Les Routes de l’Histoire
Un lieu de mémoire
Entrée d’Oradour-sur-Glane avec le panneau « silence » en respect des victimes
Photo par Dennis Nilsson.
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C’était le jour de marché, ce samedi 10 juin 1944 à Oradour-sur-Glane, quatre jours après le débarquement allié en Normandie. En début d’après-midi, le bourg du Limousin se retrouve encerclé par des troupes allemandes remontant de Toulouse vers le front. Au son du tambour, la population est convoquée sur le champ de foire, pendant que les SS fouillent les maisons à la recherche d’armes. En moins d’une heure, les habitants sont rassemblés, puis séparés, hommes d’un côté, femmes et enfants de l’autre. Les hommes seront fusillés dans les granges. Femmes et enfants mourront étouffés par un gaz asphyxiant, mitraillés dans l’église.
642 personnes d’Oradour-sur-Glane, dont 207 enfants et 245 femmes ont été exterminés. Oradour n’est plus depuis qu’une cité des morts. Ce village-martyr a été conservé dans les ruines et il abrite depuis 1999 un centre de la mémoire dédié aux victimes de la furie nazie.
Jean Tardieu
Oradour
Oradour n'a plus de femmes,
Oradour n'a plus un homme,
Oradour n'a plus de feuilles,
Oradour n'a plus de pierres,
Oradour n'a plus d'église,
Oradour n'a plus d'enfants.
Plus de fumée, plus de rires,
Plus de toits, plus de greniers,
Plus de meules, plus d'amour,
Plus de vin, plus de chansons.
Oradour, j'ai peur d'entendre,
Oradour je n'ose pas
Approcher de tes blessures,
De ton sang, de tes ruines,
Je ne peux pas
Voir ni entendre ton nom.
Oradour, je crie et hurle
Chaque fois qu'un cœur éclate
Sous les coups des assassins.
Une tête épouvantée,
Deux yeux larges, deux yeux rouges,
Deux yeux graves, deux yeux grands
Comme la nuit et la folie ;
Deux yeux de petit enfant :
Ils ne me quitteront pas.
Oradour, je n'ose plus
Lire ou prononcer ton nom.
Oradour n'est plus qu'un cri
Et c'est bien la pire offense
Au village qui vivait
Et c'est bien la pire honte
Que de n'être plus qu'un cri.
Nom de la haine des hommes,
Nom de la honte des hommes,
Le nom de notre vengeance
Qu'à travers toutes nos terres
On écoute en frissonnant,
Une bouche sans personne
Qui hurle pour tous les temps.
(Le Patriote de Saint-Étienne,
5-6 novembre 1944)