Главная страница «Первого сентября»Главная страница журнала «Французский язык»Содержание №16/2009

Les Routes de l’Histoire

Le Marais

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La prison du Temple. 1793

Quittons le quartier des Tuileries pour rejoindre le Marais à pied ou en prenant le métro (station « Place de la Concorde » ou « Jardin des Tuileries »). On descend à la station « Saint-Paul ». On est dans le Marais, une ancienne zone de marécages occupée à compter du XIIe  siècle par les ordres religieux (dont l’ordre du Temple), qui y installent des établissements.

Au début du XVIIe  siècle, à la suite de la construction de la place Royale (actuelle place des Vosges), ce quartier devient le lieu de résidence de la noblesse parisienne. De nombreux hôtels particuliers y sont construits dont beaucoup subsistent aujourd’hui. Au milieu du XVIIIe  siècle le quartier est déserté par l’élite parisienne au profit du faubourg Saint-Honoré et du faubourg Saint-Germain qui offrent plus d’espace. La Révolution française achève de chasser les propriétaires fortunés. Le quartier est occupé désormais par une population d’artisans et d’ouvriers qui occupe les anciens hôtels et construit des ateliers dans les anciennes cours. Les grands travaux d’aménagements de Paris du XIXe  siècle touchent peu le quartier qui conserve ses rues étroites, mais de nombreux immeubles de qualité sont progressivement détruits, dont le fameux Temple. En 1969, André Malraux1 (1901-1976) lance un programme de sauvegarde et de préservation qui se poursuit encore aujourd’hui. Le quartier préservé est désormais, grâce à ses beaux immeubles, fréquenté par les touristes et recherché par les classes supérieures. De nombreux musées y sont installés. Mais tout cela s’est passé bien après les jours sombres de la famille royale à la prison du Temple. Aujourd’hui, on voit une plaque apposée sur l’actuelle mairie du 3ème arrondissement, 158, rue du Temple, à l’emplacement du donjon du Temple où elle a été incarcérée.

10 août 1792-21 janvier 1793.
Jours sombres à la prison du Temple

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Marie-Antoinette

Au soir du 13 août 1792, deux lourds carrosses transportent le roi et sa suite à travers un Paris hostile et le déposent devant la cour du Temple, cet ancien palais du comte d’Artois, frère du roi, l’organisateur des plaisirs de Versailles. Au milieu du jardin, s’élève une énorme tour carrée, flanquée de quatre tourelles, dont la silhouette moyenâgeuse faisait frémir Marie-Antoinette quand elle venait chez son beau-frère, à l’occasion d’une réception. Le comte d’Artois tenait à ce vestige qui remontait à l’époque où les Templiers étaient venus s’installer dans l’Île-de-France, vers le milieu du XIIe siècle. Il fait déjà nuit et toutes les fenêtres sont illuminées, comme pour la fête. La Commune a tenu à offrir au roi un souper somptueux. Mais au lieu des laquais, comme au temps du comte d’Artois, ce sont des hommes aux « costumes sales et dégoûtants » qui entourent la table. Le roi et la reine se prêtent à la « cérémonie ». Ils ne savent pas encore que c’est dans la tour, plutôt dans une de ses tourelles, et non pas dans le palais du comte d’Artois qu’ils vont être logés. Leur sort est encore pire qu’ils ne l’imaginaient. La famille royale n’est plus qu’une famille de détenus. La tourelle qu’elle occupe était habitée, jusqu’à l’arrivée du roi et de la reine, par l’archiviste du Temple, Barthélemy, homme de bon goût, qui s’était entouré de beaux meubles et qui, contraint de partir, a abandonné ces lieux. La chambre de la reine est tendue de taffetas bleu, avec des fauteuils en soie bleu et blanc. Elle est vaste. C’est là que la famille se réunira. La chambre du roi est élégamment confortable et il y a une bibliothèque avec plus de cinq cents volumes. (On peut voir la réplique de cette chambre au Musée de l’Histoire de Paris, toujours dans le Marais). Les lieux sont donc à peu près dignes d’un roi qu’on veut mettre à l’abri d’un peuple en révolution. Mais pour le protéger on en fait un prisonnier. Une semaine après l’installation de la famille royale, des officiers municipaux se présentent. Ils viennent chercher Mme de Tourzel, gouvernante des enfants, et la princesse de Lamballe, amie dévouée de Marie-Antoinette. Marie-Antoinette ne peut croire qu’on veuille lui enlever son amie la plus tendre, celle qui est prête à endurer toutes les souffrances pour partager son sort. Elle ne peut s’arracher à ses bras. Mais il faut se plier aux ordres. Mme de Lamballe est entraînée. Marie-Antoinette, interdite, fixe la porte qui s’est refermée sur son amie. Que va-t-on faire de cette malheureuse que les gens de la rue détestent parce qu’elle lui est toujours restée fidèle ? Le roi et la reine n’ont plus que des geôliers autour d’eux, des gardes municipaux qui sont beaucoup plus espions que des domestiques. Les jours s’écoulent, monotones. Malgré l’enfermement, Louis ne renonce pas à ses habitudes. Il se lève et s’habille à six heures, aidé par son domestique, surnommé « l’agent » depuis que le terme de domestique est interdit par la loi. Louis XVI prie et lit jusqu’à neuf heures. Après le déjeuner pris en famille, il descend dans la chambre de la reine et donne des leçons d’histoire et de géographie à son fils tandis que les dames font du tricot. Lorsqu’il fait beau, tout le monde va dans les jardins, où le dauphin peut jouer au ballon, surveillé par les gardes municipaux. Les gardiens sont toujours là, ne les perdant pas une seconde de vue. Du jardin, on entend les cris hostiles et les injures qui viennent de la rue. Pour le dîner, servi à 14 heures, poulet, viande, poissons, vins, sont au menu. Après un souper léger, le roi remonte dans sa chambre et lit jusqu’à minuit. On dirait que la vie s’organise peu à peu, mais non. Le roi n’a pas le droit de recevoir les journaux. Pas un jour sans que les gardes municipaux ne fouillent le roi, ne fassent couper les pains en tranches avant de les servir, de peur d’une correspondance avec l’étranger. Une idée soutient Marie-Antoinette, une idée fixe : la marche des émigrés et des armées coalisées qui leur rendra (elle espère) leur trône. Il lui est pourtant difficile d’avoir des nouvelles de l’extérieur. Cependant, les armées coalisées contre la France sont victorieuses, mais à leur progression correspond à Paris un tumulte grandissant. Le 2 septembre, un des gardiens hurle aux oreilles du roi et de la reine : « Les émigrés ont pris Verdun, mais si nous périssons, vous périrez avec nous. »

Les massacres de septembre 1792

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Massacres de septembre 1792

La guerre continue. Les Prussiens avancent lentement vers Paris. La Fayette a déserté, mais il a été arrêté derrière la frontière par les ennemis qui vont l’emprisonner durant cinq ans ! Les bruits du complot des aristocrates contre la France se renforcent. Dans son journal Ami du peuple, Marat appelle les citoyens, tous les patriotes, à supprimer tous ceux qui sont soupçonnés d’entretenir des relations avec l’envahisseur. Tous ceux qui sont suspects sont maintenant dans les prisons pleines à craquer. Des affiches incitent les patriotes à « ne laisser aucun traître derrière eux » et à massacrer les prisonniers. Danton, le 2 septembre 1792 invite les citoyens français à se mobiliser contre tous ceux qui pourraient menacer l’œuvre de la Révolution en marche. Le signal est donné. Sur ordre de la Commune insurrectionnelle, on sonne le tocsin auquel répond le canon d’alarme, on hisse le drapeau noir à l’Hôtel de Ville. Le même jour, des foules de sans-culottes se ruent dans les prisons de la capitale et y massacrent, du 2 au 6 septembre, d’abord prêtres, puis gardes suisses et gardes du corps des souverains déchus, aristocrates suspectés de complot (au total, il y eut environ 1 500 morts). Personne n’est épargné, ni les malades, ni les vieillards.

Le martyre de la princesse de Lamballe (1749-1792)

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Le martyre de la princesse de Lamballe

Au matin du 3 septembre 1792, vers dix heures, Marie-Thérèse Louise de Savoie-Carignan, princesse de Lamballe, l’amie dévouée de Marie-Antoinette, est tirée de son cachot de la prison de la force. Traduite le 3 septembre devant le tribunal populaire, elle refuse de jurer haine au roi et à la reine : « Dites que vous haïssez le roi et la reine. Jurez-le ou vous êtes morte. » « Je ne le puis, répond la malheureuse, cela n’est pas dans mon cœur. » Alors on la traîne à travers la prison, la porte dehors, sur une borne de la rue Pavée, un sabre s’abat sur son cou. Son corps est dépecé et sa tête, plantée au bout d’une pique, est promenée sous les fenêtres du Temple, où est enfermée la famille royale, aux cris de : « La Lamballe, l’Autrichienne ! ». En reconnaissant la tête de son amie, Marie-Antoinette s’évanouit.

Le procès de Louis XVI

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Le procès de Louis XVI

Dans l’après-midi du 21 septembre, un municipal lit sous les fenêtres de la tour la décision abolissant la royauté que la Convention, qui succède à l’Assemblée législative, vient de décréter. C’est la République. Quelques jours plus tard, on enlève aux détenus leurs « papier, encre, crayons ». Le 29 septembre, Louis est transféré tout seul dans le donjon du Temple. Il est encore autorisé de prendre les repas en famille. Au début de décembre, on enlève aux prisonniers du Temple « couteaux, rasoirs, ciseaux, canifs et tous autres instruments tranchants dont on prive les détenus réputés criminels ».  Le 11 décembre 1792, le maire de Paris vient signifier officiellement à Louis XVI qu’il va être jugé par la Convention nationale. Louis XVI sait que ce procès sera fatal. Le 11 décembre 1792, Louis XVI comparaît devant les juges. D’ailleurs, il n’est plus Louis XVI : il est désigné par l’acte d’accusation sous le nom de Louis Capet2. Le 15 décembre, il apprend qu’il ne verra personne de sa famille pendant le procès. Marie-Antoinette supplie en vain ses geôliers de lui permettre de voir son époux. La séparation dure six semaines. Six semaines de torture morale.

« Louis doit mourir »

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Le roi est conduit à l’échafaud

Louis Capet entre dans la salle, amaigri, mal rasé, vêtu d’une redingote minable. Il écoute le président de la Convention lire l’acte d’accusation : on lui reproche la fuite à Varennes, le soutien aux émigrés et aux prêtres, la correspondance avec ses frères émigrés, les comtes d’Artois et de Provence, etc. Un jeune député, âgé de 25 ans, monte à la tribune. Son nom est encore peu connu : Robespierre. « Il faut tuer le roi ! », affirme-t-il en avançant l’argument laconique et logique : « Louis ne peut être jugé ; il est déjà condamné. Louis doit mourir parce qu’il faut que la Patrie vive. » Le jeune homme qui s’appelle Saint-Just (1767-1794)3, tient un discours inédit : « On ne peut régner innocemment. Tout roi est un rebelle et un usurpateur », déclare-t-il. Louis Capet s’en retourne à la prison du Temple pour y attendre le verdict, conscience en paix, mais sans illusions.

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Les adieux de Louis XVI
à sa famille

La mort de Louis Capet est votée

La Convention est divisée entre les députés qui veulent étudier les arguments de la défense et ceux qui veulent voter la peine de mort immédiatement. Parmi les partisans de la mort de Louis Capet sont Saint-Just et Robespierre. Même Louis-Philippe d’Orléans, dit Philippe Égalité vote la mort de son cousin.4 Les débats se déroulent dans une fièvre entretenue par le public qui a occupé les tribunes et qui exprime son approbation ou sa colère. Enfin, le président de l’Assemblée, annonce : « Je déclare, au nom de la Convention, que la peine qu’elle prononce contre Louis Capet est la mort. » Un des avocats de Louis XVI, Malesherbes, est tellement bouleversé qu’il ne peut parler sans fondre en larmes (Boulevard Malesherbes, dans le VIIIe arr., dans le quartier de la Madeleine est nommé en son honneur). Le 17 janvier, dans sa prison du Temple, Louis XVI apprend de Malesherbes la décision du tribunal. Il reçoit la terrible nouvelle avec un sang-froid, un détachement absolu comme s’il s’agisse d’« une affaire qui lui serait étrangère ».5


Les adieux

Il était alors coutume que les marchands de journaux crient les nouvelles dans la rue. Le dimanche 20 janvier, Marie-Antoinette et les siens entendent cette voix annoncer l’issue du procès : la Convention a condamné Louis Capet à mort. L’exécution aura lieu demain, le 21 janvier 1793. À 20 h 30, les portes de la chambre de la reine s’ouvrent. On vient la chercher avec ses enfants et sa belle-sœur pour les mener dans la chambre du roi. Le condamné à mort est autorisé à revoir une dernière fois sa famille.

21 janvier 1793. « Peuple, je meurs innocent »

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Louis XVII a été arraché
à sa mère Marie-Antoinette

Le 21 janvier 1793, à 9 heures, le commandant de la Garde nationale, ouvre brutalement la porte. Louis s’agenouille devant son confesseur afin de recevoir une dernière fois sa bénédiction. Il lui confie ses dernières volontés et lui remet son cachet pour le dauphin et son alliance pour Marie-Antoinette. Après quoi, il est prêt : « Allons ! », dit-il et ce mot du roi sonne comme un ordre. Louis Capet sort dans le brouillard glacé qui s’est abattu sur Paris. Il traverse la cour du Temple, se retournant vers la tourelle, où sa famille est emprisonnée. Il prend place dans une voiture fermée, en compagnie de son confesseur et de deux gendarmes. Tournant à droite rue du Temple, la voiture rejoint les vastes avenues plantées d’arbres qui se succèdent jusqu’à la paroisse de l’église Sainte-Madeleine, en haut de la rue de la Révolution (actuelle rue Royale). Dans sa voiture close, le condamné à mort ne peut voir la foule massée sur le parcours ; il récite les psaumes des agonisants. Le cortège poursuit sa route aux pas lents des chevaux. Il est presque 10 heures quand les représentants du département de Paris, les juges et les commissaires municipaux rejoignent leurs places dans l’Hôtel de la Marine (aujourd’hui, ministère de la Marine, place de la Concorde) pour assister au déroulement de l’exécution. Soudain, la voiture s’immobilise. La portière est ouverte par le bourreau Sanson6. Louis voit vingt mille hommes qui remplissent la place de la Révolution. Il descend d’un pas tranquille et s’avance, regardant l’échafaud. La terrible machine est installée face aux Tuileries, entre le piédestal qui supportait la statue du Louis XV et le bas des Champs-Élysées. La foule se tait. Au pied de l’échafaud, le condamné ôte lui-même ses vêtements, accepte, après un moment de protestation, de se lier les mains. Enfin, on lui coupe les cheveux. Le condamné, appuyé au bras de l’abbé, gravit lentement les marches de son supplice, sous les sons des tambours qui s’arrêtent au moment où Louis XVI monte sur l’estrade. Brusquement, il se tourne vers la foule et, d’une voix forte, s’écrie : « Peuple, je meurs innocent des crimes dont on m’accuse !  Je pardonne aux auteurs de ma mort ! Je prie Dieu que mon sang ne retombe pas sur la France ! ». Le roulement des tambours reprend, puis s’accélère en couvrant sa voix. Celui qui a été roi de France ne perdra pas la face, juste la vie. Quelques instants plus tard, le couperet tombe et le bourreau montre à la foule la tête sanglante de Louis. Il est 10 heures 22 ce 21 janvier 1793. Le roi de France est mort. La foule crie : « Vive la République ! ». Le corps du supplicié est transporté au cimetière de la Madeleine où il est jeté dans la fosse commune (Square Louis XVI).

21 janvier 1793. Louis Charles devient Louis XVII

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3 juillet 1793.
Louis Charles est séparé de sa mère

À 10 h 30, Marie-Antoinette entend des salves d’artillerie tonner au loin. Dans la cour du Temple, sentinelles et patriotes crient : « Vive la Nation ! Vive la République ! ». Louis XVI vient d’être décapité. La reine étouffe de douleur, Louis Charles fond en larmes, Marie-Thérèse jette des cris perçants. Mais, en France, le roi ne meurt pas. Le roi est mort ! Vive le roi ! Tel est le cri traditionnel qui annonce le décès d’un souverain, auquel son héritier succède sans transition. Le personnage physique est mortel, comme tout homme ; le principe monarchique est éternel. Le premier moment de douleur passé, Marie-Antoinette se reprend. Elle va s’agenouiller devant son fils et le salue du titre de roi : Louis Charles est devenu Louis XVII. Son avènement se déroule dans une sinistre tourelle du Temple. Mais il ne proteste pas et sa réponse à sa mère le prouve : « Hélas ! Madame, je ne suis Roi que pour vous ! ». Désormais, l’enfant sera traité en roi au sein de sa famille. Il a sept ans neuf mois et vingt-cinq jours.


9 juin 1795-19 avril 2000. L’énigme troublante de Louis XVII n’existe plus

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« Peuple, je meurs innocent »

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Le dauphin Louis XVII

Le 9 juin 1795, au deuxième étage de l’énorme donjon du Temple, on vient devant l’unique fenêtre de l’antichambre, de tirer une table. Sur cette table est allongé le cadavre nu d’un enfant. Quatre médecins se penchent sur lui. L’enfant dont ils vont pratiquer l’autopsie est mort la veille. Il se nomme Capet fils, selon l’état civil révolutionnaire, ou Louis XVII pour ceux qui n’ont pas renoncé à leur fidélité monarchique. Les praticiens se sont mis à l’ouvrage : ils découpent le corps, dégagent le ventre, l’estomac, scient le crâne. Peu à peu une certitude se dégage : le petit prisonnier a succombé à l’une des formes les plus graves de la tuberculeuse généralisée. L’une des plus douloureuses aussi : des tumeurs au genou droit et au poignet gauche ont dû le faire horriblement souffrir. Cette fois, tout est fini : on referme le corps de l’enfant, on remet en place la boîte crânienne. On s’en va. Nul ne s’est aperçu que, profitant d’un moment d’inattention de ses collègues, le docteur Pelletan, chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu, a glissé discrètement le cœur de l’enfant dans sa poche. Ce cœur, déposé plusieurs années plus tard dans la crypte de la basilique royale Saint-Denis, a permis en 2000, de réaliser le test de l’ADN qui a mis fin à une énigme qui a divisé durant 205 ans deux camps de convaincus : les premiers jurant que l’enfant mort au Temple le 8 juin 1795 n’était pas le fils de Louis XVI ; les seconds affirmant qu’il s’agissait bien de Louis XVII, après bientôt trois ans de captivité. Des rumeurs courent rapidement selon lesquelles le dauphin se serait évadé du Temple et que le jeune garçon avait été délivré par des royalistes, ayant remplacé le corps. On dit même que Georges Danton en personne aurait participé à cette évasion. L’affaire Louis XVII commence. L’enfant, reste-t-il au Temple jusqu’à sa mort, survenue le 8 juin 1795, à l’âge de dix ans ? A-t-on substitué au vrai Louis-Charles un enfant du même âge ? De nombreux prétendants – plus d’une centaine – se manifestent à travers l’Europe dans la première décennie du XIXe siècle. Parmi ces vrais-faux dauphins qui revendiquent être l’« enfant du Temple », le plus célèbre et le plus obstiné est l’horloger prussien Karl-Wilhelm Naundorff. Décédé en Hollande, ce dernier a été déclaré à l’état civil comme fils de Louis XVI et sa tombe, à Delft, porte cette inscription : « Ici repose Louis XVII, Charles- Louis, duc de Normandie, Roi de France et de Navarre, né à Versailles le 27 mars 1785, décédé à Delft le 10 août 1845 ». Mais, en 1998, un laboratoire belge a pu comparer des extraits de l’ADN de Marie-Antoinette et de deux de ses sœurs avec ceux prélevés, après l’exhumation de Naundorff. L’analyse des « empreintes génétiques » a dénoncé enfin son mensonge. Fin 1999, le prince Louis de Bourbon, « en tant que chef de la maison de Bourbon et successeur des Rois de France », a demandé alors aux autorités de la République Française que puisse être effectuée « l’inhumation officielle du cœur de Louis XVII, conservé dans la nécropole des Rois de France, aux côtés de son père et de sa mère ». La même année des éléments du cœur ont été prélevés et comparés avec une mèche de cheveux de Marie-Antoinette. On attendait venir le verdict. Ou Louis XVII et le prisonnier du Temple ne font qu’un, et la succession est close. Ou le petit cœur conservé à la basilique Saint-Denis est celui d’un inconnu, et les monarchistes du XXIe siècle reprennent l’espoir. Jusqu’alors, le pouvoir de résolution de l’ADN n’avait guère contribué à écrire l’histoire de France. C’est désormais chose faite. Ainsi que l’a annoncé, mercredi 19 avril 2000, le prince Louis de Bourbon, duc d’Anjou : « Aujourd’hui s’achèvent plus de deux siècles de mystère : l’enfant de dix ans mort à la prison du Temple et enterré dans la fosse commune en 1795, était bien le fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette, guillotinés deux ans plus tôt ». Le verdict est prononcé, la succession est close. L’énigme troublante de Louis XVII n’existe plus.



1 Un écrivain, un aventurier et un homme politique français, ministre des Affaires culturelles sous de Gaulle.

2 Les descendants de Hugues Capet (940-996), premier souverain de la dynastie capétienne, sont désignés par le nom de Capétiens, mais Capétiens n’a jamais été un patronyme, sauf pour Louis XVI, quand la révolution le lui a octroyé de force, c’était à l’origine un surnom qui a été donné à Hugues car il portait, comme abbé laïc, une cape.

3 Louis Antoine Léon de Saint-Just est un homme politique français, surnommé l’« archange de la Terreur » ou encore « l’archange de la Révolution ».

4 Cette action dégoûte jusqu’à Robespierre, qui dit de lui : « Il était le seul qui pouvait se permettre de ne pas voter la mort. ».

5 Michelet, Histoire de la Révolution française.

6 Charles-Henri Sanson (1739-1806) a été l’un des plus célèbres représentants d’une dynastie de bourreaux français, les Sanson, qui officiait notamment à Paris.

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