Arts et culture
Frédéric Mistral (1830-1914)
Chaque pays a son chantre. Celui qui aime sa terre à un degré si haut pour lui consacrer sa vie et son œuvre. C’est l’histoire de Frédéric Mistral.
Frédéric Mistral
Frédéric Mistral, dont le nom en provençal est Frederi Mistral (Mistrau), est vraiment le grand homme dans l’histoire de la Provence. Comme lexicographe, il a fait un énorme travail sur la restauration de la langue provençale qu’il nommait « première langue littéraire de l'Europe civilisée ». En fondant le groupe littéraire Félibrige avec 6 autres poètes (Jóusè Roumaniho, Teodor Aubanel, Ansèume Matiéu, Jan Brunet, Anfos Tavan et Pau Gier), il a commencé les recherches linguistiques et historiques. Son but fut « de relever, de raviver en Provence le sentiment de race [...] ; d'émouvoir cette renaissance par la restauration de la langue naturelle et historique du pays [...] ; de rendre la vogue au provençal par le souffle et la flamme de la divine poésie ».
Mistral est l'auteur de Lou Tresor dóu Felibrige (1878-1886), qui reste à ce jour le dictionnaire le plus riche de la langue occitane, et l'un des plus fiables pour la précision des sens. C'est un dictionnaire bilingue occitan-français, en deux grands volumes, englobant l'ensemble des dialectes d'oc, et en graphie mistralienne.
Mais s’il s’était borné seulement par les études linguistiques, il ne serait pas tellement admiré dans son pays. Il sut non seulement faire renaître une langue, mais il créa toute une œuvre poétique en cette langue. Son œuvre capitale est Mirèio (Mireille), publiée en 1859 après huit ans d'effort créateur. Mirèio, long poème en provençal, en vers et en douze chants, raconte les amours contrariées de Vincent et Mireille, deux jeunes provençaux de conditions sociales différentes. Le poème a reçu une haute appréciation de Lamartine. Plus tard il fut traduit en une quinzaine de langues européennes, dont le français par Mistral lui-même. En 1863, Charles Gounod en fit un opéra.
Mistral avec Alphonse Daudet (à gauche)
Mistral reçoit le Prix Nobel de littérature en 1904 conjointement avec José Echegaray. Il consacrera le montant de ce prix à la création du Museon Arlaten à Arles.
Son ami Alphonse Daudet, un autre chantre de la Provence, lui a dédié une de ses Lettres de mon moulin. Voilà comment il décrit l’exploit de Mistral : « Tandis que Mistral me disait ses vers dans cette belle langue provençale, plus qu’aux trois quarts latine, que les reines ont parlée autrefois et que maintenant nos pâtres seuls comprennent, j’admirais cet homme au dedans de moi, et, songeant à l’état de ruine où il a trouvé sa langue maternelle et ce qu’il en a fait, je me figurais un de ces vieux palais des princes des Baux comme on en voit dans les Alpilles : plus de toits, plus de balustres aux perrons, plus de vitraux aux fenêtres, le trefle des ogives cassé, le blason des portes mangé de mousse, des poules picorant dans la cour d’honneur, des porcs vautrés sous les fines colonnettes des galeries, l’âne broutant dans la chapelle où l’herbe pousse, des pigeons venant boire aux grands bénitiers remplis d’eau de pluie, et enfin, parmi ces décombres, deux ou trois familles de paysans qui se sont bâti des huttes dans les flancs du vieux palais.
Puis, voilà qu’un beau jour le fils d’un de ces paysans s’éprend de ces grandes ruines et s’indigne de les voir ainsi profanées ; vite, vite, il chasse le bétail hors de la cour d’honneur ; et, les fées lui venant en aide, à lui tout seul il reconstruit le grand escalier, remet des boiseries aux murs, des vitraux aux fenêtres, relève les tours, redore la salle du trône, et met sur pied le vaste palais d’autre temps, où logerent des papes et des impératrices.
Ce palais restauré, c’est la langue provençale.
Ce fils de paysan, c’est Mistral. »
« Quand le Bon Dieu en vient à douter du monde il se rappelle qu'il a créé la Provence. »
Frédéric MISTRAL