Arts et culture
Gréta TCHESNOVITSKAYA
Amedeo Modigliani : 125ème anniversaire de la naissance
Amedeo Modigliani a été, déjà de son vivant, l’artiste maudit, « le Rimbaud de la peinture moderne ». Il est difficile de séparer sa vie et sa démarche artistique du mythe qui l’entoure. « Il était très séduisant, très beau, brillant et intelligent, artiste virtuose, féru de poésie, de littérature et de philosophie », écrit Marc Restellini.
D’origine italienne, Modigliani décide de tenter l’aventure à Paris. En ce début du siècle, Paris symbolise la liberté qui attire un grand nombre d’artistes et d’intellectuels. Il y arrive en 1906. Il a alors 22 ans. « Il déborde d’espoir et d’enthousiasme. Il n’a qu’une idée en tête : plonger dans le monde artistique le plus riche du siècle. Il n’est pas question de perdre un instant. Avant de partir, il se choisit une garde-robe digne de l’art qu’il a choisi d’exercer : costume de velours, bottines de cuir noir, larges chemises blanches, foulard autour du cou. Une boîte de couleurs, des feuilles de dessin, des livres, une série de photos des œuvres d’art italiennes classiques achetées dans les musées complètent son équipement », témoigne Christian Parisot.
Modigliani découvre à Paris les grands noms de cette peinture révolutionnaire dont il avait eu vent en Italie : Dufy, Braque, Matisse, Vlaminck, Van Dongen, Rouault. Il découvre aussi les bois sculptés de Gauguin, inspirés des sculptures primitives et l’art africain. C’est une révélation ! Le jeune artiste passe des journées entières au Louvre à contempler les salles égyptiennes. Désormais, il cherche à simplifier les formes, comme sur les masques africains ou sur les corps de femmes de Cézanne.
Mais la vie parisienne est dure. Ayant épuisé ses réserves et vivant au jour le jour, Modigliani habite chez un camarade et en 1908, il emménage au Bateau-Lavoir, où habitent Picasso, Braque, Van Dongen et tant d’autres. Il se passionne pour tout ce qu’il voit dans leurs ateliers, mais ne se reconnaît pas dans les grands courants de cette période. Il cherche à se définir et, à partir de 1915, commence à faire les portraits qui constituent l’essentiel de son œuvre.
En 1910, Amedeo Modigliani rencontre à Paris Anna Akhmatova, poétesse russe. Cette rencontre a laissé une trace profonde dans sa poésie. « Je la connais, la vraie tendresse, je la connais, si douce et pure ; en vain avec délicatesse tu m’enveloppes de fourrures... ». « Je frissonne sous la lumière, mon sang s’arrête dans son cours : comme une stèle funéraire sur ma vie s’est posé l’amour... » (traduction du russe par Katia Granoff). Les dessins de Modigliani représentant Akhmatova datent de 1911. « Tout le côté divin de Modigliani étincelait à travers la pénombre. Il ne ressemblait à personne d’autre au monde » (Anna Akhmatova).
Mais la santé de Modigliani est fragile, il est tuberculeux. Il n’est pas rare, sous l’influence du haschich, de le voir briser ses sculptures et déchirer ses toiles. On le retrouve quelques mois plus tard, misérablement installé dans le quartier de Montmartre, errant de brasserie en café, récitant à la perfection des passages entiers de Dante, Verlaine ou Rimbaud, toujours ivre, exécutant en un tour de main des dessins sublimes, qu’il donne souvent ou vend pour quelques sous. À cette époque, il se lie d’amitié avec le peintre Maurice Utrillo, amitié qui durera toute sa vie, et découvre les œuvres de Toulouse-Lautrec.
En 1917, le peintre rencontre une jeune étudiante Jeanne Hébuterne qui va apporter un peu de joie dans sa vie agitée. Lorsque le peintre décède, rongé par la tuberculose le 24 janvier 1920, sa compagne, désespérée, se suicide en se jetant par la fenêtre. « Modigliani avait une force de caractère incroyable. Au point qu’il a entraîné dans la mort son amie. Cette fin tragique a fait de Modigliani un peintre misérable, ce qu’il n’a jamais été. On ne voyait plus que l’artiste maudit. » (Anna Akhmatova).
Борис Носик
Анна и Амедео
(отрывок)
1906 году Модильяни появился в Париже на Монмартре. Ему было 22 года. Уже в ранней юности Модильяни верил, что станет настоящим художником, но знал, что путь будет нелегким. Он несколько лет учился в венецианской академии изящных искусств, занимался живописью и скульптурой. Писал стихи и был близок к группе молодых итальянских писателей, которых позднее называли «потерянным поколением».
Ахматова приехала в Париж в конце 1911 года. Встреча влюбленных была долгожданной и радостной. Днем они встречались в Люксембургском саду. Укрывшись от дождя под его огромным старым зонтом, они сидели на скамейке, тесно прижавшись друг к другу, и «в два голоса читали Верлена». А ночью… Она знала, что неизменный синий блокнот будет с ним, когда он придет к ней на улицу Бонапарта. Она позировала ему послушно, и надевала тяжелые африканские бусы, и заламывала руки над головой. Влюбленный и восхищенный Модильяни именно тогда создал знаменитые «ню» – 16 рисунков-портретов Ахматовой.
Расставание было неизбежным. Последняя их прогулка, последнее кафе, последний парк, последняя ночь – все было пронзительно и грустно. Они оба предчувствовали, что не увидятся больше, что это конец…
Великая Ахматова… Великий Модильяни… Их любовь была мимолетной: не могут два величия быть рядом, служа самозабвенно каждый своему искусству. В конце жизни Ахматова, посетив в последний раз Париж, связанный для нее с Модильяни, стоя перед домом, где она была когда-то счастлива, сказала: «Вот мое окно во втором этаже… Сколько раз он у меня тут бывал». Год спустя она умерла в московской больнице, унеся навсегда тайну их любви…