Mon amie la langue française
Alexandre MOROZOV
Présence française dans la toponymie de Moscou
Приводим пример проектной работы ученика 11 класса, выполненной под руководством преподавателя.
(sous la direction du professeur de français Irina SVIRIDOVA)
La Russie et la France sont deux pays dont l’histoire est très riche, deux partenaires économiques de longue date, deux États unis par des liens politiques, culturels et, tout simplement, humains. L’année 2010 est déclarée Année de la Russie en France et de la France en Russie, comme l’ont souhaité le Président de la République française et le Président de la Fédération de Russie lors de leur rencontre à Moscou en octobre 2007. Ce rendez-vous concerne tous les domaines de la coopération culturelle et servira à favoriser le dialogue entre les institutions culturelles.
Quelle est l’influence des relations franco-russes sur la toponymie de notre capitale ? Après avoir fait l’inventaire des noms des rues de Moscou comportant des noms étrangers, on a constaté la 4ème place occupée par la France. Remarquons également que la proportion de la nomenclature française incluant les places Charles de Gaulle et Romain-Rolland a diminué de 33 % après le changement du nom du quai Maurice-Thorez.
Depuis le 29 janvier 1966 la place Romain-Rolland porte le nom de l’écrivain français. D’une culture marquée par la passion de la musique et de l’art, Romain Rolland a cherché toute sa vie ce qui pourrait unir les hommes. Son désir de justice et de paix, sa recherche d’un monde non violent et ses nombreux écrits en font un des plus grands penseurs pacifistes français du XXe siècle. Ceci explique pourquoi il a donné son nom à de nombreuses rues et établissements publics en France, ainsi qu’en Russie.
Les liens de Romain Rolland et de la Russie sont à évoquer. En 1887, il commence sa correspondance avec Tolstoï. Rolland salue la Révolution russe, sans la connaître, par comparaison avec la Révolution française. En 1932, il devient Membre d’honneur de l’Académie des Sciences de Leningrad (Saint-Pétersbourg). En 1934, il épouse Marie Koudachev, d’ascendance mi-russe, mi-française. Il aura, grâce à Maria Koudacheva, une connaissance moins superficielle de la réalité soviétique. En 1935, Romain Rolland voyage à Moscou à l’invitation de Maxime Gorki : l’objectif est de rencontrer Staline pour essayer d’agir auprès de lui comme un ambassadeur des intellectuels français en URSS. Romain Rolland rencontra Staline dans son bureau du Kremlin le 28 juin 1935 (Bulletin des Archives du président de la fédération de Russie). Rolland ne reçut pas l’autorisation de publier le texte de l’entretien. Ce texte fut publié en 1996 dans le n°1 des Nouvelles des Archives du président de la Fédération de Russie.
Romain Rolland recherchait, toute sa vie, son idéal humanitaire dans le monde nouveau que représentait pour lui l’Union Soviétique. Mais il n’aura finalement atteint liberté et beauté que dans ses œuvres.
Place Charles de Gaulle a reçu son titre en 1990. La statue en hommage au général de Gaulle est érigée le 9 mai 2005 sur la place Charles de Gaulle, qui jouxte l'hôtel Cosmos. À l'occasion du 60ème anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie, Jacques Chirac a inauguré à Moscou une statue du général de Gaulle. Pour célébrer dignement la fin de la guerre, la ville de Moscou a souhaité rendre un hommage appuyé au général de Gaulle en lui consacrant une statue. Située sur une place portant déjà le nom de l'ancien chef d'État et devant le célèbre Hôtel Cosmos, l'œuvre de Zourab Tsereteli, sculpteur et président de l'Académie des arts de Russie, est monumentale : la statue haute de 7 mètres est placée sur un socle de 11 mètres de haut. Un ensemble de 19 mètres qui laisse songeurs les Moscovites. Le sculpteur a déclaré : « Ma statue exprime le profond respect que je nourris pour le peuple de France, pour ses grandes traditions historiques et pour la personnalité de Charles de Gaulle ».
Comment évoquer sans émotion l'action du général de Gaulle, qui nous rappelle les terribles épreuves du siècle passé ? Hommage donc à un homme d'exception, symbole d'une communauté de pensée et d'action, ce monument est aussi le témoignage et le souvenir de la rencontre entre Charles de Gaulle et la Russie.
Il n’y a pas longtemps on trouvait à Moscou le quai Maurice-Thorez et l’Institut des langues étrangères qui portait son nom. Maurice Thorez reste une des grandes figures en Europe occidentale, celle d'un ouvrier devenu dirigeant d'un des plus grands partis de France. L'influence controversée de cet homme sur la vie politique française n'a pas fini d'alimenter la réflexion. Depuis 1990, l’Université lingustique de Moscou ne porte plus le nom de Maurice Thorez. Cependant son département – Institut des langues étrangères Maurice-Thorez – n’est pas pressé de se débarrasser de sa marque associée à l’enseignement d’une très haute qualité. De 1964 à 1994 le quai Sophiiskaya se nommait également Maurice-Thorez. D’après la résolution n° 968 du 25.10.94 du Gouvernement de Moscou Sur le retour des noms historiques, l’attribution de noms nouveaux aux rues de Moscou on a rendu à ce quai son titre d’origine, celui de Sophiiskaya.
On retrouve à Moscou des toponymes nettement associés à la France.
L’ambassade de France se trouvant dans la Maison Igoumnov est remarquable par son architecture mariant les traditions russes et l’esprit européen. Nikolaï Ivanovitch Pozdeev réalisa ce chef-d’œuvre s’inspirant des vieux térems en bois. Le marchand Igoumnov voulait que sa maison reflétât sa magnificence et ne regarda pas à la dépense. Les briques venaient de Hollande et les faïences furent exécutées par les célèbres ateliers Kouznetsov. Après la révolution de 1917, la maison connut différents usages, centre médical puis club des travailleurs. En 1938, elle fut mise à la disposition du gouvernement français pour y loger son ambassade. Depuis la construction de la chancellerie annexe en 1979, elle est devenue la Résidence officielle des Ambassadeurs de France.
La rue du Pont des maréchaux
А все Кузнецкий мост, и вечные французы,
Оттуда моды к нам, и авторы, и музы:
Губители карманов и сердец!
Когда избавит нас творец
От шляпок их! чепцов! и шпилек! и булавок!
И книжных и бисквитных лавок!
(А.С.ГРИБОЕДОВ, Горе от ума, д.1 явл.4)
L’esprit de Paris est toujours là, sur la Kouznetski Most, la rue du Pont des maréchaux (ou des Forgerons), un quartier de travailleurs du métal a si grande renommée que son souvenir s’est conservé jusqu’à nos jours dans le nom de la grande artère commerciale. Aujourd’hui on y trouve de nombreuses librairies, des boutiques de mode, des cafés, des agences de voyages. Le pont, large de 12 m et long de 120 m, fut construit en pierre, d'après un projet de Semen Iakovlev, en 1754-1758. Ses vestiges viennent d'être découverts lors de travaux de terrassements. Des boutiques de mode appartenant souvent à des Français longeaient le pont (c'est pourquoi, en 1812, la rue gardée par les soldats napoléoniens échappa à l'incendie). Kouznetski Most préservait cette spécificité d'une rue commerçante à forte composante étrangère jusqu'en 1917.
Du XVIIIe siècle à 1917, ces boutiques étaient françaises, pittoresques échoppes où l’on achetait à la fois du vin, du parfum, des livres... On y décidait de la mode, de la gastronomie, on présentait les derniers produits arrivés de Paris et les écrivains français y gagnaient leur réputation.
Qui étaient ces Français ? Sous le règne de Catherine II apparut à Moscou une importante colonie française, véritable communauté ethnique et confessionnelle qui devait son existence aux facteurs suivants : la relative unité confessionnelle des Français de Moscou, l’uniformité de leur statut social, due en grande partie à l’éloignement de la Cour et des principales instances gouvernementales, le degré d’intégration minimal des Français dans les structures d’État, la forte concentration des Français dans deux quartiers de Moscou, la Loubianka et à un degré moindre, le Faubourg des étrangers, le statut élevé et pour ainsi dire la visibilité des Français en Russie, ce qui garantissait à la colonie dans son ensemble et à chacun de ses membres en particulier une identité ethnique positive et qui par cela même renforçait la tendance au repli sur soi des Français de Moscou.
Dans l'article de Vladislav Rjéoutski La communauté francophone de Moscou sous le règne de Catherine II, Revue des Études Slaves, Paris, LXVIII /4, 1996, p. 445-461, nous avons puisé des informations abondantes sur la communauté française moscovite au XVIIIe siècle. En 1793, en réponse à l’exécution du Roi de France Louis XVI, Catherine II de Russie signa l’oukase interdisant toutes les relations avec la France. Un des points essentiels de cet oukase prévoyait l’expulsion de l’Empire de tous les sujets français qui refuseraient de prêter le serment de n’entretenir aucune relation avec l’étranger. Quel était le nombre de ceux qui étaient concernés par cette mesure en Russie et qui étaient-ils ? Le nombre absolu de Français résidant à cette époque en Russie pourrait être estimé à 2500 personnes au moins. À Moscou (avec sa banlieue), en 1793, les Français étaient près de 1 000 personnes. Comment une telle communauté s’est-elle formée ? En 1759, le vice-consulat de France s’ouvrit à Moscou. Le premier vice-consul s’appelait Pierre Martin. En 1762, les Français ne sont pas encore concentrés dans un quartier, plusieurs vivent dans les hôtels de la noblesse. En 1777, environ la moitié de tous les Français de Moscou étaient originaires de quatre villes ou régions de France, de Lorraine, de Paris, du Dauphiné, de Lyon. Le groupe le plus nombreux est constitué par les commerçants. Moins nombreux sont médecins, cuisiniers, perruquiers (le nombre de ces derniers est pourtant important, et ils constituent à Moscou, à la fin du XVIIIe siècle, une profession spécifiquement française). Plusieurs métiers ne sont représentés que par un ou deux immigrés, comme ceux de chapelier, ferblantier, horloger, maître d’armes.
Les précepteurs ne figurent pas dans la liste de 1777 car ils ne formaient pas un corps de métier. Pourtant, cette « profession libérale » de l’époque était indéniablement des plus répandues parmi les Français de Moscou. On pourrait dire pour cette raison que les besoins de l’aristocratie déterminaient dans une grande mesure la constitution de la colonie du point de vue professionnel et notamment le nombre de ceux qui exerçaient tel ou tel métier, quoiqu’on ne doive pas oublier que, en retour, les Français exerçaient une influence indéniable sur la formation de ces besoins. La demande des précepteurs saturée dans la nouvelle capitale, le trop-plein de ceux-ci se déversait sur Moscou. À la fin du XVIIIe-début du XIXe siècle apparaissent dans le journal officiel de Moscou Moskovskie vedomosti des annonces des Français proposant leurs services en tant que précepteurs à la noblesse provinciale.
Selon les usages du temps, les précepteurs, les cuisiniers, les maîtres d’hôtel, etc. vivaient d’habitude dans les maisons de la noblesse qui les engageait. De ce fait, ils entraient en contact avec l’aristocratie journellement et souvent, si on pense aux précepteurs et secrétaires, de façon presque intime. D’autre part, ces Français étaient, du point de vue du lieu de leur résidence, exclus, dans une certaine mesure, de la vie de la communauté. C’est probablement une des explications du fait que les Français, étant déjà présents et fort nombreux à Moscou au début des années 1760, étaient quasiment introuvables dans le faubourg des Étrangers. Lors du cinquième recensement (1794-1795), sur 22 marchands français inscrits dans les guildes dont les adresses sont indiquées, 16 habitent dans le quartier de Loubianka et 10 de ce nombre directement « près de la rue du Pont des maréchaux » ou « sur le Pont des maréchaux ». Ce fait mérite explication. On est enclin d’en voir les mobiles essentiellement dans le changement des circonstances qui a, en l’espace de dix ou quinze ans, valorisé ce quartier, surtout au regard des communautés étrangères, qui étaient en grande partie au service de l’aristocratie et s’orientaient sur ses goûts. Un des comtes Vorontsov a construit, dès le milieu du siècle, plusieurs maisons prestigieuses, sur la Rojdestvenka et le long de la rivière Neglinka. Beaucoup d’autres aristocrates l’ont suivi, transformant ainsi cette espace en un quartier cossu. Sous Catherine II, il fut permis de commercer partout dans la ville, et non seulement dans l’enceinte des Galeries marchandes comme jusque là.
Les Français habitaient les uns près des autres. Ils firent de grands progrès dans la vente des livres à Moscou, montrant ainsi aux libraires russes les horizons dans l’art de librairie. De Marey, les frères Gay, Courtener, Bugnet, Gautier, Riss et Saucet introduisirent les catalogues, les salles de lecture, le prêt des livres tant aux Moscovites qu’aux provinciaux, la publicité des nouveautés de librairie dans les journaux de Moscou, etc. Un développement extraordinaire des librairies françaises tenues par des Français était dû naturellement au contexte culturel et social de l’époque, mais peut-être aussi à un fait curieux : on a pu constater que plusieurs libraires français de Moscou étaient originaires de la même ville, Strasbourg, ils se connaissaient sans doute avant le départ en Russie, peut-être leur départ même était-il coordonné.
Ce fut sous le règne de Catherine II que la communauté française (ou, plus justement, francophone), d’une petite poignée, se transforma en une colonie de dimensions considérables et cela, en grande partie grâce au mouvement de population provoqué par la politique migratoire de Catherine II, bien qu’à l’encontre des objectifs que visait le gouvernement. La communauté francophone de Moscou réussit à établir des relations avec de très larges couches de l’ancienne capitale et surtout avec l’aristocratie moscovite ; et puis grâce à l’organisation de la communauté autour du vice-consulat et de l’église catholique française de Moscou. C’est cette dernière particularité qui permettra à la communauté de se maintenir encore très longtemps en tant que groupe « éthnique ».
L’église catholique Saint-Louis-des-Français
La colonie avait son emblème, l’église catholique Saint-Louis-des-Français. L’église fut consacrée le 30 mars 1791 « en présence de la colonie française et avec la participation de la noblesse russe ».
Cependant, la nouvelle église ne pouvait pourvoir aux besoins de tous. La question de la « démarcation » entre les deux paroisses, la nouvelle église Saint-Louis et l’ancienne église des Saints-Apôtres-Pierre-et-Paul fondée sous Pierre le Grand, finit donc par se poser. Le débat occasionna de grandes pertes d’énergie de tous côtés. Au milieu de 1792, l’archevêque Sestrencewicz ordonna la séparation des deux paroisses catholiques de Moscou en une française et une allemande, c’est-à-dire une séparation basée strictement sur la nationalité. Dans l’ensemble, cela faisait le jeu des prêtres français :
– cela leur était favorable d’un point de vue matériel puisque la prospérité d’une église dépend naturellement du nombre de paroissiens et de leur aisance ;
– cela était très important pour les ecclésiastiques et les familles établis à Moscou qui étaient peu pressés de s’assimiler : la séparation de la paroisse permettait vraisemblablement de ralentir le processus inexorable de l’assimilation ;
– les avantages se présentaient sous d’autres aspects : par exemple, les prêtres français n’étaient pas obligés de prêcher en allemand s’il n’y avait pas d’Allemands dans l’église (pratiquement aucun membre du clergé français ne possédait d’autres langues vivantes en plus du français).
À peine engagé, l’âge d’or de la colonie française de Moscou faillit s’interrompre brutalement : la nouvelle de l’exécution de Louis XVI arriva en Russie au début de 1793. La cour prit le deuil et, selon certains témoins, Catherine II s’alita lorsqu’elle apprit la nouvelle. La colère de l’impératrice ne se fit pas attendre et éclata sur ceux qui, bien que peu impliqués dans ces événements, étaient plus accessibles et plus vulnérables que les « régicides ».
L'oukase du 8 février 1793 suspendit la validité de l’accord commercial passé entre la France et la Russie en 1786, interdit l’entrée des ports russes aux vaisseaux français, expulsa les diplomates français hors des frontières de l’empire et, dans ce qui était sans doute son article principal, obligea les Français à faire serment de fidélité à la royauté sous menace d’être expulsés de Russie. On prêtait serment à l’église, on embrassait la croix, aprés quoi on recevait une sorte de permis de séjour.
Un oukase impérial de 1793 vint ajouter un changement radical au statut de l’église Saint-Louis à qui il fut désormais interdit de s’appeler française. Son supérieur fut de fait subordonné à celui de l’église des Saints-Apôtres-Pierre-et-Paul. Ainsi, beaucoup de mesures furent-elles prises dans le but d’accélérer de gré ou de force le processus d’assimilation des Français et d’entraver la constitution d’une colonie organisée.
La décision de supprimer l’église Saint-Louis en tant qu’église française eut des conséquences graves et durables qui eurent pour résultat l’assimilation rapide de membres de la colonie. D’un côté, c’est la peur de payer plus ou moins cher les activités de leur compatriotes en France, le désir naturel de se protéger durablement, ainsi que leur famille, de possibles attaques dont la colonie pourrait à tout moment être la cible dans le cas d’événements en France peu souhaitables pour la couronne russe. De l’autre côté, ce sont bien sûr les contacts avec l’aristocratie russe qui ont influé sur le changement du précieux statu quo : le travail dans la famille d’un noble ou la protection d’une famille française par la famille d’un haut dignitaire.
Pourtant le combat d’une poignée de Français pour le droit d’avoir sa propre église se solda par une victoire, même tardive. On peut seulement regretter que cette victoire coïncidât avec la Guerre patriotique de 1812, ce qui, pour des raisons objectives, ne pouvait apporter à la colonie que des désagréments supplémentaires plutôt que des avantages. En 1835, l’église fut reconstruite. Le tsar Nicolas Ier accorda un prêt de 50 000 roubles, somme considérable. L’architecte Gilardi réalisa le projet que nous voyons encore aujourd’hui. Trois nefs, deux clochetons, et un beau portique de six colonnes.
Après la Révolution d’Octobre, la plupart des églises de Moscou sont fermées ou détruites. L’église de Saint-Louis-des-Français restera l’une des seules églises à Moscou à pouvoir exercer le culte sous les auspices d’un très encombrant voisin – la Tchéka (ancêtre du KGB). Néanmoins, depuis le départ de Monsieur Vidal en 1922, Saint-Louis n’avait plus de desservant régulier. Il n’y avait plus, pour assurer le culte catholique à Moscou, que deux prêtres.
Plusieurs fois, les soviets voulurent fermer Saint-Louis malgré le dévouement parfois héroïque des paroissiens. Après le décret sur la saisie des biens précieux en Russie pour secourir les affamés, en avril 1922, le métropolite Antonin ordonna qu’on enlève les vases sacrés de l’église de Saint-Louis. Cette ordonnance ne trouva pas d’écho chez les paroissiens qui réunirent l’argent nécessaire pour éviter le sacrilège.
L’église Saint-Louis-des-Français devient, dans les années vingt le foyer vivant de l’église de toute la Russie. Son curé aide les prêtres des paroisses et les administrateurs apostoliques qui exercent leur ministère dans des conditions difficiles, sans revues ni livres ni théologie. Après la vague de reconnaissances diplomatiques de 1924 et l’arrivée d’un curé français, Saint-Louis s’impose comme l’église du corps diplomatique. Lorsque le Père Neveu arrive à Moscou en 1924, Staline occupe le poste de secrétaire général du parti, et la politique religieuse est son domaine réservé.
L’église en Russie devient de plus en plus seule après l’accord passé entre les soviets et le métropolite Serge, le 29 juillet 1927. Elle ne peut compter que sur elle-même et rentre dans la clandestinité. De nombreux pères, des évêques sont secrètement consacrés en l’église de Saint-Louis lors des visites du Jésuite Michel d'Herbigny, évêque clandestinement envoyé par le pape Pie XI. La vie de Monseigneur Pie-Eugène Neveu, évêque de toutes les Russies, est un vrai calvaire. Il est constamment suivi. Bientôt tous les membres du clergé sont déportés, exilés ou fusillés. En même temps que la collectivisation se poursuit au prix de dix millions de victimes, la police participe à des rafles, à l’expropriation des dernières maisons et monte des procès truqués contre les prêtres catholiques.
Les grandes purges continuent à martyriser les prêtres. Après le départ en 1950 du père Jean de Matha Thomas, dernier curé de la période stalinienne, la charge de la paroisse fut prise par des prêtres soviétiques originaires des pays baltes, soumis à la surveillance du Conseil pour les affaires religieuses jusqu’en 1990. Depuis 1991, l’église est remise à la disposition de la paroisse française. L’église de Saint-Louis-des-Français est le symbole du catholicisme en Russie, de la liberté et de la tolérance religieuse.
Le Lycée Français de Moscou Alexandre-Dumas
Au centre de Moscou, juste à côté de la station du métro « Loubianka », dans la ruelle Milioutinsky, se trouve le Lycée français Alexandre-Dumas.
L’histoire du Lycée débute dans les années soixante du siècle dernier, quand la décision a été prise d’ouvrir une école pour les enfants des diplomates français, résidant à Moscou. À l’époque, l’école comptait très peu d’élèves. Progressivement, on a accepté d’accueillir outre les élèves ressortissant français, des enfants des pays africains, de la Suisse, de la Belgique. Plus tard, dans les années 1990, avec l’approfondissement des relations franco-russes, des enfants russes ont été admis au Lycée.
La maison de Corbusier ou Tsentrosoiouz
(1929-1936, le Corbusier avec le concours de Pierre Jeanneret et Nikolai Kolly ; 39, rue Miasnitskaya et 37, avenue de l’Académicien-Sakharov). L’unique édifice construit à Moscou par le célèbre architecte français se distingue par son ampleur et ses formes dépolluées. Le Corbusier rêve d’un ordre nouveau, né de l’automobile, de la mécanisation, de l’habitat collectif, normalisé, un monde où esthétique et technique sont liées, comme dans le paquebot. Très vite, il s’est campé dans la posture du guide inspiré par le modèle léniniste. Il n’a jamais été marxiste, mais il a aimé aveuglément cette idée si forte chez Lénine que pour construire un monde nouveau, il faudrait totalement raser l’ancien. Vers la fin des années vingt, il participe aux concours pour le Tsentrosoyouz-Bureau central des coopératives d’URSS de Moscou. Il réalise ce projet en 1930.
Le monument aux aviateurs du 18 régiment Normandie-Niémen
Se trouve dans le parc Lefortovo, sculpteur Andrei Kovaltchuk, architectes Mikhail Korsy, Alexei Tikhonov.
Le Président de la République française Nicolas Sarkozy et son homologue Vladimir Poutine, en présence du maire de Moscou Iouri Loujkov et de vétérans russes et français, ont inauguré le 10 octobre 2007 un monument à la mémoire de l'escadrille française Normandie-Niémen, qui a combattu les nazis aux côtés des Soviétiques pendant la Seconde Guerre mondiale.
C’est l’occasion de rendre un hommage appuyé aux soldats russes et français de ce régiment qui restera dans les mémoires comme le symbole de la fraternité d’armes franco-russe. Le monument témoigne de la grandeur de la relation entre nos deux peuples. Engagé sur le terrible front de l’Est à partir de 1943, le régiment Normandie-Niemen pris part à trois campagnes majeures contre les nazis. Quarante-deux aviateurs ont payé de leur vie leur engagement au service de la paix. 273 victoires confirmées et 36 probables ; 5 240 missions, 4 354 heures de vol de guerre. Ces chiffres résument le brillant palmarès du « Normandie Niémen » qui fait de ce Régiment l’unité française la plus titrée de tous les temps.
L’histoire du Régiment de Chasse « Normandie-Niémené » est l’une des plus exceptionnelles de l’histoire de l’aviation militaire française. Le « Normandie-Niémen » est passé de l’Histoire à la Légende.
En 1942, le Général de Gaulle décide de la création d’une unité française libre pour aller combattre sur le front de l’Est. Les 14 pilotes du groupe de chasse baptisés tout d’abord « Normandie » et leurs 30 mécaniciens arrivent en Russie. Pendant près de 3 ans les Français font preuve d’un courage et d’une abnégation exceptionnelle. Au total, 96 pilotes se porteront volontaires pour participer à la lutte contre l’envahisseur allemand. Lorsqu’en 1944 les pilotes prennent part au franchissement du fleuve Niémen le groupe prend son appellation de « Régiment Normandie-Niémen ».
Quatre pilotes seront élevés au titre de « Héros de l’Union Soviétique » et de nombreuses décorations seront remises aux membres du groupe. Le régiment, quant à lui, reçoit plusieurs distinctions françaises et soviétiques. Au n°29 du quai Kropotkinskaya se trouve la maison de la Mission militaire française qui était située là pendant la deuxième guerre mondiale. Une plaque inaugurée en mai 1956 commémore le souvenir des 42 combattants de l’escadrille qui n’ont jamais revu la terre natale.
Le cimetière Vvédenskoe
Le cimetière Vvédenskoe comporte un grand carré français. Là se trouvaient les tombeaux des pilotes de Normandie-Niemen Marcel Lefevre, Henry Foucaud, Georges Henri, Jules Joire, Maurice Bourdieu rapatriés en 1956.
Bruno de Faletans et son mécanicien Serge Astakhov sont toujours inhumés par ici. En 1964, on a déposé au cimetière les restes d’un pilote français inconnu.
Non loin de ces tombeaux on découvre le monument aux héros de la Grande Armée morts à Moscou en 1812 inauguré en 1889.
Le 11 novembre marque la fin de la Première Guerre mondiale, « la Der des Der ». Cette journée, dédiée au souvenir des soldats morts pour la France, est observée dans toutes les villes de France où il est procédé à des dépôts de gerbe devant les monuments aux morts. Le 11 novembre 2008, à l’occasion du 90ème anniversaire de l’Armistice de 1918, une cérémonie commémorative s’est tenue au carré français du cimetière de Vvedenskoe en présence d’un orchestre militaire russe, des représentants des forces armées des deux pays et de la communauté française.
Lorsque l'on veut nommer un lieu public, on s'interroge sur l'intention de cette attribution qui reflète plusieurs aspects : historique, civilisationnel, culturel, social, sociologique, politique et même géopolitique. Les relations russo-françaises sont en plein essor. Elles sont confortées par la communauté des positions sur les problèmes clés du développement européen et mondial. Les traditions séculaires d'amitié et de sympathie réciproque entre les peuples de Russie et de France constituent des perspectives prometteuses pour le développement du partenariat russo-français.
SOURCES:
- La toponymie urbaine, significations et enjeux – Sous la direction de Jean-Claude BOUVIER et Jean-Marie GUILLON – Umr Telemme, 2006.
- Dictionnaire des pays et provinces de France, Bénédicte FENIE, Jean-Jacques Fenie, Éditions Sud-Ouest, 2007.
- http://www.lexilogos.com/nouveau.htm
- http://www.cairn.info/revue-nouvelles-fondations-2006-3-page-272.htm
- Gaston BONHEUR, Charles de Gaulle. Biographie. Paris, N.R.F.Gallimard, 1958. 302 p.
- Georges COGNIOT, Victor Joannès, Maurice Thorez, l'homme, le militant, Paris, Éditions sociales, 1970.
- Jacqueline MER, Le Parti de Maurice Thorez ou le Bonheur communiste français, Paris, Payot, 1977.
- Stéphane Sirot, Maurice Thorez, Paris, Presses de Sciences Po, 2000, 302 p.
- Закон Москвы от 24.12.08 «О внесении изменения в статью 9 Закона города Москвы от 8 октября 1997 года №40-70 “О наименовании территориальных единиц, улиц и станций метрополитена города Москвы”».
- Vladislav RJÉOUTSKI, La colonie française et l’église catholique de Moscou à la fin du XVIIIe siècle. – Cahiers du monde russe 41/4, octobre-décembre 2000, p.615-628.
- Vladislav RJÉOUTSKI, La communauté francophone de Moscou sous le règne de Catherine II. – Revue des Études Slaves, Paris, LXVIII /4, 1996, p. 445-461.
- http://fr.wikipedia.org/wiki/Église_Saint-Louis-des-Français_de_Moscou
- Французские первопоселенцы в Москве и некоторые потомки: Сборник/Автор-составитель В. М. ЕГОРОВ-ФЕДОСОВ. – М.: Волслов, 2005.