Mon amie la langue française
Maria PANINA
S’enivrer de français
Photo : G. TCHESNOVITSKAYA
« Il faut être toujours ivre (…) pour ne pas sentir l’horrible fardeau du temps », écrivait Charles Baudelaire. « De quoi ? », demanderez-vous. Ce grand poète français proposait plusieurs options, y compris « de vin, de poésie ou de vertu ».
Mais la plupart des participants au XIXe séminaire national « La France, la Francophonie et la Russophonie aujourd’hui » auraient répondu « de belle langue française ».
Tenu traditionnellement fin janvier, le séminaire a réuni cette année près de 200 professeurs russes de français et 33 intervenants issus de France, Suisse, Belgique, Danemark et États-Unis, en leur offrant une possibilité merveilleuse de « s’enivrer sans trêve » de français.
Ainsi, du matin jusqu’au soir, on étudiait les règles de la nouvelle orthographe française avec Christiane Buisseret, en poussant de temps en temps des cris de surprise profonde, mais sans oser « argüer ».
On travaillait comme un bœuf (beaucoup et sans manifester de fatigue) pour apprendre les locutions animalières de français avec Florence Sorkine.
On s’étonnait des dimensions de la Constitution européenne, qui pouvait se mettre facilement dans la poche, avec Bruno Baron-Renault, et ne faisait pas de « buzz » (bruit), en découvrant « Ces mots qui disent l’actu » avec Jean-Pierre Lenôtre.
On trouvait des points communs dans les contes de Perrault et de Pouchkine avec Jacques Léfebvre et prenait d’assaut les manuels scolaires avec Francis Jusseret.
On se faisait l’image de la chanson contemporaine française avec Tatiana Bésory avant d’aller pratiquer le chant à haute voix avec Gudmund Bager.
On abrégeait les mots avec Michèle Lenoble-Pinson et découvrait l’importance du français sur objectifs universitaires, visant à faciliter l’adaptation linguistique et culturelle des étudiants étrangers souhaitant faire leurs études en France, avec Jacky Cailler.
Et, bien sûr, on apprenait à s’ouvrir au dialogue, affronter les défis de la communication et parler tout le temps français sans avoir peur de faire des fautes de grammaire et de prononciation.
« C’est merveilleux, cette expérience, comme si je m’étais rendue en France. Le stage à Ivanteyevka, c’est mon billet de loterie gagnant », s’exclame Larissa Deniskina, professeur à l’Université pédagogique de Lipetsk, qui a participé pour la première fois au séminaire.
En dépit du programme assez chargé, on réussissait à trouver du temps pour s’adonner à sa passion de faire du théâtre en français et préparer un petit concert couronnant toujours la cérémonie de clôture.
Cette fois, on a ému le public avec le meilleur anthropophage du monde interprété par Black Casey, les pirates les plus pittoresques à la recherche des trésors, des chansons lyriques et des danses ardentes, et une belle équipe d’oiseaux lumineux qui ont offert leur cœur sans frontières aux spectateurs.
Fruit des efforts titaniques et d’une énergie incroyable de Jeanna Aroutiounova, présidente de l’Association des enseignants de français en Russie, le séminaire a rappelé une fois de plus qu’il était « l’heure de s’enivrer » : de vin, de poésie, de vertu et de français !