Les Routes de l’Histoire
Vladimir KOROTKOV, diplomate de l’ambassade de Russie à Paris : « Le français gardera toujours en Russie la place qu’il mérite... »
Propos recueillis par Evguéni EROKHINE
Vladimir Korotkov qui travaille plus de 36 ans dans l’univers de la diplomatie et qui a beaucoup contribué au renforcement des liens entre la France et la Russie a aimablement répondu aux questions du correspondant de La Langue française.
– Monsieur Korotkov, l’année 2010 est officiellement proclamée l’année croisée France-Russie. Parlez un peu des projets qui seront mis en place par nos deux pays ? D’où vient l’idée de cette année croisée ?
– Il faut dire d’abord que cette décision a été prise par les présidents de nos deux pays, et elle est exceptionnelle déjà par le fait que la Russie et la France se sont réunies en même année, ce qui est rare. Et évidemment, cela exige une brillante coordination bilatérale dont les préparatifs ont duré deux ans.
Un vaste programme riche d’événements sera le résultat de ses préparatifs. Il sera mis en disposition sur des sites spécialisés fin décembre 2009. On y trouvera tous les événements qui se produiront en France et en Russie. L’importance du projet est illustré par le fait qu’il est coordonné côté russe par Mikhaïl Chvydkoï, et côté français par Louis Schweitzer.
Au cours de quatre tables rondes du comité de coordination (dont la dernière a eu lieu début juillet 2009), on a élaboré cinq axes principaux de travail :
– culture et communication
– économie
– enseignement supérieur et recherches
– section jeunes
– santé, sport, tourisme.
Même les chiffres sont déjà bien impressionnants. On prévoit 150 événements dans le domaine de la culture et de la communication, 38 projets dans le domaine de l’économie et plus de 70 projets retenus dans le domaine du sport, de l’enseignement et des recherches. Le but principal de cette collaboration est de montrer à quel point les relations entre nos pays sont étroites, sans oublier, bien entendu, le partenariat politique très privilégié.
– Pouvez-vous citer quelques événements importants de l’année croisée 2010 en France et en Russie ?
– Parmi les événements qui pourront marquer cette année est une exposition « Sainte Russie » qui se déroulera au musée du Louvre. C’est une exposition majeure retraçant l’histoire de la Russie depuis sa christianisation à la fin du Xe siècle jusqu’à l’époque de Pierre le Grand, dans le premier quart du XVIIIe siècle. Cette exposition est unique dans son genre par le nombre de partenaires du côté russe : il s’agit de près de 26 organisations-partenaires dont les musées et les bibliothèques.
Encore un événement marquant de cette année, c’est une grande tournée de la troupe de la Comédie-Française à travers la Russie et, particulièrement, dans les villes d’Ekaterinbourg et d’Omsk. Le théâtre projette de venir avec son grand répertoire qu’est Le Mariage de Figaro.
Le 12 juin 2010, Fête National russe, sera également célébrée en France tandis que début septembre Paris va se joindre à la célébration de la Journée de la ville de Moscou. Pour cette occasion le Manège accueillera l’exposition « L’art de vivre à la française ».
Je voudrais ajouter que dans le cadre de cette année 2010 sera effectuée une collaboration au niveau des défilés militaires. On prévoit un orchestre de l’armée française en Russie pendant la commémoration du 9 Mai sur la place Rouge et, vice versa, des militaires russes vont participer à la célébration de la Fête nationale française le 14 Juillet 2010.
Il reste à ajouter que le 12 juin 2010 à Paris, au Grand Palais, s’ouvrira l’Exposition nationale russe.
Il faut dire que les relations entre nos deux pays ont toujours eu un caractère très particulier. N’oublions que toute la haute société russe à l’époque d’avant-guerre napoléonienne s’exprimait en français, ce qui était tout à fait naturel à l’époque. Donc parler français était une distinction privilégiée. La société russe a pu puiser le meilleur de la culture française et l’apporter sur le sol russe. Mais cet enrichissement était bilatéral. La culture française a beaucoup puisé dans notre culture. Une très bonne illustration de cet enrichissement sont les frères Goncourt. Pour pouvoir lire les romans d’Ivan Tourgueniev ils se sont donnés la peine d’apprendre le russe.
– Merci Monsieur Korotkov, je suis sûr que nos lecteurs vont attendre avec impatience l’arrivée de l’année 2010 pour participer aux événements dont vous nous avez parlé.
Maintenant parlons un peu de vous-même. Je sais que vous avez été pendant cinq ans de 2002 à 2007 le Consul générale de la Russie à Strasbourg en Alsace. Quels sont les endroits en France que vous aimez le plus et que vous n’hésiterez pas à revisiter à la première occasion ?
– Sans réfléchir, je peux dire que pour moi la plus belle région de France est l’Alsace que j’ai traversée en long et en large. Si je pouvais choisir de vivre en France, je préférerais Strasbourg. C’est une ville à la fois au charme provincial et la plus européenne des villes françaises. D’après les statistiques du tourisme russe en France, l’Alsace maintient la troisième position après Paris et la Côte d’Azur. Et c’est mérité ! J’étais heureux de voir à Strasbourg et d’autres villes alsaciennes apparaître en nombre des brochures, dépliants et guides touristiques en langue russe, même les cartes de quelques restaurants sont traduites en russes.
Mais je ne serai pas original si je vous dit que j’aime aussi Paris. On aime Paris parce que c’est Paris.
J’aime aussi la route à travers les châteaux de la Loire. On peut y passer et repasser en faisant chaque fois de nouvelles découvertes.
J’aime bien les petites villes balnéaires Deauville et Trouville et si on continue on peut aller jusqu’au Mont Saint-Michel.
Et je vous avoue mon amour pour les Alpes. Depuis 2003, chaque année, je me rends dans les montagnes pour faire du ski. C’est d’ailleurs grâce à la France que j’ai pris goût pour le ski alpin.
– Quels sont les événements culturels (théâtre, cinéma, musique) en France auxquels vous avez dernièrement assisté ?
– Il se passe en France d’innombrables événements culturels mais le seul qui m’a marqué et impressionné c’est un spectacle d’une petite troupe provinciale d’un petit village de Soultz, une mise en scène formidable du spectacle de Thierry Wintzner Pouchkine ou la prophétie de l’homme blanc. Ce spectacle raconte les relations tendues du poète russe Alexandre Pouchkine et de son rival George-Charles de Heeckeren d’Antès qui ont marqué leur époque. Deux hommes qui se sont confrontés à un duel d’honneur pour la belle Natalia Nikolaievna Gontcharova. Ce spectacle a été applaudi par tous les spectateurs pendants deux ans de suite et je crois sincèrement qu’il a de l’avenir en Russie. En tout cas, nous, collaborateurs et artistes, le consulat russe de Strasbourg, employés de la mairie de Soultz, nous faisons tout notre possible pour faire venir la troupe en Russie, et j’espère que très bientôt les spectateurs russes pourront, eux aussi, admirer cette belle performance alsacienne, vue objective et regard nouveau et sincère sur les événements de l’année 1837.
– Nous vous remercions, Monsieur Korotkov, du temps que vous nous avez accordé, et nous vous souhaitons une bonne continuation dans votre carrière s diplomatique. Pour terminer notre rencontre que pourriez-vous souhaiter aux lecteurs et lectrices de La Langue française ?
– Je souhaite que vos lecteurs continuent à perfectionner leur français et ne considèrent jamais le français comme langue du passé, malgré une avalanche de l’anglais qui s’abat sur nous chaque jour. Je suis persuadé que les gens, et surtout les jeunes, sont capables de parler librement au moins trois langues sans les confondre et je souhaite que le français soit parmi ces langues pratiquées ! Grâce à vous, chers lecteurs, le français gardera toujours la place qu’il mérite.