Je vous salue, ma France
Igor SHTANEV
La Nouvelle-France dans le Nouveau Monde
Chers lecteurs,
Après la publication du dossier Québec, un îlot francophone en Amérique du Nord (N°17, 2008), la rédaction a reçu beaucoup de lettres de nos lecteurs qui nous demandent de parler plus en détails du Canada francophone.
Notre envoyé spécial à Québec Igor Shtanev vous propose sa série d’articles intitulée : La Nouvelle-France dans le Nouveau Monde. Bonne lecture à tous !
En cette année 2008 du 5 au 10 août, les Fêtes de la Nouvelle-France ont été organisées dans le cadre du 400ème anniversaire de la fondation de la ville de Québec, capitale de la plus grande province francophone du Canada. Plus de 30 000 personnes en costumes historiques des habitants des XVIIe et XVIIIe siècles ont rempli les rues du Vieux-Québec en le transformant en théâtre de la Nouvelle-France.
Ils ont reconstitué la vie des premiers arrivants européens en terre d’Amérique et des Amérindiens en recréant les scènes des défilés, des marchés de produits alimentaires, des amuseurs publiques etc. pour plonger les touristes et les habitants de la ville dans l’ambiance du Nouveau Monde cinq fois séculaire.
Nous vous invitons à admirer les photos de ces animations urbaines et à lire le texte de l’article exposé ci-dessous qui nous fera voyager à travers la Nouvelle France du XVIe siècle à nos jours.
Les Français apportent leurs racines au Nouveau Monde
L’histoire du XVIe siècle incarne le passage de l’Ancien Monde (Europe, Afrique et Asie, telles qu’elles étaient connues des Anciens) au Nouveau Monde (l’Amérique) dans l’espace, le temps et les pratiques économiques.
La France n’est pas restée à l’écart des grandes explorations du continent nord-américain. Au fil du temps elle a pris en possession un énorme territoire à l’échelle de continent (se trouvant actuellement aux États-Unis et au Canada). Le roi Henri IV lui a donné le nom de la Nouvelle-France.
Regardez cette carte du XVIe siècle « La Nuova Francia » fait par un homme d’État vénitien, Giovanni Batista Ramusio, passionné par les explorations de ses contemporains. Cette carte représente la rencontre des bateaux européens et des embarcations amérindiennes aux abords du Nouveau Monde. Comparez-la avec la carte contemporaine représentant les frontières de la Nouvelle-France à son apogée pour se faire une idée de la grandeur de la colonisation du nouveau territoire.
Et maintenant, arrêtons-nous juste un instant sur la question de l’Histoire de France en bandes dessinées lancée en juin 2008 par le journal Le Monde1 : la réédition du grand succès de Larousse en 16 volumes.
Ouvrons le premier volume, dont le titre est : Ier siècle avant Jésus Christ au 5e siècle après Jésus Christ : De Vercingétorix à Attila.
Qui ne connaît pas cette fameuse phrase apprise par cœur dans les écoles françaises : « Nos ancêtres les Gaulois ».
À l’évocation du mot « Gaulois », plusieurs images viennent à l’esprit : Obélix et son menhir, les moustaches de Vercingétorix, une façon récente de désigner les Français « de souche » par opposition aux descendants d’immigrés…
Les aventures d’Astérix et les souvenirs des leçons d’histoire ont forgé dans les esprits des Français une image des Gaulois stéréotypée et contradictoire. Entre les guerriers indisciplinés et querelleurs, trop désunis pour résister à la conquête romaine de César, et les druides, prêtres et magiciens adeptes du sacrifice humain, il importait ces derniers temps de rétablir la vérité historique.
Finalement une nouvelle image des Gaulois est ainsi offerte, par les auteurs de beaucoup d’ouvrages contemporains, plus proche de la réalité historique.
Mais quelle que soit la légende et la réalité historique à propos des Gaulois, les ancêtres des Français, il est indéniable que les découvreurs français sont arrivés au Nouveau Monde en amenant leurs racines de la civilisation européenne et particulièrement française.
Découvrons ensemble cette histoire fascinante de la fondation de la Nouvelle-France d’hier, qui a donné naissance à la francophonie d’Amérique d’aujourd’hui.
Partons vers la Nouvelle-France via Internet
Aujourd’hui, grâce à l’Internet vous êtes capables de trouver et d’explorer en moins d’une minute une rue ou une maison d’une ville (Moscou, Paris, Québec…) vue à vol d’oiseaux. Avec quelques clics de la souris vous pouvez même télécharger gratuitement un logiciel « Google Earth » qui vous permettra d’avoir toute la planète Terre sur le disque dur de votre ordinateur. Cela vous permettra de vous déplacer à votre guise d’un continent à l’autre en traversant l’Atlantique ou le Pacifique en quelques fractions de secondes pour vous retrouver virtuellement dans un endroit bien précis. Vous pouvez également trouver toutes les informations pertinentes y compris les images, les photos, etc. Comme sur ces photos, par exemple, vous avez d’abord l’Amérique du Nord, et avec le zoom vous pouvez voir la Citadelle de Québec, une fortification militaire située sur le Cap Diamant dans la ville de Québec, au cœur de la Nouvelle-France.
Imaginez-vous tous les risques et périls des premiers explorateurs du XIVe-XVIe siècles qui se sont servi de l’astrolabe grand, comme une armoire de votre grand-mère, pour déterminer la latitude à partir de repères astronomiques (soleil ou étoile polaire). Comparez cet astrolabe avec des objets nomades d’aujourd’hui comme iPhone 3G ou le système de navigation portatif avec cartes de l’Europe et de l’Amérique du Nord avec synthèse vocale. Ces appareils super intelligents ne dépassent pas la paume de votre main et vous indiquent le chemin à suivre avec précision inimaginable à l’échelle planétaire.
Cet exemple nous aidera sûrement à comprendre pourquoi Christophe Colomb, le découvreur de l’Amérique mort en 1506, a toujours été persuadé d’avoir atteint les Indes et pas le contient américain.
Mode d’emploi de lecture du texte sur la Nouvelle-France
Nous avons découpé notre parcours chronologique en cinq périodes de l’année 1500 à présent pour traiter les sujets les plus marquants par thèmes en permettant au lecteur de se retrouver facilement dans le temps et dans l’espace.
Et maintenant en route vers la Nouvelle France en lisant les récits structurés et en naviguant sur les nombreux sites d’Internet. Cela nous aidera à mieux saisir la complexité d’aménagement du nouvel espace géographique en Amérique du Nord par les nouveaux arrivants français.
1.1. Découvertes
Les grandes découvertes géographiques débutent au XVe siècle. Et la plus grande est la découverte de l’Amérique attribuée à Christophe Colomb. Mais bien avant Colomb les connaissances des Scandinaves, puis des marins du littoral atlantique, ont permis une première atteinte du continent américain à l’époque indéterminée par les historiens qu’on appelle des « siècles obscurs ». Selon les dernières études la découverte de l’Amérique a été une œuvre collective.
Les premières traces de la présence des Européens en Amérique du Nord
L’Amérique du Nord avait été visitée depuis très longtemps par des voyageurs, des explorateurs et des pêcheurs de diverses nationalités. Il y a environ 2 500 ans, des Phéniciens auraient remonté le fleuve Saint-Laurent. Des pierres trouvées par des archéologues en plusieurs endroits en seraient les principaux témoins. La présence de moines irlandais est aussi envisageable. Ces hommes auraient cherché un endroit plus hospitalier pour vivre à la fin du IXe siècle chassés par les envahisseurs vikings de leurs territoires.
Ces moines se seraient établis sur une île du golfe Saint-Laurent.
Les défenseurs de l’hypothèse de la colonisation irlandaise avancent le fait que l’on retrouve dans la civilisation des Amerindiens Algonquins « l’influence des Celtes d’Irlande », ainsi qu’une certaine présence chrétienne dans les habitudes des Micmacs vivant sur la côte atlantique.
Comment, se pose la question l’historien Gustave Lanctot, les Indiens auraient-ils su faire le signe de croix sans un contact antérieur avec des chrétiens ?
Mais rien ne prouve que ces chrétiens ne soient pas tout simplement des pêcheurs qui, dans un élan de dévotion, auraient élevé des croix dans certains endroits de l’Amérique du Nord !
Terre-Neuve et les routes de la pêche
L’île de Terre-Neuve qui est située en face de l’embouchure du Saint-Laurent, semble avoir été connue de bonne heure des marins européens. C’est surtout la morue – qui attirait vers la Terre-Neuve les marins du littoral atlantique. On faisait grande consommation de poisson au Moyen Âge (153 jours de maigre étaient prescrits par les prêtres chrétiens). Quel pêcheur inconnu, est arrivé le premier sur ces côtes poissonneuses ? Fut-il anglais, basque (on sait que les Basques allaient chasser la baleine dans ces territoires) ou breton, portugais ?
En tout cas, le « secret de Terre-Neuve » était connu des Bretons au XVe siècle (un acte de 1514 consigne la déclaration de marins de Paimpol et de Bréhat du Nord-Ouest de la France qui disent payer « depuis soixante ans » la dîme des morues pêchées sur les côtes d’Islande et « des Terres neuves »). Les équipages portugais se rendaient probablement aussi dans ces eaux.
L’histoire d’une baleinière basque du XVIe siècle
L’huile de baleine était une denrée rare très prisée parce qu’elle produisait une flamme plus brillante que celle des huiles végétales. Elle servait également à la fabrication de savon et de produits pharmaceutiques et au traitement des tissus.Vers le milieu du XVIe siècle, les pêcheurs européens obtenaient cette denrée précieuse en exploitant les richesses marines avec les bateaux, qui avaient à leur bord les embarcations, comme « chalupa ».
Les commerçants basques et les armateurs français et espagnols organisaient des expéditions saisonnières à destination de la côte sud du Labrador et de la côte Nord du Québec, pour chasser la baleine.
Ci-dessus est présentée une photo de l’une de ces embarcations la chalupa, qu’on a retrouvée dans l’épave du San-Juan, un galion basque, lors des fouilles archéologiques sous-marines commencées en 1978 au Canada dans la baie Red Bay.
Les premiers contacts entre entre Européens et Amérindiens
Il y avait avant l’arrivée des Européens en Amérique plusieurs millions d’Indien et à peu près 2 000 langues indigènes. Beaucoup d’Indiens connaissaient 2 ou 3 langues, et il existait des moyens de communication entre tribus ainsi que des langages par signes.
L’habitat des Amérindiens était dispersé, les concentrations humaines permanentes de plusieurs milliers de personnes étaient rares. Il n’y avait aucune organisation politique visible au-delà des communautés locales, aucune trace de pouvoir centralisé. Ce monde des Amérindiens avait sa propre logique qui exprimait leur vision du monde. Il est courant de dire que la vie indigène, dominée par la religion, était essentiellement magique et caractérisée par l’insuffisance du développement technique
C’est pourquoi ils ont accueilli les premiers arrivants européens ainsi que, les missionnaires chrétiens, ne faisant pas obstacle à leurs entreprises aussi longtemps qu’elles ne devenaient pas violentes.
Les Indiens n’étaient pas obsédés par la mort, ils ne fuyaient pas sa réalité puisqu’ils vivaient de la mort des choses, plantes, animaux.
Le territoire n’était propriété ni des membres ni même de la tribu, il avait sa propre vérité ; les Indiens n’ont jamais disputé aux Européens le droit de s’installer, les ont même aidés. En vivant avec ce qui l’entourait, l’être humain d’après leur croyance pouvait trouver ainsi sa liberté et sa vérité personnelles.
C’était le sens de l’attachement extrêmement fort des tribus à leur environnement.
GLOSSAIRE :
Amérique
Étymologiquement le mot « Amérique » vient d’Amerigo, prénom de Vespucci. Il a été inventé par Martin Waldseemüller qui, dans sa Cosmographie (1507), proposa d’appeler Amérique la « quatrième partie du monde », prétendument découverte par le Florentin.
Phéniciens
Les Phéniciens furent des navigateurs et des commerçants du pays côtier d’Asie Mineure, dans l’Antiquité.
Amérindiens
De « Amérique » et « indien ». Relatif aux Indiens d’Amérique. Langues amérindiennes.
Algonquins
De la langue algonquine : algumakin « où l’on pêche au harpon »
Qui appartient à la tribu indienne du Canada portant ce nom. La nation algonquine
Micmacs
Les Micmacs (parfois orthographié Mic-Macs) sont un peuple amérindien faisant partie des peuples algonquiens. Altéré de meutemacre « rebelle », du moyenâgeux néerlandais.
1 Voir Le Monde du 5 juin 2008 page 21 ou le site :
http://boutique.lemonde.fr/boutique/product_info.php?products_id=181