Arts et culture
Le Ballet de l’Opéra National de Lyon en Russie
À l’égal des pièces de Corneille, de Racine ou de Molière pour le théâtre classique, Giselle est la référence du ballet romantique. Créé en 1841 à l'Opéra de Paris, sur la musique d’Adolphe Adam, Giselle est le chef-d’œuvre du ballet romantique, passant du réalisme au fantastique : un amour trahi dans ce monde réel trouve sa rédemption dans l’au-delà de la mort. Très beau, ce ballet réunit tous les éléments du nouveau courant esthétique et philosophique qui parcourt la première moitié du XIXe siècle : le rêve et le fantastique ont alors envahi la littérature, le théâtre, l'opéra et la danse pour s'opposer au monde réel, trop matérialiste. C'est une histoire d'amour et de mort, forte, symbolique, pleine de magie.
Giselle, une jeune paysanne, une créature passionnée et touchante, tombe amoureuse d’un beau jeune seigneur, venu de la ville passer un bon moment avec ses copains. Celui-ci la séduit facilement non pas par méchanceté mais plutôt par légèreté et irresponsabilité. Il cache de la pauvre fille le fait d’être fiancé et oublie de dire que toute sa famille (sa fiancée y compris) arrive bientôt pour les préparatifs nuptiaux.
Giselle apprend le mensonge dont elle a été objet, le jour même de l’arrivée de la fiancée de son prince. Elle ne peut pas supporter la honte, le désespoir, la détresse, la déception, le déshonneur enfin, perd la raison et meurt de douleur sur les bras de sa mère. La scène de la folie de Giselle est la plus forte, la plus déchirante du ballet d’Adolphe Adam, sur le plan musical autant que sur le plan chorégraphique. Mais revenons au sujet. Il compte beaucoup pour le spectacle classique, étant donné que le livret est écrit par Théophile Gautier1.
Le jeune seigneur se sent coupable de la mort de la jeune fille et n’arrive pas à oublier sa Giselle, qui l’aimait tant. Hanté par ses souvenirs et obsédé par les remords, il finit par venir une nuit au cimetière pour déposer des fleurs sur la tombe de la pauvre fille. Il ne peut pas savoir que la Mort n’existe pas et que Giselle est devenue un esprit surnaturel hantant l'au-delà. Le prince devrait mourir à son tour, tué par des Willis, âmes de jeunes filles mortes d’amour. Mais Giselle qui lui pardonnera le mensonge et la trahison, le défendra et lui sauvera la vie. La chorégraphie traditionnelle de Giselle a encore cela d'étonnant qu'elle sait traduire par la danse les mouvements psychologiques des personnages, comme si le sentiment intérieur conduisait les pas.
Le Suédois Mats Ek, a eu l’audace de « relire » le ballet classique, ce qui arrive souvent de nos jours. Dans sa « relecture » de Giselle il essaie de pousser au comble le sujet mythique du livret du romantique Théophile Gautier. Gardant le « scénario » d'origine et la musique d'Adolphe Adam, Mats Ek accentue à sa façon le tragique de la situation, la douleur de l’héroïne. « Sa » Giselle perd la raison, mais n'en meurt pas ! Elle finira dans un asile psychiatrique. Le deuxième acte, dit « acte blanc », au lieu de se dérouler dans une forêt ensorcelée où évoluent des créatures mythiques, a pour cadre l’asile psychiatrique où est enfermée Giselle qui est devenue carrément folle. Le spectateur stupéfié voit que les voiles des Willis font place aux blouses d'infirmières et aux camisoles de force. Un choc garanti pour les initiés. Le garde-chasse et l’ami d’enfance Hilarion, n'abandonnant pas Giselle, essaiera de la ramener à la réalité. En vain ! L'esprit de la jeune femme a quitté définitivement ce monde. Quant au jeune prince-séducteur, il se sent très attiré par cette créature « différente » de son entourage frivole, et viendra retrouver Giselle à l'hôpital. L'amour de Giselle lui aura fait découvrir la vanité des choses et la vérité du cœur.
L’adaptation contemporaine de Mats Ek est entrée en mars 2009 au répertoire du Ballet de l’Opéra de Lyon.
Selon la presse, le Ballet de Lyon interprète superbement le ballet du chorégraphe suédois, s’adaptant parfaitement bien à l’expressivité de Mats Ek, à son style puissant, à son type d’énergie.
Les amateurs russes du ballet auront cette chance inouïe de recevoir le Ballet de Lyon en tournée, et Giselle en particulier. Chorégraphiée par Mats Ek, le ballet est considéré dans la presse française comme un chef-d’œuvre qui restera l’un des plus beaux ballets du XXe siècle. Un moment inoubliable, sans aucun doute. Un bémol cependant. Ceux qui aiment la version classique de ce ballet immortel peuvent être déçus par cette nouvelle « lecture ».
A. CH.
SOURCES :
1 Un poète, romancier, peintre et critique d'art français (1811-1872).