Les Routes de l’Histoire
La célébration du 400ème anniversaire et la commémoration du 250ème… au Québec en ébullition
La ville de Québec a connu deux années consécutives riches en dates historiques extraordinaires :
- En 2008, il y a eu des festivités grandioses du 400ème anniversaire de la fondation de la ville par l'explorateur français Samuel de Champlain
- En 2009, c’était le 250ème anniversaire de la bataille des plaines d’Abraham, gagnée par la Grande-Bretagne contre la France.
Ces deux anniversaires ont été célébrés de deux façons bien différentes. La fondation de la ville a été fêtée comme un fait historique d’ancrage de l’Amérique francophone. Tandis que la défaite française, a été commémorée comme un acte patriotique de la renaissance du peuple d’origine française dominé par les Anglais.
Parcourons les plus importantes activités de ces deux événements majeurs de l’histoire et de la culture du peuple québécois.
400ème anniversaire de la fondation de la ville
Les préparatifs pour la fête ont commencé plusieurs années d’avance. Les gouvernements fédéral et provincial ont investi dans l’infrastructure et les activités artistiques d’énormes montants s’élevant à plusieurs centaines de millions de dollars. En 2008, le tapis rouge a été déroulé à Québec. Cet événement a mis tout le pays en effervescence pour célébrer la fondation de Québec, joyau du patrimoine mondial de l'UNESCO, ainsi que pour rappeler que la langue française a été la langue fondatrice du Canada.
Dans son discours d’inauguration le 3 juillet 2008 le Premier-ministre du Canada S. Harper a souligné une importance exceptionnelle de Québec : « On dit chez nous que chaque être doit avoir deux villes dans son cœur, la sienne et Québec. »
Le Premier-ministre du Québec J. Charest dans son message « Célébrons Québec » a dit : « La ville de Québec, à travers le courage, la détermination, les espoirs et les valeurs de ses bâtisseurs, a fait naître ce grand Québec moderne que l’on connaît et dont tous les Québécois de toutes origines sont fiers. »
Le fondateur de la ville Samuel de Champlain lorsqu'il a choisi le lieu de Québec (mot amérindien signifiant « là où le fleuve se rétrécit »), se doutait-il alors que Québec deviendrait le berceau de la civilisation française en Amérique ?
Coup d'envoi
Le coup d'envoi des festivités a été donné le 31 décembre 2007 à minuit. Les feux d’artifice ont enflammé le ciel de la capitale nationale de mille et une couleurs à la joie des grands et petits.
Figurez-vous ce festival-régal pour les yeux et le cœur qui a duré 17 semaines d’activités. 120 jours de rencontres inoubliables avec des gens invitées pour célébrer les 400 ans de Québec. Et tout cela, gratuitement ! Plus d’un million de visiteurs étaient venus tous les jours vivre de grands moments de rencontre et d’émerveillement aux endroits construits ou aménagés pour une fête exceptionnelle, qu’on peut vivre une fois dans la vie.
Survolons quelques uns de ces événements, animés non seulement par des artistes mais aussi par des experts, des conférenciers, des maîtres de classes qui se sont tenus dans des ateliers, des expositions, des jeux variés etc. permettent aux jeunes et adultes d’explorer les sciences, les sports et l’histoire de Québec.
Le Moulin à images
Plus de 600 000 spectateurs ont assisté à la plus grande projection extérieure sur des bâtiments existants (81 immenses silos de la compagnie Bunge au bord de l’eau du vieux port du Québec) jamais créée (record Guiness battu). L’écran de projection faisait 600 mètres de long par 30 mètres de haut. L’histoire de Québec en documents visuels et sonores créée par Robert Lepage et Ex Machina a été présentée comme une mosaïque animée d’un portrait de l’identité de la cité au fil du temps.
Bonne fête Québec !
Le 3 juillet 2008, date historique du débarquement de Champlain sur le site du futur Québec, donc le jour précis de son quatrième centenaire, a eu lieu la cérémonie officielle devant la statue de Champlain au bord du fleuve Saint-Laurent. De nombreuses personnalités canadiennes (y compris un grand chef des premières Nations) et hôtes de marques étrangers étaient présents pour honorer cet événement. Ce jour-ci à 11 h, plus de 900 clochers se sont fait entendre dans plus de 500 villes à l’échelle du pays.
Spectacle-cirque 400 ans d’histoire
Les 3, 4 et 5 juillet 2008 sur la place de l’Assemblée-Nationale, S. de Champlain, incarné par le comédien de Québec Yves Jacques, raconte les 400 ans d’histoire de la capitale à travers plus de dix tableaux inspirés des grandes rencontres avec les gens et les peuples qui ont marqué l’histoire du Québec à son début.
La Grande rencontre familiale
Le 6 juillet, les plaines d’Abraham se sont transformées en gigantesque pique-nique familial. C’était une journée de fête avec des jeux, des ateliers de bricolage, une mascarade, de l’animation. À la fin de l’activité tous les participants ont été invités à se réunir sur la pelouse pour former un énorme « 400 » humain immortalisé par une photo prise à vol d’oiseau.
Paul McCartney sur les plaines
Le 20 juillet, Paul McCartney, le fameux chanteur du groupe Beatles, a donné un concert gratuit sur les plaines d’Abraham. C’était sa première performance au Canada depuis 2005. Une soirée inoubliable pour Paul McCartney ainsi que pour les 270 000 fans comblés qui ont fait une file d’attente pour être dans les « premières loges » sur le gazon vert des plaines.
Céline Dion sur les plaines
Le 22 août 2008 tout près du Musée national des beaux-arts du Québec, Céline Dion, entourée de Claude Dubois, Zachary Richard, Éric Lapointe, Garou, Nanette Workman, Mes Aïeux, Jean-Pierre Ferland et Ginette Reno a offert un concert inoubliable, tout en français, pour célébrer Québec. Elle est venue exprès de Las-Vegas, où elle était en tournée. Le lendemain le journal de Québec a écrit dans la manchette à la façon de la presse américaine « Céline a livré la marchadise ».
Paris-Québec à travers la chanson
Le 24 août 2008 les vedettes de la francophonie, des artistes bien connus au Québec et en France ont présenté sur les plaines des chansons ayant marqué les deux côtés de l’Atlantique. Quelques jours avant, Charles Aznavour, le doyen des chanteurs français, a donné un récital devant une foule de 300 000 personnes réunies sur les plaines.
Le Cirque du Soleil
Les 17, 18 et 19 octobre 2008 cinq représentations exclusives ont été présentées dans une ambiance de bonne humeur. Ce spectacle a réuni près de 150 artistes avec décor et costumes créés spécialement pour l’occasion. Une célébration saisissante de Québec et de ses habitants, s’est déroulée devant les spectateurs ébahis qui ont suivi quatre siècles d’histoire bouillonnante.
Les spectateurs qui ont apporté une photo de Québec ont pu l’échanger avec un inconnu. Les gens ont participé de cette façon au plus grand troc de cadeaux jamais réalisé.
Salut 400ème !
Le 31 décembre 2008 devant le Manège militaire, les grands moments de l’année du 400ème ont été célébrés en musique par 400 choristes et en images par la projection d’une rétrospective de 2008. Le spectacle a été suivi des feux d’artifice tout en bleu, blanc et or, les couleurs officielles de la Ville de Québec
Pour marquer la fin des festivités un livre de souvenir de 160 pages retraçant les moments forts de l’année 2008 Québec, ma ville, mon 400ème a été publié et proposé à la population au coût exceptionnel de 3 $.
Le 250ème anniversaire de la bataille des plaines d’Abraham
La commémoration délicate de la bataille historique, qui avait opposé les troupes françaises et britanniques le 13 septembre 1759 sur les plaines d’Abraham dans la ville de Québec, a fait couler beaucoup d’encre à cause du danger des actes de violence du coté des séparatistes1.
La Commission des champs de bataille nationaux (CCBN) a dû annuler la reconstitution de cette bataille. Le président de la CCBN, André Juneau, avait alors reconnu avoir sous-estimé la « sensibilité » des Québécois face à la victoire des Anglais. La conquête a été la suite logique de la guerre de Sept Ans, dont le point culminant était cette bataille des Plaines. Ce combat des armées est devenu le prologue à la cession de presque toute la Nouvelle-France aux Anglais. Près de 2 100 bénévoles auraient dû venir du Canada et des États-Unis pour participer à cette reconstitution sur les Plaines et 200 000 touristes comptaient y assister. Finalement il a été décidé que cela sera une commémoration, pas une célébration.
Cette commémoration de passage des Canadiens du régime français au régime britannique a été soulignée par les Québécois par une manifestation très originale. Samedi le 12 septembre depuis 3 heures de l’après midi il y a eu une lecture ininterrompue de 24 heures des textes littéraires, politiques, historiques et autres pour affirmer l’histoire dans la mémoire collective du peuple québécois.
Moulin à paroles
Les organisateurs ont donné le nom de Moulin à paroles2 à cette manifestation politico-culturelle québécoise. Le Moulin a été un événement fort en émotions. Les spectateurs ne sont même partis la nuit de cette portion des plaines d'Abraham où Wolf a défait Montcalm. Il n’y a pas eu d'artifice pour retenir le public, rien que les textes simples et porteurs des messages de l’histoire québécoise des siècles passés.
Les gens écoutaient ces messages perçants comme des mots d'Hélène Pedneault : « Il n'y a pas de conjoncture favorable ou défavorable. Il n'y a que la force et la clarté du désir, qu'il s'agisse d'un individu ou d'un peuple. Une conjoncture, ça n'existe pas, ça se crée. » Cet extrait a été lu par la présidente du parti québécois Pauline Maurois. Le public applaudissait debout.
Lorsque Gilles Duceppe, le président du parti Le bloc québécois, est entré sur la scène, une ovation debout l’avait longuement salué.
Les gens étaient là pour écouter, pour se sentir solidaire, pour être sûrs que, leur langue est toujours vivante et ne mourra jamais. Ils ont ressenti le Moulin à parole comme une longue messe patriotique à grandeur nationale.
Dimanche à 15 heures, c’était l’heure de la clôture. Le fils d’André Ricard, membre de l’Académie des lettres du Québec, a lu un texte pathétique de son père, écrit précisément pour la fin de cette grandiose action patriotique.
« Celui qui s’adresse à vous se voit investi de la tâche démesurée de conclure un festival de la parole au cours duquel se sont fait entendre, toutes époques confondues, les meilleurs prosateurs et poètes, accoucheurs de ce pays…J’en ai comme vous la tête qui bourdonne… Nous qui avons renversé le verdict de mort prononcé contre nous, avons appris à ne plus nous laisser définir par l’autre…. Les chemins de la liberté ne sont pas tracés d’avance, on y progresse dans une part d’inconnu et par les à coups qu’inspire l’audace. Encore faut-il, pour que l’itinéraire s’accomplisse, que demeure actif parmi nous le souci du bien commun, que demeure vivante et opérante l’occupation du devenir collectif… Le Moulin à paroles dévoue le cycle d’une journée au rappel de ce qui nous a constitués comme peuple. Vingt-quatre heures pour revivre, depuis les commencements, la montée d’une conscience commune, pour revivre les étapes menant à l’affirmation d’une fragile assurance à travers l’exercice d’un courage jamais démotivé. La vingt-cinquième heure, maintenant, nous appartient. À nous de la charger de nos convictions, à nous d’assurer la poursuite de l’avancée remarquable à laquelle nous avons aujourd’hui donné voix. »
Une fois la lecture du texte finie les gens se sont levées et ont applaudi les participants.
Moi, qui étais parmi ce public, j’ai vu juste à côté du porte-drapeau, un gars typiquement québécois, qui tenait son étendard toujours haut malgré la fatigue et l’engourdissement des bras. Il veillait à ce que son drapeau flotte bien au vent, libre comme l’air. J’ai senti que j’ai vécu un bel épisode de l’histoire nationale du peuple québécois.
1 Personne qui réclame une séparation et l'autonomie du Québec d'ordre politique par rapport au Canada fédéré.
2 Moulin à paroles : personne qui parle sans arrêt (Robert).