Les Routes de l’Histoire
Le Palais-Royal
Le Palais-Royal aujourd’hui
« Ce Palais-Royal, si vivant, tout éblouissant de lumière, de luxe et d’or, de belles femmes, qu’était-ce en réalité sinon la maison de la mort ? La vie, la mort, le plaisir rapide, grossier, violent, le plaisir exterminateur, voilà le Palais-Royal de 1793 », affirmait l’historien du XIXe siècle, Jules Michelet.
Les galeries et le jardin du Palais-Royal ont eu une importance considérable dans l’histoire de la Révolution française. On y trouvait des dizaines de cafés que l’historien Michelet appelait « les églises de la révolution naissante » et une atmosphère de liberté particulièrement propice aux idées nouvelles.
Le somptueux Palais-Royal a été construit par Richelieu en 1629 et s’appelait palais Cardinal. À sa mort, le palais que Richelieu avait légué à Louis XIII, revient en 1642 au roi et prend le nom de Palais-Royal.
Le Palais-Royal en 1789
La Fronde (1648-1653)1 chasse la reine Anne d’Autriche et le petit Louis XIV du palais, et il est finalement offert en 1692 par Louis XIV à son frère, le duc d’Orléans. En 1715, le régent du royaume, le fils de Philippe d’Orléans en prend à son tour possession. Il réside donc au Palais-Royal dont il fait le centre d’une Cour brillante : de fameux soupers libertins et des fêtes éblouissantes sont orchestrés par Philippe d’Orléans lui-même. Criblé de dettes en 1780, il fait construire autour du jardin du Palais-Royal des appartements et des boutiques à des fins de location. Le jardin est ainsi clôturé par trois arcades de galeries qui abritent une multitude de commerçants et de clients et sont fréquentés également par les « demoiselles » du Palais-Royal jusqu’en 1825. Le duc d’Orléans fait également édifier la salle des Variétés, inaugurée le 1er janvier 1785, elle deviendra Théâtre Français en 1799 et ensuite Comédie-Française.
Dans le jardin du Palas-Royal
Le Palais-Royal devient le lieu le plus animé de Paris et de très mauvaise réputation. On y compte aux XVIIIe-XIXe siècles des dizaines de tripots2, maisons de plaisir, théâtres, cafés et restaurants. On s’y exerce aussi le jeu de paume ou bien se retrouve au café de la Régence qui offre ses tables autour desquelles l’on peut échanger des idées, tout en buvant une tasse de chocolat (la nouvelle boisson venue des colonies espagnoles). Ce nouveau nectar fait de cacao, de cannelle, de sucre et de vanille est l’objet d’une véritable passion au XVIIIe siècle. On retrouve donc dans ce Palais-Royal des riches oisifs, joueurs, aristocrates décadents, artistes. C’est la propriété de la famille royale, et la police n’a pas le droit d’y pénétrer. Bien entendu, cette atmosphère de liberté fait le terreau idéal pour la propagation des idées nouvelles et constitue en effet un des centres les plus importants des événements de 1789. Révolution va agiter les jardins qu’on appellera les jardins de Philippe Égalité, étant donné qu’après la suppression en juin 1790, des titres de noblesse, Philippe d’Orléans a pris le nom de Philippe Égalité et son palais s’est appelé le Palais Égalité. En 1793, un mois avant l’exécution de Philippe d’Orléans, dit Philippe Égalité, le palais est confisqué et devient propriété de l’État. À la Restauration, Louis XVIII restitue le palais à Louis-Philippe, fils aîné de Philippe Égalité. En récupérant le palais de papa, Louis Philippe chasse les « demoiselles », et l’ennui bourgeois tombe sous les arcades. Depuis rien n’a changé, sauf que dans le bas à sables, les enfants du XXIe siècle ont remplacé le petit Louis XIV.
Promenons-nous dans les galeries du Palais-Royal.
La Galerie Montpensier
On y trouve l’atmosphère qui se révèle la plus proche de celle des galeries du Palais-Royal de l’époque. Essentiellement grâce à ses vieilles enseignes et ses boutiques anachroniques.
N°7 et suivants : ici se trouvaient une salle de bal et le café-glacier, créé en 1787, quartier général des Jacobins. Au-dessus, de célèbres maisons de jeu qui ont ruiné beaucoup de Parisiens.
N°17 : à partir de 1785 s’y est installé le cabinet de figures de cire de Curtius, spécialisé dans les effigies3 des grands hommes. La nièce de Curtius a épousé un certain Tussaud à Londres. Madame y a ouvert à son tour un cabinet de cire qui allait devenir mondialement célèbre.
N° 57 à 60. Ici se trouvait le fameux café de Foy. Son propriétaire l’a acheté très cher et était le seul à avoir le droit de servir boissons et glaces dans le jardin. Au début, il n’y avait pas encore de tables, uniquement des chaises. C’est sur l’une d’entre elles, que monte le 12 juillet 1789, Camille Desmoulins, (jeune avocat, ami de Mirabeau, ancien camarade de classe de Robespierre), et fait son fameux discours à la foule en appelant aux armes pour protester contre le renvoi du ministre Necker et dénoncer les mouvements des troupes étrangères autour de Paris.
La Galerie de Beaujolais
Parallèle à la rue du Beaujolais, elle débute au niveau du restaurant Le Grand Véfour.
N° 103 : pendant la Révolution, les sans-culottes4 s’y pressaient en masse. À l’entrée, une pancarte précisait : « Ici, on s’honore du titre de citoyen, on se tutoie et l’on fume ». Quatre aveugles recrutés à l’hôpital pour les malvoyants Quinze-Vingts5, assuraient la partie musicale.
La Galerie de Valois
N° 113 : café Février ouvert en 1784. L’une des rares activités commerciales du Palais-Royal qui ait subsisté aujourd’hui. C’est toujours un café-restaurant. C’est ici, que la veille de l’exécution de Louis XVI, Pâris, garde du corps du roi, a assassiné Le Peletier de Saint-Fargeau, député de la Convention qui avait voté la mort. À l’étage, s’étendait sur huit salles, la plus grande maison de jeu du Palais-Royal. Une pancarte s’y balançait : « Il est trois portes à cet antre6, l’espoir, la folie et la mort. C’est par la première qu’on entre, et par les deux autres qu’on sort. »
N° 177 : boutique de la coutellerie Badin. Le matin du 13 juillet 1793, Charlotte Corday a acheté le couteau de cuisine qui a servi au meurtre de Marat. Aujourd’hui, c’est le siège du ministère de la Culture.
Grande et petite histoire… Les Parisiens ne fréquentent plus vraiment le Palais-Royal au XIXe siècle. Il ne suscitera à nouveau la curiosité publique qu’avec l’érection, au début des années 1980, dans la cour d’honneur, des très discutés colonnes de Buren. Si bien que les Parisiens ont repris l’habitude d’y venir flâner et, en hiver, déguster des marrons grillés.
12 juillet 1789. « Aux armes, citoyens ! »
Du Palais-Royal à la Bastille
Le 12 juillet 1789, à Paris, à midi, dans le jardin du Palais-Royal, l’agitation grandit. La foule est dense pour entendre le jeune avocat Camille Desmoulins qui a bondi sur une chaise du café de Foy : « Citoyens, vous savez que la Nation avait demandé que Necker lui fût conservé, on l’a chassé ! Aux armes ! Aux armes ! Prenons tous des cocardes7 vertes, couleurs de l’espérance ! Arrachons les feuilles de marronnier, formons-en une cocarde en signe de ralliement8 ! Je vous appelle, mes frères, à la liberté ! ». Des acclamations lui répondent. Aussitôt, des groupes forment. Partout, on appelle aux armes et le cortège, hérissé de piques, armé de haches, se grossit de chômeurs et d’artisans, convaincus d’une conspiration des aristocrates. Les bourgeois forment une milice civique9 et la Garde nationale10, forte de 48 000 hommes. Partout on cherche des fusils pour se défendre. Dès le soir du 12 juillet et dans la nuit qui suit, les manifestations tournent à l’émeute. Le 13 juillet, les boutiques d’armuriers sont pillées et incendiées. « Des armes, il y en a à l’Hôtel de Ville ! » On y court. On ne trouve que 360 fusils, distribués aussitôt. « Il y a des armes à la Bastille ! », crie-t-on. « À la Bastille ! À la Bastille ! », hurle la foule et se dirige vers la prison. En effet, la forteresse sert à la fois de prison et d’arsenal. Le 14 juillet 1789 arrive.
Quant à nous, paisibles promeneurs, rendons-nous aussi place de la Bastille – symbole oblige – et, si possible le 14 juillet ou plutôt le 13 au soir, afin d’assister à un des nombreux bals qui accompagnent la fête nationale. En fait, la célébration du 14 juillet en tant que fête nationale n’a été retenue que le 6 juillet 1880, sous la Troisième République, par une loi comportant l’unique article suivant : « La République adopte la date du 14 juillet comme jour de fête nationale annuelle. » Et même s’il ne reste pas grand-chose de la célèbre forteresse, il subsiste aujourd’hui cependant suffisamment de témoignages pour exciter notre imagination.
1 Une période de troubles graves qui frappe la France pendant la minorité de Louis XIV (1638-1715), en pleine guerre avec l’Espagne.
2 Péj. (1773) Maison de jeu.
3 Représentation d’une personne.
4 (1792) Nom que se donnaient les républicains les plus ardents de la Révolution. Parce que les hommes du peuple portaient alors le pantalon, tandis que la culotte passait pour un signe aristocratique.
5 Cet hôpital, où se soigne les personnes aveugles et malvoyantes, existe toujours, il se trouve à deux pas de la place de la Bastille.
6 Fig. Lieu inquiétant et mystérieux.
7 Insigne (souvent rond) que l’on portait à la coiffure.
8 Force qui unit ; union, rassemblement.
9 Armée privée chargée d’assurer localement la défense.
10 Milice bourgeoise créée pour faire face aux troubles qui se multiplient dans Paris. La Fayette , héros de la libération aux Etats-Unis, est élu commandant en chef de cette garde le 15 juillet 1789. Le modèle parisien s’étend rapidement aux départements.