Les Routes de l’Histoire
Tatiana MAKRITSKAÏA
« Un jour je te prendrai – seule ou avec Paris... »
Tatiana avec A. Libermann
Alexandre Vertinski et Sergueï Prokofiev lui ont fait la cour. Vladimir Maïakovski a toujours rêvé de la voir sa femme...
En Russie on ne sait presque rien de Tatiana Yakovleva. On n’a commencé à parler de son roman avec Maïakovski, qui a eu lieu en 1928 à Paris, que quarante ans après. Cependant le poète avait été vraiment amoureux.
En 1925, Tatiana a réussi à partir pour Paris grâce à son oncle, Alexandre Yakovlev, peintre très populaire en France. Promu de l’Académie des Beaux-Arts, en 1924, il a été décoré par la Légion d’honneur.
C’est Monsieur Citroën, chef de la société d’automobiles, qui l’a aidé à faire une invitation. Le peintre a consenti à travailler avec M. Citroën en échange de solliciter l’arrivée de Tatiana en France.
Tatiana avec A. Libermann
À Penza, dans les premières années après la Révolution, marquées par une terrible disette, Tatiana est tombée malade de la tuberculose. La jeune fille de 19 ans a passé ses premiers mois en France dans le Midi du pays, où elle a suivi un traitement. Puis elle revient à Paris et entre à l’école de la mode. Quelque temps après, Tatiana tente sa chance dans le moulage des chapeaux et elle réussit.
Mais la seule chose qui ne laisse personne indifférente, c’est sa beauté : des affiches avec l’image de Yakovleva représentant la publicité d’une marchandise sont placardées partout dans la ville. Son oncle lui fait découvrir le beau monde de Paris. Le roman entre Coco Chanel et le grand-duc Dmitri Pavlovitch se déroule sous ses yeux, elle joue du piano avec Sergueï Prokofiev même, fait la connaissance de Jean Cocteau, qu’elle sauvera de la prison quelques années plus tard. La Brigade des mœurs l’a arrêté parce qu’il s’était installé avec Jean Marais dans la même chambre d’hôtel. Et c’était Yakovleva qui a accouru en toute hâte au commissariat de police de Toulon pour déclarer, qu’on avait arrêté son amant Cocteau. Le grand dramaturge a été immédiatement libéré.
La rencontre, en octobre 1925, de Tatiana avec Maïakovski n’était pas due au hasard. Le poète devait aller rejoindre à Nice son ex-petite amie Elly Jones, née Elisaveta Zibert, belle traductrice russe, et leur fille. Lili Brik avec qui il vivait à Moscou, constituant avec Ossip Brik un ménage à trois contre vents et marées, craignait que Vladimir ne les suive en Amérique. Elle chargea sa sœur Elsa Triolet qui habitait Paris, de régler le problème. Elsa réussit au-delà de toute espérance. Elle présenta à Vladimir Tatiana Yakovleva, une jeune modiste russe, beauté fatale qui faisait des ravages à Montparnasse. Follement amoureux, il essaya en vain de convaincre Tatiana de vivre avec lui. Plus tard, Tatiana écrira : « C’était un vrai gentleman, un charme irrésistible, beaucoup de sex-appeal, un rare sens de l’humour. Particulièrement attentionné, respectueux de ma virginité… » Seulement les lettres de Maïakovski se sont conservées jusqu’à nos jours : la correspondance de Tatiana a été supprimée par Lili Brik. Elle n’a pas pu lui pardonner sa « trahison » – une dédicace de ses vers à une autre femme.
Avec Dior
On connaît la fin de cette histoire : Maïakovski, tombé amoureux de Tatiana, lui écrivait presque chaque jour en tâchant de la décider à l’épouser. Il a eu même l’intention de se rendre à Paris, mais on lui a refusé le droit de départ à l’étranger. Natalie Bruhanenko, l’une des amies de Maïakovski, se souvenait : « En janvier 1929, Maïakovski a dit qu’il était amoureux et qu’il se brûlera la cervelle s’il ne voit plus cette femme. » Il ne l’a pas vue, cette femme, et le 11 avril 1930 il a pressé la détente...
D’après Tatiana, le mariage en décembre 1929 avec le vicomte Bertrand du Plessix est devenu pour elle « la fuite de Volodya ». Elle comprenait qu’on ne laisserait plus Maïakovski partir à l’étranger mais elle voulait avoir une famille normale. Aussi honnêtement elle a avoué qu’elle n’avait jamais aimé du Plessix. En septembre 1930, ils sont devenus les parents : leur fille Francine est née. Une année après, Tatiana a trouvé son mari au lit avec une autre femme. Elle n’a pas fait divorce avec du Plessix à cause de Francine. Mais la vie familiale avec Bertrand ne sera désormais que nominale.
Quelque temps après, Yakovleva aura une nouvelle passion – Alexandre Libermann. Elle a fait sa connaissance la première année de son séjour à Paris. Une rencontre suivante a eu lieu en 1938 quand Alex et Liouba Krasina1 , qu’il voulait épouser, sont venus se reposer dans le Midi. Tatiana, qui a revécu un accident de la route une année auparavant, rétablissait ses forces aussi là. Les mutilations de la femme étaient si horribles qu’on a mis d’abord son corps dans une morgue. Là, elle est revenue à soi et a commencé à gémir à l’effroi des infirmiers.
Tatiana a supporté trente opérations plastiques. Donc, le voyage au bord de la mer a été fort à propos.
D’après Libermann, « une attraction a instantanément surgi » entre eux. Ils ne se sépareront plus jamais.
Tatiana est officiellement devenue la femme de Libermann en 1941 après la mort de son mari – l’avion de du Plessix a été abattu par les fascistes au-dessus de la Manche. Une veuve de l’héros, elle a reçu un ordre des mains de Charles de Gaulle. Tatiana, Alex et Francine ont quitté la France pour les États-Unis.
Le destin a été toujours bienveillant envers elle. Même à l’époque de l’occupation, quand Yakovleva a organisé un asile pour 123 enfants vagabonds, elle a réussi à recevoir l’aide des Allemands : général Hering a été frappé de la beauté de Tatiana... et de son nom du Plessix – comme celui du grand cardinal Richelieu.
Toutes les femmes connues de l’Amérique et de l’Europe ont porté les chapeaux de Tatiana Yakovleva : Claudette Colbert, Marlène Dietrich, Edith Piaf, Estée Lauder, etc.
Yakovleva a contribué à une montée de Christian Dior et d’Yves Saint-Laurent. Bien sûr, ils n’étaient pas obligés de leurs talents à elle, mais la presse s’est mise à parler de ces couturiers quand Tatiana a dit à son mari, directeur de Vogue, que c’étaient eux qui étaient les génies.
« Les années écoulées, nous n’avons pas été ensemble cinq jours somme toute », a avoué Alex, « mais ce sont les jours les plus noirs dans ma vie. »
Владимир МАЯКОВСКИЙ
Письмо Татьяне Яковлевой
В поцелуе рук ли,
губ ли,
в дрожи тела
близких мне
красный
цвет
моих республик
тоже
должен
пламенеть.
Я не люблю
парижскую любовь :
любую самочку
шелками разукрасьте,
потягиваясь, задремлю,
сказав –
тубо –
собакам
озверевшей страсти.
Ты одна мне
ростом вровень,
стань же рядом
с бровью брови,
дай
про этот
важный вечер
рассказать
по-человечьи.
Пять часов,
и с этих пор
стих
людей
дремучий бор,
вымер
город заселенный,
слышу лишь
свисточный спор
поездов до Барселоны.
В черном небе
молний поступь,
гром
ругней
в небесной драме, –
не гроза,
а это
просто
ревность двигает горами.
Глупых слов
не верь сырью,
не пугайся
этой тряски, –
я взнуздаю,
я смирю
чувства
отпрысков дворянских.
Страсти корь
сойдет коростой,
но радость
неиссыхаемая,
буду долго,
буду просто
разговаривать стихами я.
Ревность,
жены,
слезы...
ну их! –
вспухнут веки,
впору Вию.
Я не сам,
а я
ревную
за Советскую Россию.
Видел
на плечах заплаты,
их
чахотка
лижет вздохом.
Что же,
мы не виноваты –
ста мильонам
было плохо.
Мы
теперь
к таким нежны –
спортом
выпрямишь не многих, –
вы и нам
в Москве нужны
не хватает
длинноногих.
Не тебе,
в снега
и в тиф
шедшей
этими ногами,
здесь
на ласки
выдать их
в ужины
с нефтяниками.
Ты не думай,
щурясь просто
из-под выпрямленных дуг.
Иди сюда,
иди на перекресток
моих больших
и неуклюжих рук.
Не хочешь?
Оставайся и зимуй,
и это
оскорбление
на общий счет нанижем.
Я все равно
тебя
когда-нибудь возьму –
одну
или вдвоем с Парижем.
(1928)
1 Fille de l’ambassadeur soviétique en France.