Univers du français
Jean-Pierre LENÔTRE
France : un siècle et demi de radio
Au début, il y a quelque 150 ans, ce furent des ti-ti-ta-ti-ti, c’est-à-dire des messages en morse, qu’on s’échangea. On en envoya même, à Paris en 1898, du sommet de la tour Eiffel jusqu’au Panthéon. C’est-à-dire pas bien loin.
Par la suite, ce furent des émissions, de véritables émissions de radio, presque comme on en connaît maintenant, que reçurent des récepteurs de radio, baptisés au fil des décennies : postes de TSF, postes de radio, tout simplement, transistors, tuners ou autoradios. Ces récepteurs qui ont envahi notre vie quotidienne jusqu’à devenir des accessoires d’une grande banalité, qu’on allume le matin au réveil – quand ils ne sont pas utilisés pour nous tirer du sommeil, et qu’on éteint le soir avant de s’endormir.
Les années héroïques
Pour passer du télégraphe, objet des premières découvertes, à la radiodiffusion, il fallut une soixantaine d’années, l’obstination et le génie de scientifiques tels l’Américain Thomas Edison, l’Autrichien Nikola Tesla, le Français Edouard Branly et le Russe Alexandre Popov, de Saint-Pétersbourg, qui découvrit le principe de l’antenne, pour n’en citer que quelques-uns, qui permirent au procédé de passer de l’expérimentation de laboratoire à sa mise en œuvre sur des distances de plus en plus grandes.
Mais il ne s’agissait encore que de télégraphie. Il fallut attendre la nuit de Noël 1906 et l’Américain Réginald Fessenden, pour qu’ait lieu, aux États-Unis, la première transmission de la voix.
Les premières expérimentations
Dans les années 1920, commença la diffusion de programmes expérimentaux en Angleterre, aux États-Unis, en URSS et, en décembre 1921, en France. Radio Tour Eiffel diffusa un programme qui dura une demi-heure, avec une revue de presse, un bulletin météo et un morceau de musique au violon.
En France, en 1923, Radiola diffusa le premier journal parlé du pays.
En 1923, une loi établit le monopole de l’État sur l’émission et la réception radiophonique. La possession de postes de radio devint autorisée, à condition toutefois d’en faire la déclaration. Cette loi admettait tout de même une certaine liberté, notamment en ce qui concernait la création de stations privées.
En 1933, une loi mit en place une redevance sur l’utilisation du matériel radiophonique, notamment sur les postes récepteurs.
Les années de monopole
En 1945, une ordonnance fut promulguée, qui mit fin à l’émission des stations privées, et la Radiodiffusion française (RDF) fut mise en place pour assurer ce monopole absolu. Elle deviendra plus tard, avec le développement de la télévision, la Radiodiffusion – Télévision française (RTF), puis l’Office de la radiodiffusion-télévision française (ORTF) en 1964.
Les années ORTF
Placée sous le contrôle de l’État, la radio, puis la télévision qui commençait à émettre, devint la « voix de la France ». Une voix officielle et très surveillée.
La révolution de la FM
Jusqu’alors, la radio émettait en petites ou grandes ondes. La réception était médiocre, quand elle n’était pas détestable. Ce fut en 1954 que la Modulation de Fréquence (FM) fit son apparition. La qualité sonore était au rendez-vous, mais il fallut implanter un grand nombre de nouveaux émetteurs à travers le pays, et les auditeurs furent contraints d’acheter de nouveaux postes récepteurs adaptés à cette technique.
La montée des radios périphériques
À côté des radios du service publique, jugées « trop officielles et compassées », deux radios dites « périphériques » car utilisant des émetteurs situés à la lisière du territoire français, à cause du monopole, tentent de s’imposer par leur programmes et leur ton nouveau. Ce sont Europe N°1 et Radio Luxembourg (la future RTL). La première s’imposera auprès des jeunes actifs et des adolescents. Surtout avec son émission « Salut les copains », emblématique des années 60 en France. La seconde auprès des femmes à la maison et d’un public plus âgé.
L’arrivée des transistors
Avec le remplacement des grosses lampes, qui constituaient le cœur des postes de radio des décennies précédentes, par des transistors, les appareils de réception se transforment. Aux meubles volumineux reliés obligatoirement à une prise de courant, succèdent alors des « transistors », bon marché, alimentés par des piles et que leur taille réduite permet de transporter dans la poche. Les adolescents s’en emparent. Ils peuvent désormais écouter leurs programmes sur les plages ou dans leur chambre.
Les premières radios libres
Il suffisait d’une antenne sur le toit, d’un émetteur peu puissant et d’un équipement rudimentaire pour créer une radio libre ou pirate. C’était d’une parfaite illégalité, mais de nombreux aventuriers se lancèrent dans l’aventure. Les émissions duraient une journée, une semaine, rarement plus car la police avait vite fait d’envahir les locaux, de confisquer les équipements et de traduire les contrevenants en justice. Les amendes suivaient le plus souvent. La Gauche s’empare du dossier et promet une « libéralisation des ondes » si elle parvient au pouvoir.
1981 ou la fin du monopole
C’était un des engagements de la Gauche. Parvenue au pouvoir, elle fait voter par le Parlement une loi qui transforme les radios pirates en radios locales privées.
L’essor des radios libres
La radio était libre ! Le monopole avait disparu. Nombreux furent ceux – associations, villes, quartiers, entrepreneurs aussi audacieux qu’impécunieux, qui tentèrent l’aventure. Financièrement, ce n’était pas bien coûteux : un équipement d’occasion, quelques disques et un petit groupe de copains mal ou pas payés suffisaient. Des milliers de stations de radio apparaissent sur le territoire français.
La fin de l’illusion
Trente années plus tard, que reste-t-il de l’illusion libertaire des années 80 ? Un nombre considérable de radios associatives ont disparu faute d’auditeurs et surtout d’argent local, régional ou national. Quant aux autres, elles se sont, pour certaines, converties à l’économie de marché et tentent de subsister en solitaires, et pour d’autres regroupées sous la protection de financiers avisés. Des groupes puissants tels NRJ, Fun radio, Chérie FM ou Energie se sont créés, ont été introduits en Bourse et tentent maintenant de concurrencer les grandes radios et les télévisions traditionnelles en se lançant dans l’aventure de la Télévision numérique terrestre (TNT).
Podcasts et radios numériques
Il suffit d’un ordinateur. Qui n’en a pas ? De connaissances pratiques limitées et le tour est joué. En programmant sur son ordinateur l’heure des émissions de radio (ou de télévision) impossibles à écouter à cause de leur horaire de diffusion, celles-ci sont téléchargées automatiquement sous forme de fichier MP3. Et conservées ou transmises à d’autres selon le besoin. Toutes les radios françaises proposent désormais ce service sur leur site.
Les possesseurs d’ordinateurs le savent, il est possible de recevoir, grâce à Internet, un grand nombre de radios spécialement conçues pour la toile. C’est ainsi que naquit l’idée d’adapter le paysage radiophonique français à la diffusion par Internet. Un rapport récent le dit clairement : c’est trop cher et trop tard.
Reste la radio, qui malgré les progrès foudroyants de la technique, est le média le plus utilisé des Français à toute heure de la journée.
Quelques pistes pour écouter les radios françaises grâce à Internet