Mon amie la langue française
Igor SHTANEV
Découvrir Québec en hiver… édition 2009
Toute l’année 2008 la ville de Québec fêtait ses 400 ans de fondation. La nouvelle année 2009 promet autant de festivités estivales1 pour célébrer les dates importantes, les anniversaires à ne pas manquer dans l’histoire du Canada, qui vont attirer des foules de spectateurs, ne serait-ce que 250 ans de la fameuse bataille des plaines d’Abraham (qui a marqué la fin de la Nouvelle-France) ou bien 475 ans de la prise en possession du Canada par Jacques Cartier au nom du roi François Ier.
Mais une fois n’est pas coutume, découvrons deux activités hivernales à Québec :
- La première est une compétition sportive de patinage extrême : Red Bull Crashed Ice2.
- La seconde est touristique : le célèbre Carnaval de Québec.
Ces deux événements ont en commun non seulement la saison (l’hiver) et le lieu d’organisation (le centre historique de la ville), mais surtout le fait que Red Bull Crashed Ice a servi d’introduction, de prologue jeune et dynamique à une grande fête ancestrale et populaire, le Carnaval de Québec.
I. Patinage casse-cou ou Red Bull Crashed Ice
Le 24 et le 25 janvier, les 100 000 heureux amateurs du sport extrême ont assisté à la compétition de la spectaculaire descente en patin en plein centre-ville de Québec. Cette activité sportive au nom anglais Crashed Ice (dont l’équivalent français est « patinage casse-cou » ) est organisé par le géant autrichien des boissons énergétiques Red Bull, représente un croisement entre le hockey, le snowboard cross et le ski, qui offrait un terrain de jeu inédit aux joueurs et joueuses de hockey amateurs et semi-professionnels les plus téméraires du monde entier. Les audacieux patineurs devaient dévaler un parcours glacé de 550 mètres en plein cœur du Vieux-Québec, comprenant des obstacles tels que virages en épingle, sauts, tournants surélevés et chutes vertigineuses. Cette compétition s’est déroulée pour une quatrième année consécutive.
Les participants ont pris le départ sur la piste glacée de 550 mètres de long dans l’ombre de l’imposant château Frontenac. Les patineurs ont poursuivi leur course, en se précipitant le long de la côte de la Montagne, passant directement sous la Porte Prescott, l’une des arches restantes des fortifications originales qui entourent le Vieux-Québec.
Ensuite, au milieu de la partie la plus escarpée de la côte de la Montagne, ils ont fait un virage serré sur la gauche, alors que la piste a suivi le fameux escalier Casse-cou. Mais la course n’était pas gagnée tant qu’ils n’avaient pas atteint le « Drain Royal » , un virage surélevé qui a entraîné finalement les athlètes jusqu’à la place Royale, où l’on trouve la première église construite en Amérique du Nord. Les patineurs, à l’approche du fleuve, ont accéléré pour effectuer un dernier sprint dans les escaliers de la rue de la place pour terminer leur descente à place de Paris, tout près du bord des eaux glacées du fleuve Saint-Laurent.
Cette année, les organisateurs de la course à Québec ont décidé d’ajouter un peu de piquant au défi, avec de nouveaux obstacles représentant des demi-tonneaux (un saut de baril) et l’arrivée des filles dans la compétition. Une telle piste promet encore plus de rapidité et d’adrénaline.
Voilà les chiffres essentiels de cette prestation sportive :
550 m : la longueur du parcours
56 m : la dénivellation de la piste
50 km/h : la vitesse que les athlètes peuvent atteindre
9834 : hommes qui se sont inscrits aux qualifications
691 : femmes qui se sont inscrites aux qualifications
25 : le nombre de génératrices nécessaires pour alimenter les six refroidisseurs
Qui sont-ils ces courageux participants ?
Karl St-Pierre et Sébastien Morissette, ont pris part samedi soir à la descente du Red Bull Crashed Ice.
Les deux hockeyeurs n’avaient pas à changer d’équipement, la seule différence étant que la patinoire a été pas mal plus inclinée et les obstacles aussi traîtres que certaines mises en échec ! Les deux joueurs de la Ligue nord-américaine de hockey ne sont pas des maniaques de sports extrêmes, mais ils aiment bien le défi de cette compétition. « Je fais de la descente de vélo de montagne, mais c’est pour mon plaisir, pas pour la compétition » , explique Morissette, qui fêtera ses 25 ans deux jours après la compétition de patinage extrême. « J’ai toujours été un peu casse-cou dans mon enfance. À Donnacona, d’où je suis originaire, j’ai participé à la construction d’un parc de skate parce que j’aimais beaucoup faire du rollerblade3. »
Qui sont-elles ces téméraires participantes ?
Le Red Bull Crashed Ice a toujours été ouvert aux filles. Toutefois, avant elles devaient se classer parmi les hommes, un exploit qui n’avait pas encore été réalisé à ce jour. « On savait qu’on avait un bon bassin d’athlètes féminines au Canada entre autres avec l’équipe de hockey qui est très forte. On ne les encourage pas vraiment, parce que ce sont nos adversaires, mais... » , a blagué une participante. Elle faisait référence à deux joueuses de ringuette4 d’une équipe adverse, Édith King et Marquise Brisebois, qui se sont qualifiées pour l’épreuve de patinage extrême. « Ces gens-là sont vraiment téméraires ! » s’est-elle exclamée.
« Tu es complètement folle ! » Cette réponse, Marquise Brisebois, la gagnante de la 3ème place, l’a entendue, lorsqu’elle a annoncé à sa famille et à ses amis qu’elle participerait au Red Bull Crashed Ice. Il est vrai que cette course extrême, présentée depuis quatre ans à Québec, a de quoi faire peur : une descente glacée dévalée à 50km/h, une série insensée de sauts, des virages en épingle... Tout ça sur des patins à glace !
L’athlète de 25 ans ne s’est pas sentie du tout intimidée par le parcours qui l’attendait dans une semaine. Il faut dire qu’elle a chaussé sa première paire de patins il y a 20 ans. À 6 ans, elle commençait à jouer à la ringuette, sport qu’elle pratique maintenant dans la Ligue nationale de ringuette pour le Révolution Rive-Sud.
Mais a-t-elle de l’expérience en descente sur glace ? « Absolument pas », s’exclame-t-elle ! « Plusieurs personnes croient que j’ai signé mon arrêt de mort. Pourtant, ce n’est qu’une descente en patins avec des bosses et quelques obstacles », s’amuse-t-elle à dire. « Si je ne me qualifie pas pour la journée de compétition de samedi, je change de ville et je change de nom ! »
Vainqueurs de la compétition
Le Finlandais Arttu Pihlainen, champion en titre, et l’Albertaine Kerri-Anne Wallace ont remporté la compétition de patinage extrême Red Bull. « Je suis heureux de pouvoir aller là-bas, car, pour moi, le Red Bull Crashed Ice est le sport qui me fait le plus vibrer. Mon adrénaline était à son maximum », a révélé Pihlainen.
Ce sont les Albertaines Keri-Anne Wallace et Jennifer Hartley qui sont montées sur les plus hautes marches du podium féminin, alors que la Montréalaise Marquise Brisebois a pris la troisième place.
Crashed Ice dispute entre francophones et anglophones
La compagnie Red Bull manque de délicatesse envers Québec, ville hôte de sa compétition sur glace, pensent certains défenseurs de la langue de Molière. La population est ici de langue française, la ville essaie de conserver son originalité et sa personnalité. L’entreprise devrait faire le nécessaire pour franciser au moins l’expression crashed ice. Déjà l’Office québécois de la langue française propose patinage extrême. L’Association pour le soutien et l’usage de la langue française (ASULF) se permet d’ajouter patinage casse-cou. D’autres appellations seraient possibles. Les Québécois acceptent de prêter les pentes du Cap Diamant. Il serait merveilleux qu’on annonce dorénavant Patinage extrême Red Bull ou encore Patinage casse-cou Red Bull
Une porte-parole de Red Bull, Josée Laperrière, a indiqué qu’au cours des dernières années, l’entreprise a présenté le « Crashed Ice » dans d’autres pays et qu’elle souhaite préserver l’uniformité dans l’appellation de la course. « En refusant de le faire, Red Bull crache littéralement sur le français », a dit Sophie Beaupré, la présidente du Mouvement Montréal français (MMF), en s’adressant aux manifestants à Montréal.
Critique de Crashed ice
Il n’est pas étonnant qu’il y a eu aussi une critique de Crashed ice, à cause du fait que la mode de l’« extrême » se manifeste vraiment tous azimuts dans la société moderne, dans une volonté sociale évidente de se trouver parfaitement en phase avec l’économie du marché, vouée, comme on le sait, à obtenir des rendements exceptionnels de tout et n’importe quoi.
À Québec, la présentation du Red Bull Crashed Ice est à située dans cette logique des extrêmes qui caractérise si bien notre époque, pensent ceux qui ont exprimé leur mécontentement. Imaginez une rampe de glace installée en haut du cap Diamant, juste au pied du Château Frontenac. De là, des patineurs casqués, sélectionnés pour leur habileté à jouer les casse-cous, s’élancent à toute vitesse sur une piste au dénivelé impressionnant. Leur objectif : arriver en bas de la ville, en évitant de se tuer, tels des gladiateurs sur glace, qui risquent leur vie au nom de cette poursuite inouïe de l’« ultime ».
De quel droit, disent ces critiques inconditionnels, les organisateurs ont choisi le lieu sacré, servant de l’endroit pour les processions religieuses, immortalisé sur le fameux tableau du peintre québécois Jean-Paul Lemieux : La fête Dieu.
Et c’est le Carnaval de Québec, qui a commencé le 31 janvier, réunit toute la population ensemble, pour oublier les querelles et retrouver la joie de vivre.
II. Carnaval de Québec est une fête populaire
Le Carnaval de Québec est organisé annuellement comme la plus grande fête populaire hivernale.
Dès les débuts de la colonie française, les habitants de la Nouvelle-France avaient pris l’habitude de se réunir pour fêter un bon coup, juste avant la période du carême5. Déjà, à cette époque, le carnaval – un mot d’origine italienne qui signifie mardi gras6 – désignait cette période intense de célébrations.
À Québec, dans la Capitale mondiale de la neige, le premier grand carnaval d’hiver est lancé en 1894. Ainsi, une population souvent éprouvée par les rigueurs hivernales, ranimait une tradition populaire et mettait sur pied une fête des neiges7 qui réchaufferait les cœurs. Interrompu par les deux guerres et la grande crise économique de 1929, le Carnaval resurgit sporadiquement jusqu’à la deuxième moitié du siècle. En 1954, dans une perspective de développement économique de la Vieille Capitale, la fête est relancée. Bonhomme8 naît en 1954 et est élu représentant de l’événement. La première édition du Carnaval d’hiver de Québec a lieu en 1955. Le Carnaval de Québec devient alors une manifestation incontournable pour la population de Québec et un moteur de l’activité touristique hivernale de la ville.
D’un hiver à l’autre, la programmation du Carnaval s’est enrichie. On a ajouté aux activités populaires que sont les sports d’hiver, la sculpture sur neige et autres, des activités puisées dans le mode de vie folklorique québécois, comme la course en canot et la course en traîneaux à chiens.
Aujourd’hui, le Carnaval de Québec est le plus grand carnaval d’hiver au monde et obtient la troisième place au palmarès des grands carnavals, suivant de près les célèbres carnavals de Rio et de la Nouvelle-Orléans.
Palais de glace
Depuis près d’un demi-siècle, le Carnaval de Québec enchante nos hivers.
Pour loger l’invité de marque qu’est Bonhomme, on lui construit un premier palais au Carré Jacques-Cartier en 1955. L’imposante construction de glace comptait un donjon, utilisé pour enfermer, le temps d’une plaisanterie, les carnavaleux qui n’arboraient pas l’effigie de Bonhomme. De 1956 à 1972, Bonhomme est logé au Carré d’Youville9. Sur la place, éclairée et animée pour l’occasion, les gens se réunissaient pour danser et fêter. En 1973, Bonhomme déménage son château de glace face au Parlement de Québec.
De 1979 à 1992 on construit le palais avec de la neige. Quelque 9000 tonnes de neige sont compactées de manière à obtenir de gigantesques blocs. Les blocs sont taillés et assemblés suivant les plans élaborés par un artiste. Le résultat est un château de dimensions impressionnantes qui atteint parfois 50 mètres de façade, 20 mètres de profondeur et 20 mètres de hauteur. Pour réaliser ces immenses sculptures de neige, une quinzaine d’hommes travaillent plus de deux mois.
Contemplez les photos du palais de glace des années différentes.
Sculpture sur neige
La sculpture sur neige est inscrite dans les mœurs des Québécois depuis fort longtemps. Chaque année, Place Desjardins se transforme en un gigantesque musée à ciel ouvert où des sculpteurs de toutes les régions du monde viennent donner vie aux blocs de neige.
C’est au cours des années cinquante que professionnels, amateurs et enfants se mirent à ériger, face à leur demeure ou sur un site choisi, les monuments éphémères d’une ville en fête.
Née de l’imagination des Québécois, cette activité est devenue l’une des activités maîtresses du Carnaval de Québec.
Voir naître une sculpture, la découvrir, la regarder prendre vie est un pur émerveillement. D’ailleurs, les nombreux amateurs présents à la nuit blanche, cette nuit magique par le caractère puissant du silence martelé des derniers coups des artistes qui composent comme une mélodie dans la nuit, confirment que l’International de sculpture sur neige du Carnaval de Québec est un événement hors du commun.
Défilés de nuit
Le défilé du Carnaval de Québec est depuis toujours une activité très populaire. Lors des tout premiers Carnavals, petits et grands se rassemblaient dans les rues enneigées de Québec afin d’assister à ce moment tant attendu. Encore aujourd’hui, la frénésie des défilés est très présente. Auparavant, le défilé clôturait les festivités. Maintenant, il se déroule à deux reprises lors des fins de semaine du Carnaval. Avec les années, plusieurs changements et améliorations ont été apportés au niveau des trajets, des chars allégoriques et de la présentation. Il n’en reste pas moins qu’après 55 ans d’existence, plusieurs dizaines de milliers de spectateurs profitent encore de ce moment unique pour festoyer, s’amuser et s’émerveiller.
Course en canot
Le canot à glace, qui est maintenant un sport de compétition, fut pendant longtemps un élément essentiel dans la vie des insulaires et des riverains du fleuve St-Laurent. Pendant l’hiver, c’était le seul moyen de transport et de communication entre les deux rives. La course se divise en deux étapes, les préliminaires, sur la rue St-Joseph et la finale, sur le fleuve. Classe Élite masculine, Élite féminine et Classe sport sont les trois classes inscrites au programme. Les hommes de la classe compétition font deux fois le trajet entre Québec et Lévis.
Bonhomme Carnaval et ses amis Knuks
Bonhomme n’est rien de moins que la réplique vivante du Bonhomme de neige (снеговик) qui a égayé l’hiver de tous les petits Québécois. Bonhomme Carnaval est l’ambassadeur de la fête à l’étranger et le symbole des festivités de cette joyeuse période de l’année. Pour tout costume, Bonhomme porte fièrement la traditionnelle tuque rouge, accompagnée de la ceinture fléchée. Bonhomme est né en 1954 et depuis 1955, date de la première édition annuelle du Carnaval, il personnifie la joie de vivre associée à cette grande fête d’hiver
Les joyeux Compagnons de Bonhomme sont les Knuks. L’aventure des Knuks au Carnaval de Québec a commencé lors du passage de Bonhomme dans les contrées nordiques. Bonhomme a rencontré cette joyeuse bande lors de la Nuit de glaces. L’esprit jovial et les nombreux talents de Knuks font la joie des petits et des grands.
Le Québec a déjà été reconnu par l’UNESCO, comme la plus belle ville de l’Amérique du Nord, convenant de la valeur patrimoniale du Vieux-Québec. Il reste donc à obtenir avec le Bonhomme Carnaval et ses amis Knuks, une autre reconnaissance mondiale, que c’est aussi la plus joyeuse ville en hiver.
1 Propre à l’été, d’été (opposé à hivernal).
2 Red Bull est une marque commerciale d’une boisson et le nom de la compagnie, organisateur de cette compétition. Crashed Ice (voir le mot anglais to crash : se percuter, entrer en collision) ce qui signifie littéralement : collision sur la glace (столкновение на льду).
3 Sport avec les patins à roulettes.
4 Sorte de hockey sur glace féminin, créé en 1963, dans lequel deux équipes de 6 patineuses, armées d’un bâton droit, essaient de faire entrer dans les buts de l’équipe adverse un palet en caoutchouc en forme d’anneau.
5 Carême (en russe : пост) -Période de quarante-six jours d’abstinence et de privation entre le mardi gras et le jour de Pâques, pendant laquelle, à l’exception des dimanches, l’Église catholique prescrivait, puis recommandait le jeûne, la prière.
6 Mardi gras – (en russe : последний день карнавала перед постом) Mardi gras : dernier jour du carnaval, qui précède le carême. Locution familiale : Ce n’est pas mardi gras aujourd’hui, se dit pour se moquer d’une personne ridiculement accoutrée.
7 Québec est la deuxième ville au monde de plus de 500 000 habitants qui reçoit le plus de précipitations de neige, après Sapporo, au Japon (500 cm en moyenne par année).
8 Bonhomme Carnaval – personnage vêtu de blanc et portant un bonnet (une tuque en québécois) rouge sur la tête, mascotte du carnaval de Québec.
9 Le nom d’une place au centre de la ville de Québec.