Arts et culture
Olga VYLEKJANINA
Émile Zola et sa « cabane à lapin »
Photo : Olga Vylekjanina
Le nom d'Émile Zola est très connu, on sait très bien que c’est un écrivain français, on a lu ses œuvres. Mes impressions de ses romans étaient contradictoires, j’ai adoré L’Œuvre mais Germinal m'a paru trop ennuyeux, Nana m’a agacée. J’ai lu encore quelques romans, pas d’image complet ! Je ne pouvais pas répondre à la question si j’aimais Émile Zola ! J’ai pu le faire l’année dernière quand j’ai eu l’occasion de visiter sa maison à Médan, sa « cabane à lapin » comme il l’a appelée.
C’est un musée charmant qui est situé à l’endroit pittoresque : la Seine passe tout près du jardin que la ligne de fer sépare du bord. Pas de bruit, pas de foules de touristes. La maison est très belle à l’extérieur et très intéressante à l’intérieur. Le décor typique de la fin du XIXe siècle, le mobilier, les objets personnels et de nombreux documents permettent d’évoquer la vie de l’écrivain et son temps. On organise des visites guidées par un conférencier du musée. Je vous conseille de profiter de cette occasion. On vous raconte en détail la biographie de l’écrivain, l’histoire de la création de ses œuvres, les faits intéressants sur sa vie privée et ses amours. Après cette visite j’ai pu m’approcher un peu de Zola, j’ai pu mieux comprendre sa manière de vivre, ses sentiments et bien sûr ses romans.
Émile Zola a vécu une vie très intéressante et très difficile en même temps. Il naît en 1840 à Paris. Son père, d’origine italienne, est ingénieur, il réalise de grands travaux de canalisation dans la région d’Aix-en-Provence où la famille déménage. Quatre ans plus tard, le père de Zola meurt. A l’âge de 7 ans Zola reste avec sa mère, une femme forte et très autoritaire. Elle a de longs procès judiciaires et se ruine lentement. Zola ne fait absolument rien – ni devoirs, ni leçons. Comme il écrit : « Très retardé dans mes études, je n’ai su lire qu’à 8 ans ». Il passe 15 ans dans la région d’Aix, à ce temps il fait connaissance avec Paul Cézanne qui devient son ami.
En 1857, sa mère vient à Paris pour suivre un procès, mais elle est déjà complètement ruinée. Zola s’installe à Paris, c’est une période de grande misère. Des jours sans repas mais il n’est pas malheureux, des promenades sans fin dans Paris, le long des quais surtout, la vie de bohème, les écrivains, les amis-impressionnistes. Il entre à la librairie Hachette, d’abord comme employé, pour devenir chef de la publicité 2 ans plus tard. Zola écrit que c’est là qu’il a connu presque tout le journalisme et toute la littérature. Il quitte Hachette pour se lancer dans le journalisme et pour écrire ses romans. Il a déjà Contes à Ninon, La Confession de Claude, Les Mystères de Marseille et Thérèse Raquin. C’est en 1868 qu’il a conçu Les Rougon-Macquart, histoire naturaliste, sur le point de vue social, d’une famille sous le Second Empire. En 1870, Zola épouse Alexandrine Melay, sa compagne depuis 5 ans. C’est une fille sérieuse et ambitieuse, même la mère de Zola approuve leur mariage.
Émile Zola
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En 1871, il débute son cycle des Rougon-Macquart mais le premier succès arrive avec L’Assommoir 6 ans plus tard. Cela permet à Zola d’acheter une petite maison à Médan. Dans la lettre à Flaubert il écrit : « J’ai acheté une maison, une cabane à lapin, entre Poissy et Triel, dans un trou charmant au bord de la Seine. La littérature a payé ce modeste asile champêtre qui a le mérite d’être loin de toute station et de ne pas compter un seul bourgeois dans mon voisinage ». Zola vit ici 24 ans, ses plus grandes œuvres voient le jour dans son grand cabinet de travail. Zola avoue : « Si je n’écrivais pas mes livres, j’aimerais être un petit propriétaire quelque part dans un village et respirer librement le grand air ». Sûrement il a le talent de fermier. En 3 ans, il va travailler à ce vaste domaine où il mènera une vie idéale, avec son potager, sa ferme, ses serres. Il habite avec sa femme, sa mère, 2 chiens et un chat. Il sort le moins possible. Il s’éloigne de tout pour travailler le plus tranquillement possible. Ses heures sont fixées : le matin, il se ferme dans son cabinet pour écrire. Zola avoue : « Je suis très nerveux, le travail prolongé m’irrite et me tue. Parfois, je suis obligé de m’arrêter quelques semaines parce que mon cœur commence à battre de manière effrayante ». Pour l’éviter Zola a son assistant qui accumule l’information nécessaire dans les bibliothèques, qui fait tout le travail préparatoire.
Après le déjeuner, c’est le temps de relaxation. Les promenades avec sa famille, les discussion avec les amis. Si Zola aime la solitude, c’est plutôt pour être libre de travailler mais non pas pour éloigner ces amis. Dès le premier jour, les portes de « sa cabane » sont ouvertes aux amis : Flaubert, Goncourt, Daudet, Huysmans, Cézanne, Manet, Pissarro. Zola élève 2 tours dans la maison qui portent les noms de ses romans, pour son éditeur, Georges Charpentier, et ses nombreuses hôtes, il construit, en annexe, le « Pavillon Charpentier ». La vie à Médan est confortable, gaie. Madame Zola est une maîtresse de maison, le soir elle joue avec le mari au dominos. Mais sont-ils heureux ensemble, comme les époux ? Apparemment non. Ils n’ont pas d’enfants, ils sont plutôt amis. En 1888, Zola débute une liaison avec l’ancienne lingère de sa femme – Jeanne Rozerot. L’année suivante, c’est la naissance de sa fille Denise, en 1889, il devient à nouveau le père d’un petit garçon – Jacques. Alexandrine est au courant de la deuxième famille de son mari, elle souffre mais ne rompt pas leurs relations, elle ne peut pas donner les enfants à Zola, alors elle accepte les enfants naturels de son mari, à la fin elle les adopte !
Zola et sa famille
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En 1897, c’est une nouvelle période dans la vie de Zola, une période très important – l’affaire de Dreyfus. Au mois de novembre, Bernard Lazare, un des rédacteurs du journal L’Aurore se rend chez Émile Zola afin de lui exposer les faits réels de cette affaire. C’était une affaire compliquée qui divise la France en 2 parties. Alfred Dreyfus est accusé de l’espionnage suite à l’interception du bordereau. Il est arrêté, le procès débute devant le conseil de guerre à huis clos. Malgré les preuves insuffisantes et grâce aux documents faux, le capitaine Dreyfus est condamné à la déportation à vie, il est dégradé publiquement et transféré sur l’île du Diable. Cela a provoqué des mécontentements dans la société, on dit que le capitaine est devenu la victime de l’erreur judiciaire. Un an plus tard, le commandant Picquart, nouveau chef du Service des renseignements, commence à soupçonner le commandant Esterhazy être le véritable auteur du bordereau. Picquart fait part de ses soupçons à ses supérieurs qui lui recommandent d'être prudent et finissent par l’éloigner de Paris. Mais il a la possibilité d'exprimer ses soupçons à ses amis. La défense de Dreyfus commence. En décembre 1997, Zola entre dans cette campagne et écrit son premier article en faveur de Dreyfus. Le 13 janvier 1898, c’est un vrai scandale – il publie une lettre ouverte au Président de la République, J’accuse, où il affirme que le bordereau est falsifié par Esterhazy. La lettre fait un grand bruit en France. On débute le procès de Zola qui finit par sa condamnation. Pour échapper le prison il est obligé de quitter la France pour l’Angleterre. En octobre on commence la révision de l’affaire de Dreyfus, on le déclare de nouveau coupable mais on lui accorde des « circonstances atténuantes ». Dix jour plus tard, le Président de la République accorde une grâce à Dreyfus. En 1899, Zola rentre en France. Dreyfus est réintégré dans l’armée française et fait le chevalier de la Légion d’honneur. Mais Émile Zola ne peut pas partager cette victoire complète. En 1902, il est retrouvé sans vie dans son appartement parisien suite à une asphyxie due au mauvais tirage de la cheminée. On ne sait pas encore si c’était un accident ou un acte intentionnel. La mort mystérieuse ! En 1908, les cendres de Zola sont transférés au Panthéon.
A Médan, on voit la vie de Zola – écrivain dans son cabinet, sa vie familiale dans le salon, sa vie avec des amis dans le jardin, sa vie sociale dans les chambres consacrées à l’affaire de Dreyfus. On a le projet d’ouvrir ici le musée de Dreyfus. On trouvera le bordereau, des journaux illustrés, la correspondance de Zola, les témoignages venus du monde entier adressés à la famille Dreyfus, des caricatures, des dessins, des tableaux et des photographies qui permettent de suivre et de comprendre les bouleversements qui ont agité la France et ont remué le monde.
Alors on aura un prétexte supplémentaire pour revenir à Médan chez Émile Zola !