Les Routes de l’Histoire

Jeanna AROUTIOUNOVA

Paul Chemetov

Paul Chemetov, un des architectes et urbanistes français les plus célèbres d’aujourd’hui, est né le 6 septembre 1928 à Paris de parents russes qui émigrèrent à la révolution de 1917. Son père était russe, ingénieur-chimiste de formation. En 1921, à la fin de la guerre civile en Russie, il a échoué avec le restant de la flotte impériale en Tunisie puis est arrivé clandestinement en France en 1924. Son diplôme n’ayant pas d’équivalence, il n’a pas pu exercer son métier. Il est devenu graphiste, ayant un don naturel pour cela.

Jusqu’à la guerre de 1939, les parents de Paul vivaient dans un milieu russe. Sa première langue, c’est le russe. On le parlait à la maison. Tous ses copains étaient russes, fils des amis de ses parents. La guerre a représenté une coupure ; à sa déclaration, son père a eu la prudence d’envoyer sa famille à Châteauroux. Le père d’un de ses camarades de lycée possédait une bibliothèque fabuleuse où le jeune Paul a découvert tous les livres de Le Corbusier. À la campagne à Châteauroux, il a pu s’immerger dans la culture française. Il lisait beaucoup. Le père interdisait que l’on aille au cinéma, donc il a passé les années de guerre à lire. En 1943, il est tombé sur un orienteur professionnel remarquable qui lui a fait passer des tests et a décrété qu’il devait être architecte ou graphiste. Son père étant graphiste, il a opté pour l’architecture.

Diplômé de l’École Supérieure des Beaux-Arts en 1959, il participe aux côtés de Jacques Allégret à la fondation de l’Atelier d’Urbanisme et d’Architecture (l’AUA), à laquelle André Malraux confie quelques programmes culturels en 1961. Depuis la fin des années 1960, il n’a cessé de publier des articles et de donner des conférences, dont les textes sont réunis pour la première fois dans son livre Paul Chemetov, un architecte dans le siècle.

À la fin des années 1970, Chemetov croit encore possible de modifier de l’intérieur la technostructure. Membre du comité directeur du Plan Construction puis vice-président de 1982 à 1987, il enseigne à l’École Nationale des Ponts et Chaussées jusqu’en 1989 avant de devenir professeur invité à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne en 1993.

Ses premiers travaux s’orientent alors vers la conception d’équipements et de logements sociaux pour des municipalités de la banlieue parisienne. En association avec Jean Deroche, il réalise des logements sociaux, des HLM (habitation à loyer modéré) à Vigneux (1960-1965) et un foyer pour personnes âgées à La Courneuve (1960-1965). Engagé politiquement, Paul Chemetov cherche avant tout à réconcilier le grand public avec la construction des grands ensembles. Pour le quartier d’habitations Arago-Zola-Pasteur de Saint-Ouen (1972-1986), il développe ainsi une architecture de style brutaliste qui souligne les différentes phases de montage et d’assemblage du projet afin d’intégrer les bâtiments dans un processus temporel.

À partir du milieu des années 1970, Paul Chemetov est appelé à dessiner des bâtiments publics de grande envergure. Il réalise la patinoire de Saint-Ouen (1971-1979), puis les aménagements souterrains du quartier des Halles de Paris et des jardins (1980-1985).

En 1982, il remporte avec Borja Huidobro le concours pour le ministère des Finances à Paris. Achevé en 1989, cet édifice monumental symbolise par son architecture, qui s’étire jusqu’à la Seine et enjambe les voies de circulation du quai, la puissance de cette administration. Depuis le début des années 1990, Chemetov poursuit sa carrière à vocation publique et signe en 1994 l’aménagement de la grande galerie du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris, puis la construction de la médiathèque d’Évreux (1995). En 1992, il se consacre à l'aménagement du tramway de Bobigny à Saint-Denis. Expert auprès du ministère de l’Emploi et du salon des Solidarités de 1997 à 1998, il prend dès lors une importance indéniable dans le débat sur la question urbaine. En 1998, il s'associe à Borja Huidobro avec qui il crée l'atelier C+H+. C'est le début d'une collaboration fructueuse que viennent attester la réhabilitation de la tour de l’Illustration à Bobigny, ou la conception de la bibliothèque municipale de Montpellier, puis du palais omnisports Les Arènes à Metz en 2001.

Depuis 2001, Paul Chemetov a repris son autonomie d’action et n’hésite pas à prendre publiquement la parole dans les nombreux débats qui touchent l’architecture et l’aménagement du territoire. Dès novembre 1999, il propose de faire planter des milliers d’arbres – 10 000 au total – tout au long du méridien de Paris entre Dunkerque et Barcelone. Ce monument végétal conçu par l’architecte pour célébrer le troisième millénaire, appelé plus tard la « Méridienne verte » symbolisait le lien entre les hommes du Nord et du Sud qui a trouvé son point d’orgue avec la fête du 14 juillet.

Chemetov a également réalisé l’ambassade de France à New Delhi, de beaux locaux industriels boulevard Victor à Paris, le Palais de Justice de Fort-de-France, le Théâtre d'Hammamet en Tunisie.

Paul Chemetov est le père de l'architecte-paysagiste Alexandre Chemetoff (Grand Prix de l’urbanisme en 2000).

À la fois officier de l'Ordre de la Légion d’honneur, des Arts et des Lettres et de l'Ordre national du Mérite, Paul Chemetov se voit en outre attribuer en 1980 le Grand Prix National d'Architecture.