Les Routes de l’Histoire
De la Terreur à la fin de la révolution sanglante
Février 1793-octobre 1794. « La victoire ou la mort !»
Robespierre est arrêté
Poussées par l’idée de libérer les autres peuples, les troupes républicaines entrent à Nice, en Savoie et dans l’actuelle Belgique. Mais les libérateurs deviennent vite des occupants. La situation est à nouveau catastrophique. En quelques semaines, les conquêtes sont perdues et les frontières sont menacées : hostilité croissante des habitants, désertion des soldats, la révolte des paysans en Vendée... Bientôt, c’est une armée de Vendéens qui se constitue contre la Révolution ! Cette guerre civile vendéenne fait l’effet d’un coup de poignard dans le dos. Stopper l’invasion étrangère et éteindre les foyers de guerre civile, voilà l’urgence : « La victoire ou la mort ! ». La levée en masse d’août 1793 mobilise tous les Français : soldats envoyés au front, femmes et adolescents travaillant à l’arrière pour l’armée, ingénieurs expérimentant des améliorations techniques ou des innovations (le télégraphe). En automne 1794, les frontières sont dégagées et au printemps, la victoire de Fleurus (26 juin) permet la reconquête de la Belgique. À l’intérieur, Lyon se rend, les Vendéens sont battus, et Toulon repris aux Anglais. La République est sauvée.
Le calendrier républicain
Les républicains se lancent avec acharnement dans une campagne de déchristianisation : pour les besoins de la défense, cloches et objets du culte sont fondus ou vendus, messes et processions sont interdites, Notre-Dame de Paris transformée en Temple de la Raison. En revanche, des mascarades antireligieuses, la profanation des églises, l’inversion des rituels sont saluées. La Révolution a fait de la France un État laïc. Pendant un an, à partir du 22 septembre 1792, les mathématiciens Romme et Monge, et le poète Fabre d’Eglantine (auteur d’une célèbre chanson, tant aimée par Marie-Antoinette, Il pleut, il pleut, bergère ), vont mettre au point le calendrier républicain, destiné à effacer de la mémoire des Français le calendrier grégorien et à rompre à tout jamais avec toute la tradition chrétienne. Le calendrier républicain compte 12 mois de 30 jours, ce qui fait en tout 360 jours. Et les 5 jours restants ? Ce sont des jours de fêtes appelés « les sans-culottides » : fêtes de la Vertu, du Génie, du Travail, de l’Opinion et des Récompenses. Les jours portent les noms d’animaux domestiques, de plantes ou d’outils. Les mois sont groupés par trois et riment en fonction de la saison. Adopté par la Convention les 21 et 24 octobre 1793, il entre donc en vigueur et sera utilisé de 1793 à 1805. Le 22 fructidor an XIII (9 septembre 1805), Napoléon signe le sénatus-consulte qui instaure le retour au calendrier grégorien à partir du 1er janvier 1806. Le calendrier républicain est cependant réutilisé pendant 15 jours lors de la Commune de Paris en 1871 (An LXXIX), puis par Mussolini en 1922.
De la Terreur à la Grande Terreur
Danton et Desmoulins sont morts guillotinés, Marat est assassiné par Charlotte Corday. Robespierre a les mains libres : les oppositions les plus virulentes sont liquidées, les sociétés populaires réduites au silence, les organisateurs de grève poursuivis. Pourtant, au lieu de renoncer à la Terreur, il l’accentue par la loi du 22 Prairial (10 juin 1794) et déclenche la Grande Terreur. Face aux suspects (c’est-à-dire tout le monde), les tribunaux n’ont le choix qu’entre la mort et… la mort ; toute parole imprudente, toute démarche inconsidérée sont désormais suffisantes pour être envoyé à l’échafaud. Les dernières garanties des accusées sont supprimées, et des interrogatoires préalables n’existent plus. En six semaines, 1 376 têtes tombent dans le panier du bourreau.
La place du Trône et le cimetière de Picpus
Tous sont suspects
Notre triste promenade touche à sa fin. On se rend place de la Nation. De là, on ira à pied au 35, rue de Picpus, notre dernier arrêt.
Aujourd’hui la place de la Nation, elle s’appelait la place du Trône sous l’Ancien Régime et la place du Trône renversé, sous la Révolution. C’est sur cette place qu’on dresse l’échafaud en juin 1794. Les fameuses charrettes des criminels y amènent les condamnés, dépouillés, tondus, appartenant désormais au bourreau après être traduit au Tribunal, cette usine de mort. La guillotine fauche au hasard, avec le capricieux aveuglement d’une épidémie. Ses coups n’ont plus aucune portée politique. Les corps des guillotinés sur la place du Trône renversé, (dont le poète André Chénier, la vieille abbesse de Montmartre, Louise de Montmorency, et la famille de La Fayette, 1 306 victime au total), sont inhumés dans la fosse commune du jardin de Picpus, ancien couvent des chanoinesses de Saint-Augustin. Aujourd’hui, c’est un cimetière privé où on pénètre quand on franchit la porte du numéro 35 de la rue de Picpus, l’entrée au jardin se trouve au fond, près de la chapelle. C’est un vaste parc, solennel, silencieux, désert : longues allées droites, plantées de tilleuls, chemins sablés encadrant des rectangles de gazons. À droite, on voit l’entrée au cimetière. Pas un arbre, très peu de fleurs ou de couronnes ; rien que de sobres monuments de pierre, très simples pour la plupart. Tout impressionne par sa sévérité. La tombe du général La Fayette (1757-1834), héros de la guerre d’indépendance américaine, est la seule qui est toujours décorée de drapeaux déposés par des visiteurs américains. On a peine à détacher ses regards de ce lugubre mur qui a vu les épouvantables scènes des nuits de juin 1794. On revoit par la pensée l’affreuse charrette entrant là. Pour échapper à cette vision, il est bon de visiter la chapelle du couvent à l’entrée du parc. Elle est très sombre, cette église, et lorsqu’on y pénètre, on n’y peut distinguer d’abord que quelques formes blanches agenouillées sur les dalles, comme des fantômes en prière. Puis les regards s’habituent à cette obscurité, et on reconnaît que ces fantômes sont des religieuses portant la robe blanche et le voile de mousseline. Aux murs de pierre est gravée la longue liste des morts dans la fosse commune. Chaque jour un prêtre offre, dans cette chapelle, le Saint Sacrifice en commémoration de toutes les victimes de la révolution. Chaque année, au printemps, un service solennel est célébré à l’intention de ceux qui ont péri à la place du Trône, et les assistants, à l’issue de la cérémonie, se rendent au cimetière où l’on prie encore pour les victimes et pour leurs bourreaux , car les bourreaux ne sont pas oubliés et, tous les ans, à la date correspondante au 9 thermidor, les saintes filles implorent de la miséricorde divine et du pardon pour ceux qui sont tachés de sang.
Le 9 Thermidor (27 juillet 1794)
La triste liste des guillotinés s’allonge. Si on s’explique encore mal les raisons de Robespierre, les résultats en sont évidents : le mécontentement contre le tyran. Les Parisiens commencent à avoir la « nausée de la guillotine ».
Après un discours menaçant de Robespierre à la Convention, les députés comprennent qu’une nouvelle purge1 se prépare. Un complot se trame dans la nuit ; le lendemain, le 9 Thermidor (27 juillet), Robespierre n’arrive pas à prendre la parole pendant la séance de la Convention : les députés font claquer leurs pupitres, on ose lui répondre, on l’accuse de la tyrannie. Robespierre est arrêté et quitte la salle entre les gendarmes. Il arrive pourtant à s’enfuir et se réfugie avec ses amis à l’Hôtel de Ville. Les troupes de la Convention y vont les chercher. Que se passe-t-il alors ? Des coups de feu éclatent : Robespierre gît sur le sol, la mâchoire gauche fracassée. A-t-il voulu se suicider ? Est-ce le gendarme qui l’a atteint ? On ne saura jamais. On lui fait un pansement. Il souffre atrocement. Le prisonnier et ses vingt amis, dont Saint-Just, sont transportés à la Conciergerie et guillotinés sur la place de la Révolution, celle où avaient été exécutés Louis XVI et Marie-Antoinette. Une ovation immense, folle, délivrée emplit le ciel déjà rosi du crépuscule. La page la plus sanglante de la Révolution est tournée. Pendant ce temps, une jeunesse dorée et insouciante, permet le retour des royalistes, dont la révolte va être maîtrisée par un petit général sans le sou : Bonaparte. Mais ce sera une autre histoire.
Quant, à nous, paisibles promeneurs, nous achevons notre parcours révolutionnaire. Merci à tous ceux qui ont suivi cette saga pas bien gaie jusqu’au bout. Fin de la ballade. Au revoir, citoyens !
1 Elimination autoritaire d’éléments politiquement indésirables.