Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №16/2009

Les Routes de l’Histoire

La Bastille

Un peu d’histoire

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Le marquis de La Fayette
à la tête de la Garde nationale

Le château de la Bastille a été construit à la fin du XIVe siècle, pour défendre Paris, pendant la guerre de Cent Ans. La forteresse se présentait comme un imposant château fort rectangulaire, de 66 mètres sur 30 et de 24 mètres de hauteur, comportant 8 fortes tours rondes. C’est depuis le XVIIe siècle, sous Richelieu, que la Bastille devient prison d’État et symbolise la tyrannie royale. Courtisans en disgrâce, fils de famille dévoyés1, criminels malchanceux s’y retrouvent « embastillés » grâce aux fameuses lettres de cachet, signées par le roi. On ne peut espérer en sortir qu’avec une nouvelle lettre indiquant qu’on est libre. Il y a un risque d’y être oublié. Voici quelques locataires célèbres : Fouquet (le célèbre « masque de fer »), Voltaire, Latude (connu surtout par ses évasions de la prison à l’aide d’une échelle en corde, désormais exposée au musée Carnavalet), Madame de la Motte (pour l’affaire du collier de la reine Marie-Antoinette), Beaumarchais, Cagliostro, le marquis de Sade (qui a quitté la Bastille début 1789 pour une maison d’aliénés à Charenton), Beaumarchais, etc. Jamais beaucoup de monde en même temps (40 en moyenne et 19 sous Louis XVI) et des conditions d’emprisonnement extrêmement confortables pour beaucoup d’entre eux ; certains prisonniers peuvent avoir leur bibliothèque, leurs meubles, leur domestique, leur cuisinier et recevoir des amis, se balader dans les jardins du gouverneur, se plaindre du gouverneur. Il est quasiment de bon ton de séjourner au moins une fois à la Bastille ! Mais l’entretien de la prison coûtant une fortune au roi, Louis XVI prévoit même de la détruire pour y substituer une place publique à la gloire du roi ! Les émeutiers du 14 juillet 1789 ne lui ont pas laissé le temps…

Qui a pris la Bastille ?

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Artisans, commerçants, ouvriers du meuble, menuisiers, ébénistes, serruriers, cordonniers, chômeurs, marchands de vin du faubourg Saint-Antoine et des Halles, tous en colère et armés de piques, de bâtons et d’outils, marchent depuis le matin vers la Bastille. Une rumeur circule en effet depuis la nuit précédente : les troupes royales se dirigent vers la capitale, avec pour mission de rétablir l’ordre. 15 000 soldats sont aux portes de la ville. Les Parisiens ont fait sonner le tocsin : il s’agit de se défendre par tous les moyens. À midi, tous sont à la Bastille et exigent qu’on leur livre les armes. Aucun d’entre eux n’imagine alors qu’il va « prendre la Bastille ». La foule entoure la forteresse médiévale, elle a alors comme gouverneur le marquis de Launay2 et est protégée par une modeste garnison de 32 gardes suisses, secondée par 80 invalides. Voyant les manifestants approcher, de Launay tente de parlementer et accepte même de faire reculer les canons installés au sommet des remparts, mais il laisse imprudemment les émeutiers pénétrer dans les cours avancées. D’où part le premier coup de feu ? Sans doute de la forteresse, où de Launay, affolé, « perd la tête avant qu’on la lui coupe ». C’est alors que tout bascule. La nouvelle se répand : « La Bastille assassine les Parisiens ! ». La foule énervée brise les chaînes des ponts-levis et se rue dans la cour de la prison. « À nous la Bastille ! » Les gardes françaises, qui fraternisent avec le peuple, braquent leurs canons contre les grosses tours. Une bataille s’engage entre les assiégés et les assaillants, qui vont rapidement recevoir le renfort d’hommes accourant de tous les faubourgs de la capitale après que la nouvelle des événements s’est répandue. Après quatre heures de combat, au cours duquel les assaillants perdent une centaine d’hommes, de Launay capitule, et se rend le premier, avec la promesse de garder la vie sauve. Vain espoir…

De la Bastille à l’Hôtel de Ville.
Le premier massacre révolutionnaire

La rue Saint-Antoine, aux mains du peuple victorieux, veut du sang. Traîné jusqu’à l’Hôtel de Ville, de Launay, accusé d’avoir fait tirer sur le peuple, est massacré en chemin. Un boucher « sachant bien apprêter les viandes », le décapite, plante sa tête au bout d’une fourche et promène son sanglant trophée jusqu’à l’Hôtel de Ville. « Il était cinq heures et demie. Un cri monte de la Grève3. Un grand bruit, d’abord lointain, éclate, avance, se rapproche, avec la rapidité et le fracas de la tempête. La Bastille est prise ! »4 À Bailly, qui sera bientôt élu maire de la capitale, les insurgés offrent, au milieu d’un bouquet d’œillets, le cœur du malheureux de Launay, chantant par plaisanterie : « Il n’est pas de bonne fête quand le cœur n’y est pas ! ». Cette journée du 14 juillet 1789 a vu le premier massacre révolutionnaire.

Le symbole d’un régime despotique

La Bastille est prise. Une foule hystérique s’élance, se répand, pille, détruit les lieux avant de partir à la recherche des prisonniers. Ils sont sept : un aristocrate fou, un criminel, quatre faussaires et un détenu politique. On est loin de la prison décrite avec horreur par l’opinion publique. Déception à la vue des cachots vides. C’est donc une légende plus qu’une prison que les Parisiens prennent en 1789, et la chute de la Bastille a une portée plutôt symbolique. Car s’il est vrai que la Bastille était quasi-vide en 1789, elle représentait pourtant tout ce que les révolutionnaires souhaitaient voir disparaître, offrant le symbole d’un régime despotique et d’un arbitraire qui avait fait enfermer grâce aux fameuses lettres de cachet tous ceux qui représentaient un quelconque danger pour la monarchie : auteurs de pamphlets et encyclopédistes, libertins et faux prophètes, mais aussi malfaiteurs et vagabonds. La destruction de ce lieu qui a si longtemps nié toute justice véritable est donc à la fois le premier rendez-vous populaire de la Révolution et l’occasion pour Paris de prendre sa revanche : après une longue période d’effacement derrière Versailles, Paris récupère son rôle de capitale et ne va plus l’abandonner durant toute la période révolutionnaire.

Qu’est-ce qui reste de la Bastille ?

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Le 16 juillet 1789.
Le roi reçoit la cocarde tricolore

Les mois suivants, la légende noire de la forteresse est alimentée dans les esprits par les journaux qui racontent les souffrances de ceux que la monarchie voulait faire taire. Le 15 juillet 1789, on décide de démolir la Bastille, ce symbole de l’Ancien Régime que Mirabeau qualifie d’« édifice antique, vermoulu et pourri ». On engage 800 ouvriers : pour 45 sous par jour, ceux-ci démolissent la forteresse. Tout sera réemployé, y compris les marbres de cheminées transformées en boutons, bijoux et dominos. Dans 83 grosses pierres des murailles, on fait tailler 83 répliques en modèle réduit de la Bastille, qui seront expédiées dans les 83 départements nouvellement créés « afin d’y perpétuer l’horreur de l’absolutisme des rois. » Une grande partie des autres pierres servira à l’achèvement du pont de la Concorde, en 1790. Il ne reste donc plus rien de la Bastille.

Et pourtant… Au N°3 de la place, une plaque restitue un plan détaillé de la forteresse. On peut voir aussi son tracé : devant la rue Jacques-Cœur, à l’arrêt d’autobus, tracé en pavés d’une des tours sur le sol que l’on retrouve plus loin sur la place elle-même, à l’angle de la rue Saint-Antoine et de la place, ainsi qu’au N°49, boulevard Henri IV. Dans le métro, sur le quai « Bastille » (ligne 5, direction Bobigny), on découvre ce petit bout du mur du fossé, dont on peut suivre le tracé en jaune sur le quai. Si on reste dans le métro, changement de ligne, pour la N°1 (la « Défense-Vincennes »), on découvrira une magnifique fresque murale en céramique sur la Révolution française. Quelques figures en relief. Fresque particulièrement animée et colorée. Et puis le pont de la Concorde qui est fait avec les pierres de la Bastille !

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Jean-Sylvain Bailly

Donc, la prise de la Bastille reste emblématique de la Révolution française. Malgré les morts, il y a eu au début, dans la chute de ce symbole de la tyrannie, encore un côté festif dans l’action, une joie immense de la conquête de la liberté. C’est le peuple et la rue qui vont maintenant occuper le devant de la scène ; beaucoup de Parisiens sont armés et le meurtre « patriotique » est pardonné. Avec ce symbole à la fois terrible et dérisoire, c’est la France d’Ancien Régime qui vient d’être touchée à mort. Le 14 juillet 1890, le premier après la prise de la Bastille, c’est la fête de la Fédération : 30 000 personnes se massent sur la place de la Bastille. En 1791, le cercueil de Voltaire, en route pour le Panthéon, y a été déposé. En août 1793, de grandes fêtes sont célébrées sur la place, programmées par le peintre David : on y érige une fontaine en même temps qu’une statue de la Liberté place de la Révolution (l’actuelle place de la Concorde). En juin 1794, on y a installé la guillotine. Devant les protestations des habitants du faubourg Saint-Antoine, elle déménage au bout de trois jours place du Trône renversé (ancienne place du Trône)5. En 1880, la IIIe République décrétera que le 14 juillet, date anniversaire de la prise de la Bastille, sera le jour de la fête nationale. Quant à la colonne de Juillet, symbole de la prise de la Bastille, elle sera érigée à la mémoire des combattants tombés plus tard, en juillet 1830, témoin l’inscription gravée sur son fût de bronze. La colonne est surmontée du Génie de la Liberté.

« Sire, c’est une révolution »

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La Bastille. 1789

À Versailles tout est calme. Le soir du 14 juillet, le roi se couche après avoir écrit dans son carnet : « 14, rien. », car il n’a pas chassé. Les nouvelles ne parviennent pas vite à Versailles. On lui annonce que les Parisiens marchent sur la Bastille. Eh bien ! Qu’elle se défende ! On en reparlera demain. Le roi s’endort paisiblement. Comment pourrait-il deviner que, plus tard, la chute de la vieille et orgueilleuse Bastille deviendra le symbole de la victoire du peuple et de la chute de la monarchie ? Il est réveillé en sursaut. Le grand maître de sa garde-robe, le duc de La Rochefoucauld-Liancourt, arrive dans sa chambre, à son chevet.

« – Sire, la Bastille est prise.

– Prise ? », demande Louis XVI mal réveillé.

« – Oui, Sire, par le peuple. Le gouverneur a été assassiné. On porte sa tête sur une pique par toute la ville.

– Mais c’est une révolte ?

– Non, Sire, c’est une révolution ! »

Apprenant la nouvelle, le roi accepte de renvoyer les troupes des gardes suisses et prussiennes qu’il a concentrées autour de Paris et d’aller vers le peuple. Le 15 juillet, il prend soin de nommer La Fayette commandant générale de la Garde nationale et Bailli – maire de Paris. Le 16 juillet, il rappelle Necker. Le 17 juillet, le peuple se réunit devant l’Hôtel de Ville. La Fayette a demandé à ses troupes de porter la cocarde tricolore qu’il vient d’imaginer : le bleu et rouge, couleurs de Paris, entourant le blanc de royauté (ces couleurs deviendront celles du drapeau français). La foule est nombreuse, bruyante. Soudain, le silence se fait : voici le roi ! Aussitôt qu’il arrive, Bailly, le maire de Paris, lui remet les clefs de la ville, en lui disant : « Sire, Henri IV avait reconquis son peuple. Aujourd’hui, le peuple a reconquis son rois ». Le roi prend la cocarde tricolore et salué par la foule, la met sur son chapeau. Dès le lendemain de cette scène de fraternisation autour de la cocarde tricolore devant l’Hôtel de Ville de Paris, les aristocrates commencent à émigrer.



1 Qui sont sortis du droit chemin, délinquants.

2 Sa famille a émigré en Russie. Son descendant, Vadim Delaunay, né à Moscou en 1957 et mort à Paris en 1983, était un poète et dissident russe. Le 25 août 1968, Vadim Delaunay a participé à une manifestation sur la place Rouge, contre l’écrasement du Printemps de Prague, lors de l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du Pacte de Varsovie, ce qui a conduit à son arrestation. En 1973, il a émigré en France.

3 Place de Grève, aujourd’hui place de l’Hôtel de Ville.

4 Michelet, Histoire de la Révolution française.

5 Sur cet espace avait été installé un trône le 26 juillet 1660 pour l’entrée solennelle dans Paris de Louis XIV et de Marie-Thérèse d’Autriche, revenant de Saint-Jean-de-Luz après leur mariage. D’où son premier nom de place du Trône. Elle fut rebaptisée place du Trône-Renversé après le 10 août 1792.Aujourd’hui place de la Nation.

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