Les Routes de l’Histoire
Alla CHEÏNINA
La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit »
(Suite. Voir N°8, 9, 10, 12, 13, 14, 15/2009)
Depuis près de deux mois, l’Assemblée pense à rédiger une Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Elle apparaît enfin, élaborée dans la souffrance. Elle n’est pourtant pas parfaite, la Déclaration qui condamne en effet tous les privilèges, mais « oublie » de mentionner la suppression de l’esclavage, l’instauration du suffrage universel, le droit au travail. Écrite par Mirabeau et Sieyès et débattue en séances publiques, la Déclaration des droits de l’homme est adoptée et proclamée le 26 août 1789. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen deviendra le symbole éternel de la Révolution française et aura une porté universelle D’une écriture dense et claire à la fois, ce texte fondateur de la nation française se compose d’un préambule et de dix-sept articles, consacrés les uns aux droits de l’homme, les autres à ceux de la nation. Véritable credo philosophique, social et politique, ce texte constituera le préambule de chacune des cinq constitutions françaises (aujourd’hui c’est la Ve République, donc la cinquième constitution). Trois principes fondamentaux dominent cette déclaration de portée universelle :
1) l’égalité des citoyens devant la loi ;
2) l’existence de droits naturels et imprescriptibles de l’homme : la liberté, définie comme « le droit de faire tout ce qui ne nuit à l’autrui », la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression (qui justifie l’insurrection populaire du 14 juillet). Il s’agit d’abord de la liberté individuelle (garantie contre les arrestations arbitraires), puis de la liberté de penser, de parler, de publier ses opinions (sauf si l’on trouble l’ordre établi par la loi), de posséder des biens (la propriété est dite « inviolable et sacrée ») Libres, les citoyens sont également égaux entre eux, devant la justice et devant l’impôt.
3) la souveraineté de la nation.
Texte de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789
Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d’exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs; afin que les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.
En conséquence, l’Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être Suprême, les droits suivants de l’homme et du citoyen.
Article 1 – Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.
Article 2 – Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression.
Article 3 – Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.
Article 4 – La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui: ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.
Article 5 – La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas.
Article 6 – La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ces yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.
Article 7 – Nul homme ne peut être accusé, arrêté ou détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu’elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires doivent être punis; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l’instant; il se rend coupable par la résistance.
Article 8 – La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.
Article 9 – Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.
Article 10 – Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi.
Article 11 – La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.
Article 12 – La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique; cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux à qui elle est confiée.
Article 13 – Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés.
Article 14 – Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.
Article 15 – La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.
Article 16 – Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution.
Article 17 – La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.
Louis XVI suit jour après jour l’élaboration et le vote des arrêtés du 4 août, et de la Déclaration des droits. Il reste à élaborer la Constitution. Mais d’abord, il peut approuver ou refuser les décrets du 4 août. Au cas où l’Assemblée lui donnerait un droit de veto sur la loi. C’est là le problème, car les patriotes, dont un certain Robespierre menacent de marcher sur Versailles si l’on donne au Roi un droit de veto. On discute. On se sépare en « droite » et « gauche » pour ou contre un droit de veto. C’est alors que naissent « La droite » et « La gauche »
Louis s’obstine et refuse de publier les décrets du 4 août si on ne lui accorde pas un droit de veto. On s’accorde sur un droit de veto suspensif : « Le gouvernement est monarchique, le pouvoir exécutif est délégué au Roi pour être exercé sous son autorité par des ministres. »
L’article 1 de la Constitution affirme : « Le gouvernement français est monarchique. Il n’y a point en France d’autorité supérieure à la loi ; le Roi ne règne que par elle et ce n’est qu’en vertu des lois qu’il peut exiger l’obéissance. » Mais Robespierre écrit : « Le veto royal est un monstre inconcevable en morale et en politique. » Les ouvriers, les marchands, les paysans répètent eux aussi que le Roi ne doit point avoir de veto. Louis XVI, espère-t-il encore que depuis de nombreuses semaines, les choses rentreront dans l’ordre ? En tout cas, il hésite chaque fois qu’on lui propose de quitter Versailles et de s’enfuir pour gagner Metz ou Rouen. Comment abandonnerait-il ses devoirs et son peuple ? Marie-Antoinette est désespérée d’être incapable de convaincre son époux de partir. Mais sa décision est prise : elle restera auprès de lui, s’il demeure en France ; elle saura faire face au destin.
La naissance de la Droite et de la Gauche
Le clivage politique « droite/gauche » désormais passé dans le langage politique universel remonte aux premières heures de la Révolution. En 1789, les hommes politiques appartiennent à des tendances et non à des partis constitués. Lorsqu’en 1789 les députés se réunissent, des aristocrates se mettent à la droite du président de l’Assemblée. Et ceux qui veulent limiter le pouvoir monarchique se regroupent spontanément à sa gauche. Le clivage « droite-gauche » est né et passera à la postérité. La droite regroupe d’abord des monarchistes, la gauche des partisans de la monarchie constitutionnelle. Les patriotes, tel Robespierre, sont à l’extrême gauche.
Une nouvelle liberté : la presse
La liberté de la presse, proclamée en 1789 dans la Déclaration des droits de l’homme, est l’un des plus grands acquis des premiers mois de la Révolution. Avant 1789, seuls quatre journaux politiques existent et ils dépendent étroitement du pouvoir. En 1790, la France compte près de quatre cents titres, mais certains ne paraissent que pour un ou deux numéros. Avec la presse naît l’opinion publique. La presse devient un instrument de combat, une tribune. Presque tous les hommes politiques ont leur feuille, où ils exposent leurs idées avec passion : Camille Desmoulins dirige les Révolutions de France, puis, le Vieux Cordelier ; Marat, L’Ami du peuple. Ce dernier est le porte-parole des sans-culottes. Les royalistes ont aussi leurs propres journaux (mais ces organes contre-révolutionnaires vont disparaître avec la monarchie) : Les Actes des apôtres, Mercure de France. Il existe déjà, des feuilles à sensation, qui traquent le fait divers et les anecdotes : vol des bijoux de la Couronne, suicides, drames passionnels, poésies, petites annonces, courrier des lecteurs, mode, éducation, conseils civiques. Enfin subsistent les « feuilles volantes », collées sur les murs ou vendues à la criée, qui diffusent des informations compréhensibles pour tous, sous forme de dessins et de caricatures. C’est le média à chaud !