait alors preuve de bon sens : prenant le prétexte qu’il fait trop chaud, il se découvre, et tout le monde en fait autant !
Le discours du roi déçoit les députés. Aucune des questions essentielles n’est abordée. Tant de mois d’espérances écrites dans les cahiers de doléances ! Tant d’enthousiasme tout neuf pour changer la vieille société pour rien ! Non, décidément, ce n’est pas possible !
17 juin 1789 : la naissance de l’Assemblée nationale
Le 6 mai est la première journée de travail des États généraux. Les députés du tiers s’installent dans la salle des Menus-Plaisirs. Mais où sont les députés de la noblesse et du clergé ? Ils ne veulent pas siéger avec les députés du troisième ordre et ont choisi des salles particulières ! Quoi donc ? On est méprisé par les nobles et le clergé ? Tant mieux ! Ou tant pis ! On se solidarise alors. Un des députés, Mirabeau, qui va devenir l’idole des foules, propose aux députés du tiers d’être « représentants du peuple français » et de se proclamer Assemblée nationale. C’est fait et à partir de ce jour, 17 juin 1789, les événements s’enchaînent suivant un scénario impitoyablement réglé.
20 juin 1789 : le serment du Jeu de Paume 6
Louis XVI
En ce samedi 20 juin 1789, les représentants du tiers état viennent se réunir à l’hôtel des Menus-Plaisirs de Versailles. Mauvaise surprise : ils trouvent porte close et gardée par des soldats. Mais pourquoi donc ? Le fait est que le roi, inquiet de leurs initiatives, fait fermer leur salle de réunion, sous prétexte de préparatifs en vue de la prochaine séance royale. Les députés sont fâchés : cette fermeture est ressentie comme un affront fait par Louis XVI et la Cour aux députés de la Nation. Où aller ? On se rend au local tout proche, celui qui sert au jeu de paume 7, vaste pièce éclairée par de grandes fenêtres. C’est là qu’ils jurent de ne pas se séparer avant d’avoir donné une Constitution au royaume, s’engageant à construire une France nouvelle. Leur serment est connu depuis comme le serment du Jeu de Paume.
Trois jours plus tard, le 23 juin, Louis XVI convoque une séance royale dans la salle des Menus-Plaisirs à Versailles. Il veut profiter de cette journée pour rétablir son autorité et enlever à la jeune Assemblée les pouvoirs qu’elle vient de prendre. Vers 11 heures du matin, le roi, d’ordinaire très ponctuel, arrive en retard, accompagné de la reine Marie-Antoinette et précédé d’un cortège de pages et de gardes… Un peu plus tard, les députés du tiers état subissent une nouvelle humiliation protocolaire. Alors que les deux ordres supérieurs ont été introduits dans la salle des Menus-Plaisirs par la grande porte, les représentants du peuple ont dû attendre sous la pluie qu’on veuille bien les faire entrer. Le roi dit accepter nombre de réformes (égalité devant l’impôt, abolition des corvées, des lettres de cachet, etc.), mais il exige que chaque ordre discute isolément, interdit aux trois ordres de siéger en commun et déclare que « les délibérations prises par les députés du tiers état le 17 juin sont nulles et anticonstitutionnelles ».
Le tiers état.
Caricature de 1789
Cette déclaration est reçue comme une provocation. D’autant que le roi conclut : « Je vous ordonne de vous séparer tout de suite. » À ces mots, Louis XVI, suivi de la noblesse et du clergé, quitte la salle, tandis que les députés du tiers état restent assis en silence.
Le roi parti, le marquis de Dreux-Brézé, maître des cérémonies, rappelle l’ordre royal. C’est alors que Mirabeau, orateur brillant, lance la réplique devenue fameuse : « Allez dire à ceux qui vous envoient que nous sommes ici par la volonté du peuple et que nous ne quitterons nos places que par la force des baïonnettes 8 ! » À l’unanimité, les députés approuvent : « Tel est le vœu de l’Assemblée ! » Déconcerté, Dreux-Brézé interroge : « Puis-je, Monsieur, porter cette réponse au roi ? » « Oui », répond Mirabeau. Après le départ du maître des cérémonies, la séance se poursuit. Impressionné par cette fermeté, le roi capitule à nouveau. « Eh bien, dit-il, s’ils ne veulent pas s’en aller, qu’ils restent ! ». Il ordonne même, le 27 juin aux privilégiés des deux autres ordres de se joindre au tiers.
8 juillet 1789. Les États généraux deviennent l’Assemblée nationale constituante
Le 8 juillet 1789, l’Assemblée nationale crée un comité de Constitution. Le pouvoir échappe désormais au roi pour se concentrer entre les mains des élus du peuple. C’est la fin officielle de l’Ancien Régime, et Louis XVI se trouve sous le contrôle des représentants de la Nation. Il se laisse influencer par la reine et les courtisans qui le poussent à congédier Necker, le populaire ministre des Finances, jugé trop réformateur, et à envoyer l’armée contre la population. Louis XVI finit par céder. Le 11 juillet, Necker est renvoyé.
Les Parisiens se mettent en colère
Mirabeau (1749-1791)
Les plus folles rumeurs courent dans Paris : Necker, dont on attend des réformes, vient d’être renvoyé, les aristocrates préparent un complot, le roi n’est plus sûr de son armée et rassemble des troupes suisses et allemandes autour de Paris. Il faut défendre la capitale. Le 8 juillet, sur proposition de Mirabeau, l’Assemblée demande officiellement au roi d’éloigner les troupes étrangères de la capitale. Louis XVI refuse. Cette fermeté, fort inhabituelle de la part d’un monarque d’ordinaire plutôt faible, inquiète le peuple : quelles sont donc les intentions secrètes de Louis XVI ? Le roi écoute tantôt les uns, tantôt les autres et ne décide rien. À Versailles, la confusion règne.
Tout va se jouer à Paris maintenant !
Par où commencer notre ballade révolutionnaire à Paris ? Peut-être par le beau jardin du Palais-Royal où la Révolution a mûri. Un mélange de la douceur et de l’Ancien Régime vous aborde par les passages secrets de la rue de Valois. Les touristes ne poussent pas jusque là. Mais nous ne sommes pas des touristes, nous sommes des promeneurs. Donc, ne manquons pas de nous y rendre : nous y pénétrerons par la place Colette.
1 Beaumarchais, Le Mariage de Figaro.
2 C’est sous la monarchie l’assemblée représentative des trois ordres (clergé, noblesse, tiers état) qui se réunit à la demande du roi.
3 Il constitue le troisième ordre de la société d’Ancien Régime (après la noblesse et le clergé) et est composé de tous ceux qui ne sont ni nobles ni ecclésiastiques. Il représente 98 % de la population française : ce sont les pauvres paysans, les ouvriers, les va-nu-pieds, les artisans, les domestiques, mais aussi les notaires, les avocats, les apothicaires, les médecins, les magistrats, les écrivains, toute une petite et moyenne bourgeoisie.
4 Ces cahiers de doléances fixaient une sorte de programme aux élus : suppression des droits féodaux, égalité devant les impôts, revendication des droits des sujets face à l’arbitraire royal.
5 Lettre au cachet du roi, contenant un ordre d’emprisonnement ou d’exil sans jugement.
6 Le peintre David a créé à ce sujet son célèbre tableau Serment du Jeu de paume.
7 Jeu, qui date de 1320 et qui consistait à se renvoyer une balle de part et d’autre d’un filet, au moyen de la main à l’origine et selon certaines règles.
8 Arme pointue qui s’ajuste au canon du fusil et que l’on peut retirer à la volonté.