Mon amie la langue française
Colette WEIBEL
Ivan Tourgueniev et la France
Ilya REPINE, portrait de l'écrivain Ivan Tourgueniev
Sur la rive pentue d’un fleuve, une petite route monte en serpentant à travers un beau parc, passe devant une demeure de style classique et atteint dissimulée au milieu des sapins un chalet. Ce fleuve c’est la Seine, la demeure blanche ce sont « Les Frênes », propriété de la famille Viardot et le chalet, c’est la datcha d’Ivan Tourgueniev.
C’est dans ce petit bout de Russie en France, près de Paris, que Tourgueniev vécut de manière intermittente à partir de 1875 et c’est là qu’il mourut entouré de l’affection des Viardot en septembre 1883. Ce lieu est unique, car c’est la seule maison conservée d’un écrivain russe hors de Russie.
Tourgueniev a vécu 40 ans de sa vie dans la proximité de la famille Viardot, en fait de Pauline Viardot le grand amour de sa vie, tout en étant toujours très ami avec Louis Viardot le mari de la cantatrice. C’est à Saint-Petersbourg en 1843 qu’il l’entend chanter pour la première fois dans le rôle de Rosine du Barbier de Séville. Il s’éprend d’elle tout de suite, lui rend visite tous les jours. C’est pour la suivre à Paris, à Londres, à Baden-Baden… qu’il quitte en 1845 son emploi de fonctionnaire au ministère de l’Intérieur.
Franz Xaver WINTERHALTER, portrait de Pauline Viardot
Pauline Viardot est la fille d’un ténor Manuel Garcia et d’une soprano. Elle est la sœur cadette de Maria Garcia célèbre cantatrice, la Malibran. Bien qu’elle fut très douée pour le piano (Franz List fut son professeur), sa mère décida après la mort prématurée de sa sœur qu’elle serait également cantatrice. Alfred de Musset, amoureux d’elle, l’introduisit dans les salons parisiens. Elle y rencontre George Sand qui la prit pour modèle de son roman Consuelo et dit-on, arrangea son mariage avec Louis Viardot de 20 ans son aîné. Lorsque Tourgueniev la rencontre à Saint-Pétersbourg, elle est déjà au faîte de sa carrière. Lui a 25 ans, elle 22. Elle triomphe dans toutes les capitales européennes en interprétant Mozart, Rossini, Donizetti, Bellini… Elle est célèbre pour l’étendue unique de sa voix et la maîtrise de sa technique. Tourgueniev rencontrera chez les Viardot tous les grands musiciens de l’époque : Chopin, Gounod, Berlioz, Franck, Massenet, Fauré, Bizet. Il traduit pour Pauline des romances russes et l’aide à les apprendre.
Au fil des années cette passion va se muer en grande affection car il y a aussi l’ami Viardot. Louis Viardot est hispaniste, historien d’art. Il fréquente les meilleurs peintres de l’époque : Delacroix, Corot, Doré… qu’il présente à Tourgueniev. Fin lettré, il connaît bien le russe. Il diffuse l’œuvre de Tourgueniev en France et aidé de celui-ci, il traduit des romans russes dont Eugène Onéguine de Pouchkine. Il lui fait connaître l’historien Michelet, pour qui il traduit des documents sur l’histoire de la Russie. Mais ce qui les unit encore plus, c’est cette passion pour la chasse. Ils vont régulièrement chasser ensemble à Rougemont chez la fille illégitime de Tourgueniev, Paulinette fruit de ses amours avec une lingère de sa mère. Elle fut élevée en partie par Pauline Viardot. Il suit le couple dans toutes leurs résidences et même à Baden-Baden où Louis, républicain, se voit contraint à l’exil avec sa famille – les Viardot ont trois filles et un fils – de 1863 à 1870. Partout, où ils se trouvent, ils tiennent un salon fréquenté par les meilleurs artistes de l’époque. Ce milieu lettré et libéral convient parfaitement à Tourgueniev et lui procurera une certaine sérénité créatrice.
Le parc à Bougival
Pendant la période de Bougival, Tourgueniev passe environ neuf mois de l’année entre la datcha et la rue de Douai à Paris, où il a un appartement près des Viardot, et trois mois en Russie.
Entrons dans la datcha et allons directement dans la seconde pièce du rez-de-chaussée. Le piano à queue de Tourgueniev y trône. Il aurait été touché par Liszt et bien d’autres. Cette pièce fut le salon de musique de la datcha et nous permet d’évoquer les soirées musicales et surtout la famille Garcia présentée au moyen d’une riche iconographie. L’évocation la plus émouvante est celle de la sœur de Pauline, la Malibran, cantatrice morte à 28 ans. On dit qu’elle pleurait en chantant. Tourgueniev ne l’a pas connue. Cette pièce témoigne également des amitiés musicales et littéraires de l’écrivain à travers toute l’Europe à travers une exposition permanente de manuscrits et de livres intitulée Tourgueniev et l’Europe.
Revenons sur nos pas. La première salle du rez-de-chaussée, ancienne salle à manger, présente la vie de l’écrivain en Russie et ses relations avec des personnalités russes. Et c’est là que nous approchons au plus près de la personnalité publique de Tourgueniev et de ses idées.
La maison de la famille Viardot
On découvre ses liens avec ceux qui furent ses maîtres : Pouchkine, Lermontov, Gogol. Tourgueniev est issu par sa mère de la vieille noblesse russe. Elle possédait 10 villages et 5 000 âmes à Spasskoie à 300 km de Moscou. Il fit des études de lettres et de philosophie à Moscou, Saint-Pétersbourg et Berlin. L’influence de Pouchkine fut essentielle sur la formation du jeune esprit qui se mit très tôt à écrire de la poésie. Agé de 19 ans, il croisa Pouchkine à deux reprises en 1837. Il assiste à la première de la pièce de Nicolaï Gogol Le Révizor en 1836 et le rencontre deux fois à Moscou en 1841. Ce dernier va jouer un grand rôle dans la formation de Tourgueniev écrivain et dans ses déboires avec le pouvoir russe. En 1852, à sa mort, Tourgueniev écrivit un article jugé subversif par la censure et qui lui valut d’être emprisonné un mois, puis condamné à l’exil sur ses propres terres jusqu’en 1857.
La Datcha de I. Tourgueniev
Dans cette même salle sont évoqués ses liens avec des hommes politiques, comme le socialiste utopique Herzen (au mur est accroché son portrait, œuvre de sa fille Nathalie) ou l’anarchiste Bakounine. Tourgueniev s’est lié d’amitié avec Bakounine à Berlin en 1840. Il a 22 ans et il partage avec ce dernier pendant 2 ans la même passion pour la philosophie de Hegel. Il a également une idylle avec Tatiana, la sœur de Bakounine. Il rencontre Herzen à Moscou en 1844. En 1848, on le trouve à Paris au moment des barricades où il partage l’enthousiasme de ses deux compatriotes. Il est en fait attiré par les idées libérales, réformatrices et ses Récits d’un chasseur sont un véritable réquisitoire contre le servage. Son activité littéraire va jouer un grand rôle dans l’abolition du servage en 1861. Il a hérité du domaine de Spasskoïé avec son frère Nicolaï à la mort de sa mère en 1850. En 1859, dans la perspective de la Réforme agraire, il partage ses terres avec les paysans. En 1861, ses paysans se déclarent satisfaits de son action mais ne veulent pas d’un rachat même partiel de ses terres.
Quand à ses relations avec les deux grands génies de la littérature russe, que sont Tolstoï et Dostoïevski, elles furent souvent tendues et même houleuses. Il rencontre Dostoïevski en 1845 lorsque ce dernier publie Les Pauvres gens. Il se brouille avec lui lors de la parution de son roman Fumée dénigré par Dostoïevski. De violentes disputes publiques ont eu lieu, car Dostoïevski reprochait à Tourgueniev d’être favorable à une Monarchie Constitutionnelle, il le prend même à parti en 1879 lors d’un dîner offert à son honneur à Saint-Pétersbourg. Par contre, le jour de l’inauguration du monument à Pouchkine à Moscou en 1880, ils prononcent des discours violemment opposés, mais évitent l’affrontement.
Au-delà de quelques désaccords politiques, il se sent plus proche de Tolstoï et lorsqu’il quitte la Russie en 1857 il lui écrit : « Vous êtes le seul homme avec qui j’ai eu des malentendus ; c’est arrivé justement parce que je ne voulais pas me borner avec vous à des relations amicales… je voulais aller plus loin et plus profond. ». Il aura pourtant une longue brouille avec lui mais réconcilié, il fera dans les années qui précèdent sa mort plusieurs séjours à Iasnaïa Poliana. C’est Tourgueniev qui fit connaître l’œuvre de Tolstoï en France.
Nous trouvons là un des grands rôles de Tourgueniev, celui d’ambassadeur de la culture russe en France. Il fait connaître et traduire en français ses compatriotes. Il a traduit de nombreux poèmes de Pouchkine. Il aide à la parution des Trois morts et des Cosaques de Tolstoï. Il rédige même une préface à sa nouvelle Les Deux hussards, fait connaître Guerre et Paix et ce ne sont là que quelques exemples. On le trouve en 1876 faisant des lectures publiques des chapitres non publiés des Souvenirs de Herzen. Il œuvre beaucoup pour aider les artistes russes à Paris. Dès 1870 il est secrétaire de l’Association d’entraide des artistes russes. Il organise en 1875 un concert avec Pauline Viardot. Les recettes sont destinées à fonder la Bibliothèque russe qui porte son nom et qui est un lieu où les artistes émigrés russes pouvaient se retrouver.
Par ailleurs, il est un « passeur » de la culture française en Russie. Il fait traduire en russe et traduit lui-même l’œuvre de ses amis français. Quels sont donc les écrivains français les proches de Tourgueniev ?
Commençons par évoquer George Sand. Il l’a rencontrée dans un salon parisien et séjournera plusieurs fois à Nohant. Leur correspondance laisse entrevoir une sympathie mutuelle. Le « Bon Tourgueniev », comme elle le surnommait dans sa correspondance avec Flaubert, lui est très proche par Pauline Viardot. Elle est une très grande admiratrice de son œuvre. À propos des Eaux printanières et du Gentilhomme de la steppe, elle lui écrit : « Vous avez tellement le grand art qui voit tout et qui sent tout, qu’on ne peut haïr aucun de vos types, on est là comme dans un jardin inondé de soleil, forcé de tout apprécier et de reconnaître que tout est beau quand la lumière y est. ». Ils échangent sur leurs « familles », celle de Pauline et celle de George. Dans sa dernière lettre de 1875, elle lui fait savoir que ses petites filles désirent que Tourgueniev leur écrivent un conte. Malade et affaiblie, elle n’est jamais venue à Bougival. Tourgueniev est à Moscou lorsqu’il apprend la mort de George Sand en 1876. Il en est très affecté et écrit à Flaubert : « La mort de Mme Sand m’a fait beaucoup de chagrin… Le public russe a été un de ceux sur lequel Mme Sand a eu le plus d’influence…. Quel cœur d’or elle avait ! Quelle absence de tout sentiment petit, mesquin, faux ; quel brave homme c’était et quelle bonne femme ! »
À Paris et à Bougival, c’est surtout, le « groupe des cinq » ou celui des « auteurs sifflés », comme ils se qualifiaient eux-mêmes, car tous avaient eu une pièce de théâtre sifflée, qu’il fréquente. S’y côtoient auprès de Tourgueniev : Zola, Daudet, Goncourt et Flaubert. Les rencontres du groupe se tenaient tous les mois à Paris. Certains lui rendaient également visite dans le Cabinet de travail, aujourd’hui reconstitué au premier étage de la Datcha. De là, ils pouvaient admirer la Seine, apercevoir l’île des Impressionnistes de l’autre côté et même jeter un œil sur une toile inachevée de Claudie, la seconde fille de Pauline qui avait installé dans le cabinet un chevalet.
Il a du respect pour tous ces auteurs, reconnaît du talent à Zola sans toute foi apprécier toute son œuvre. Il négocie la parution de Nana en Russie.
Mais, c’est avec Gustave Flaubert qu’il se sent le plus d’affinités comme en témoigne leur correspondance qui débute en 1863 et ne sera interrompue que par la mort de Flaubert en 1880. Ils ont en commun un goût de l’observation de la réalité, une exigence du style. Cette correspondance nous montre à quel point Tourgueniev maîtrisait parfaitement toutes les nuances de la langue française et elle constitue un excellent véhicule pour connaître et comprendre les relations de Tourgueniev avec nombreux amis français. Dès 1863, Flaubert écrit aux frères Goncourt : « J’ai lu tous les livres de Tourgueniev. Il a bien du talent cet homme-là. Ce qui me plaît en lui, c’est une distinction et une poésie permanente ». Flaubert fut un des rares qui ne vint jamais dans le « Cabinet » du premier étage de la Datcha et pourtant Tourgueniev ne cesse de l’y attirer dès le début de son installation. En 1876, il lui fait une description élogieuse du lieu : « Mon chalet me plaît… le temps qu’il fait est trop beau. Le vent des arbres devant ma fenêtre a des splendeurs veloutées et dorées ; c’est très joli. » La lettre de 1879 est plus explicite : « J’ai une chambre à vous offrir. L’air est bon là-bas. Il y a de grands divans sur lesquels on peut s’étendre de tout son long. ». Si Flaubert ne put pas venir à Bougival, Tourgueniev lui se rendit fréquemment dans la propriété de Croisset en Normandie. Les deux hommes échangeaient, collaboraient même. C’est Flaubert qui relut les traductions de poèmes de Pouchkine en français pour son ami. Il alla même jusqu'à corriger un texte de Tourgueniev sur 1848 alors qu’il n’était pas favorable à son contenu. Ils se vouent une admiration réciproque. Lorsque Tourgueniev achève une nouvelle fantastique Le Rêve qu’il qualifie de « petite bêtise », Flaubert lui répond aussitôt avec son style haut en couleurs : « Votre petite bêtise est un chef-d’œuvre. Et je m’y connais, nom de Dieu. Comme c’est original et bien composé ; pas un mot de trop ! Quelle violence souterraine ! Quelle patte de maître ! ».
C’est à Croisset que Guy de Maupassant rencontre pour la première fois Tourgueniev. Il nous en livre un portrait saisissant publié dans le journal Le Gaulois au lendemain de la mort du grand écrivain : « Une porte s’ouvrit. Un géant parut. Un géant à tête d’argent, comme on dirait dans un conte de fées. Il avait de longs cheveux blancs, de gros sourcils blancs, et une grande barbe blanche, et vraiment d’un blanc d’argent, luisant, tout éclairé de reflets ; et dans cette blancheur un bon visage calme, aux traits un peu forts ; une vraie tête de Fleuve épanchant ses ondes, ou bien, encore, une tête de Père Eternel. »
Mark Zviguilski
C’est aussi dans son pavillon de Croisset que Flaubert fait à son ami la lecture de chapitres de sa dernière grande œuvre qui l’occupera des années durant, Bouvard et Pécuchet. Tourgueniev l’encourage à poursuivre cette œuvre qui exige de colossales recherches. C’est au même moment que lui-même fait des recherches pour son dernier grand roman Les Terres Vierges. Ce roman, écrit en partie en Russie, est achevé à Bougival en 1876. La presse russe éreinte Tourgueniev. Que se soit du côté des conservateurs ou de celui des révolutionnaires, il a contre lui la quasi unanimité de l’opinion publique russe. Tourgueniev en est très affecté. Il écrit à son frère Nicolas en 1877 : « Ma carrière littéraire cesse à jamais… la vie à l’avenir se présente comme un peu vide mais il faut savoir regarder le diable dans les yeux ou plutôt la vérité. Diderot a dit quelque part qu’avant sa mort l’homme suit plusieurs fois son propre convoi et voilà qu’il me faut me promener derrière mon propre cercueil littéraire. Je me trouverai une occupation différente… » Et cette occupation, c’est la traduction d’œuvres littéraires françaises en russe. Et quelles œuvres ! Du Flaubert, bien sûr. Tourgueniev s’enferme dans son cabinet de travail de la Datcha pour se lancer dans la traduction de La Tentation de Saint-Antoine, thème qui lui est cher et dont il avait écrit une ébauche dans sa jeunesse. Il traduit également deux des trois contes de Flaubert : Hérodias et La Légende de Saint-Jean l’Hospitalier et fait traduire Le Perroquet vert. Il fera éditer le tout en Russie. Quand aux Terres Vierges, Flaubert soutient par écrit le moral de son ami : « Mon grand bon homme, je viens de finir Les Terres Vierges. Ça c’est un bouquin et ça vous décrasse la cervelle des lectures précédentes ! J’en suis étourdi bien que j’en saisisse parfaitement l’ensemble. Quel peintre ! Et quel moraliste vous faîtes, mon cher, bien cher ami. Tant pis pour vos compatriotes, s’ils ne trouvent pas votre livre une merveille. Moi, c’est mon avis et je m’y connais ». Flaubert ne s’y est pas trompé. La critique française et européenne encense le roman considéré comme « prophétique ». Il est même traduit en huit langues.
Peu après, en 1879, pour le dixième anniversaire de sa parution, Ivan et Pauline font dans la Datcha une lecture à deux voix de L’Education sentimentale et, ce, durant trois semaines. Pauline avait beaucoup d’affection pour Flaubert qui terminait souvent ses lettres à Tourgueniev par cette petite phrase : « Déposez-moi aux pieds de Mme Viardot ». Cette dernière année de la vie de Flaubert, le bon Moscove, comme il se plaisait à l’appeler, lui fit découvrir Guerre et Paix de Tolstoï. Il le remercie vivement : « C’est de premier ordre. Quel peintre et quel psychologue ! ». Lorsque Flaubert meurt, Tourgueniev est en Russie. À son retour, il va s’occuper de la publication de son roman posthume Bouvard et Pécuchet. Il tentera sans succès d’ériger un monument à la mémoire de son ami et surtout il écrivit en 1881 Le Chant de l’amour triomphant qu’il traduisit en français avec l’aide de Pauline Viardot.
Ivan Tourgueniev est alors en France une personnalité reconnue dans le monde des lettres qui fut même vice-président du conseil international des écrivains qui se tient à Paris en 1877 aux côtés de Victor Hugo qui présidait.
Toujours au premier étage de la Datcha, près du cabinet on peut voir la chambre de Tourgueniev reconstituée par l’école Boulle d’après un dessin de la fille de Pauline Viardot quelques jours avant sa mort. Une grande bibliothèque de style Napoléon III couvre un pan de mur. Le bureau authentique présente quelques objets personnels de l’écrivain. C’est dans ce lieu qu’il passe les dix-huit derniers mois de sa vie. Il est atteint d’un cancer de la moelle épinière. Il parvient encore à écrire quelques poèmes en prose, une lettre d’adieu à ses paysans de Spasskoïé et dicte à Pauline ces deux derniers récits en français : Un incendie en mer et Une fin. Il se préoccupe même encore de faire traduire et publier en Russie Au bonheur des dames de Zola et Une Vie de Maupassant. Il est entouré de l’affection de la famille Viardot, mais le malheur s’abat sur Pauline. Louis meurt en mai 1883 tandis qu’Ivan gît dans la Datcha. Il aurait même demandé à Guy de Maupassant qui venait souvent lui rendre visite dans ces derniers mois de lui procurer un révolver pour abréger ses souffrances. Il s’éteint le 3 septembre 1883. Ses funérailles ont lieu à Saint-Pétersbourg le 9 octobre.
Sortons de la Datcha, flânons dans le parc avec en mémoire ces paroles de Maupassant à celui qu fut pour lui un des plus hauts génies de la littérature russe : « Aucune âme ne fut plus ouverte, plus fine et plus pénétrante, aucun talent plus séduisant, aucun cœur plus loyal et plus généreux. »
À savoir :
• La Datcha se visite le samedi après-midi et le dimanche toute la journée d’avril à octobre.
• Une pièce de théâtre : Le Chant des Frênes, écrite et mise en scène par Marc Zviguilski est créée en France dans la cadre de l’année croisée France-Russie. La première a lieu dans la Datcha le 30 mai. La pièce retrace quarante ans de relations entre Ivan Tourgueniev et Pauline Viardot, « la plus belle histoire d’amour du XIXe siècle », selon Maupassant. Michael Lonsdale tient le rôle d’Ivan et Catherine Fantin-Gournay celui de Pauline.
• À l’occasion du centenaire de la mort de Tolstoï se tient dans la Datcha du 2 octobre au 21 novembre 2010 une exposition « Tourgueniev – Tolstoï ».
Photos : G. TCHESNOVITSKAYA et C. WEIBEL