Les Routes de l’Histoire
Rayonnement de la culture québécoise
Le mot-clé « culture » mérite d’être consulté dans le dictionnaire de référence, comme Robert. Nous y trouvons deux définitions qui nous intéressent :
« 1) Ensemble des aspects intellectuels propres à une civilisation, une nation
2) Ensemble des formes acquises de comportement, dans les sociétés humaines »
La culture québécoise réunit ces deux définitions dans la mémoire collective.
Pour faire le point sur l’état de la culture au Québec un forum stratégique s’est tenu sur cette question en hiver 2007 lorsque plus de 1 500 citoyens et intellectuels se sont prononcés sur une multitude de sujets concernant la culture québécoise, notamment son présent et son avenir.
Les principaux résultats de ce débat à l’échelle nationale ont eu comme le dénominateur commun l’affirmation que la culture est un ciment de cohésion sociale. Les Québécois veulent vivre dans une société où la culture aurait la première place, où l’art serait « une respiration quotidienne ». Cette culture doit faire de la langue française la langue commune. Elle doit rassembler les cultures de toutes les communautés pour en faire une valeur commune nationale compatible avec la Charte des droits et libertés de la personne au Québec.
Le Canada et le Québec en particulier sont les pays de forte immigration : annuellement environ 250 000 immigrants arrivent au Canada, dont 55 000 au Québec. Ce facteur démographique influence la culture qui doit aider à assimiler les nouveaux arrivants au pays. La culture doit se baser sur le partage des valeurs communes.
Les Québécois veulent que la culture soit facilement accessible pour tous les citoyens. Il faut que les rencontres, les échanges, les dialogues sous toutes les formes soient chose courante partout dans le pays. Donc, il faut que l’éducation de jeunes soit le moteur de la culture.
Le patrimoine culturel québécois représente un trésor national de peintures, sculptures, chansons, spectacles, films etc. conservés dans les musées ou les bibliothèques, présentés aux théâtres, cinémas et sur les places publiques et souvent gratuitement accessibles au public.
Jetons quelques coups d’œil rapides sur les artistes et les œuvres culturelles québécoises le plus connus aussi bien au Canada qu’à l’échelle internationale.
Art pictural québécois
C’est au milieu du XVIe siècle que l'on trouve les premières représentations en images du territoire canadien, de ses habitants, de sa faune et de sa flore.
KRIEGHOFF, Joueurs aux cartes
KRIEGHOFF, Vue de pointe de levis
KRIEGHOFF, Montmorency
Clow TODD, Montmorency
DUMOUCHEL, La Chanson du cœur brisé
Ces documents sont presque toujours produits en Europe par des artistes qui ne sont jamais venus au Canada et qui tentent d'illustrer, en s'inspirant de la tradition européenne, les récits de voyage des explorateurs, des colons, des coureurs de bois.
Au fur et à mesure de la découverte du pays et de la progression à l’intérieur des militaires, des marchands et des colons, les autorités coloniales ressentaient un besoin d’avoir les relevés des territoires pour mieux exploiter ou aménager les nouveaux espaces. Cela a donné naissance à un courant nommé de nos jours « les Peintres topographes ». Ces peintres avaient le sens aigu du détail, de fidélité de la réalité observée dans la représentation du paysage. L'exécution était toujours précise grâce aux certains instruments comme « camera lucida ». Ils se plaisaient évoquer des images poétiques qui ouvraient de nouveaux panoramas à l'imagination populaire.
Il existe dans les collections québécoises des paysages topographiques qui datent de la fin du XVIIe siècle au début du XXe siècle. Les artistes topographes peignent des paysages idéalisés et souvent grandioses. Le sujet favori de plusieurs d'entre eux était « Les chutes de Montmorency » dans les environs de la ville de Québec.
Avant 1840, la peinture québécoise est influencée par les goûts européens. Mais le contenu, de plus en plus canadien, influencera grandement la pratique des peintres qui sont venus s’installer au Canada.
Le plus célèbre de ces peintres émigrés était Cornelius Krieghoff. Il a épousé une Canadienne française et s'est installé à Québec en 1841. Ses sujets de prédilection, l'habitant canadien-français et l'Amérindien, plaisaient aux amateurs. Son approche picturale, presque théâtrale, est unique dans la peinture canadienne de son temps. Certaines sont humoristiques, d'autres anecdotiques. D'un tempérament vif et débordant d’imagination débridée, Krieghoff, transforme ses images de la vie quotidienne en fresques instantanées d'une immense popularité. Dans un de ses tableaux, il représente avec un clin d’œil froid un prêtre trop à cheval sur les interdictions faisant la morale à ses paroissiens, surpris en train de manger de la viande pendant le carême. Dans d'autres œuvres, des amoureux s’amusent par un soir d'hiver, des hommes trichent aux cartes, des voisins font des commérages (le placotage en bon québécois), des gentlemen de Montréal sont emportés dans de beaux traîneaux. Il s'intéresse depuis toujours aux Indiens et, comme sa femme est d'origine française, il connaît le style de vie des habitants en détail. Il est important de noter que l’intérêt qu'obtient Krieghoff pour ses tableaux lui vient des riches canadiens-anglais, car la bourgeoisie française de l'époque voit dans ses tableaux, qu'elle considère comme une caricature vulgaire de la vie du peuple, une insulte à leur mode de vie. À la fin de sa vie Krieghoff rejoint sa fille à Chicago en 1871 et y meurt subitement. Ses 2 000 toiles aux thèmes populaires, anecdotiques ou folkloriques apportent une nouvelle couleur à la peinture canadienne, et ses contemporains ne parviennent pas à surpasser son romantisme du quotidien.
Faute de place nous nous limiterons à dire que de nombreux courants et tendances ont marqué la peinture québécoise. Comme les mouvements modernes avec les trois figures de proue : John Lyman, Alfred Pellan et surtout Paul-Émile Borduas. En voulant souligner un apport inestimable de plusieurs peintres et sculpteurs contemporains québécois (comme Alfred Pellan (Québec, 1906 – Laval, 1988), Jean-Paul Lemieux (Québec, 1904 – Montréal, 1990), Jean-Paul, Riopelle (Montréal, 1923 – l’île aux Grues près de Montmagny 2002)) les conservateurs du Musée national des Beaux arts du Québec ont prêté à leurs œuvres des salles au complet. Ils ont été décorés des ordres et des distinctions les plus éminents du Canada.
On ne peut pas passer sous silence l’expression artistique des premières nations de la province du Québec, comme les Inuits, par exemple (vivant à l’extrême nord du Québec) qui ont amorcé aux années 1950 la recherche de leur identité à travers la création et la commercialisation des objets (statuettes, figurines…) liés intimement à leurs mode de vie ancestrale (chasse et pêche).
Aux années 60, cet artisanat, se transforma en une véritable production artistique. Un marché se développa en province du Québec et au-delà grâce à une forte demande des statuettes représentant des scènes du quotidien.
La chanson québécoise
KRIEGHOFF, Huron
La chanson québécoise est un marqueur historique de la mémoire du peuple. En évoluant sur le plan social et littéraire au fil des changements de la société elle a franchi les frontières nationales et a pris la place méritée en communauté francophone. Et même de nos jours au temps d’Internet et d’Youtube, elle est présente à l’horizon musical du monde entier. Qu’il s’agisse des pionniers tels que La Bolduc (Ça va venir découragez-vous pas), Félix Leclerc (Le P'tit bonheur1), Gilles Vigneault (Gens de mon pays) ou des célébrités et stars comme Ginette Renaud (Je ne suis qu'une chanson2), Raymond Levesque (Quand les hommes vivront d’amour) ou Céline Dion (S’il suffisait d’aimer), ils expriment tous par leurs chansons un rêve ou un idéal social commun en toute simplicité de l'expression poétique.
Parmi ces figures emblématiques les chansonniers (qui sont des auteurs-interprètes) ont été sur l’avant scène de la vie publique aux années 60. Félix Leclerc et Raymond Lévesque étaient les plus aimés par la jeunesse, ce sont eux qui ont ouvert la voie à une vogue populaire pour des chansons interprétées par un chanteur solitaire s'accompagnant lui-même à la guitare ou au piano.
John LYMAN, À la plage
Ils deviennent les porte-parole d'une jeune génération de la Révolution tranquille et de son vaste mouvement de libération économique et culturelle. Les chansonniers jouent un premier rôle dans l'évolution sociale et reflètent l'état d'esprit des changements positifs des Québécois à l'égard de leur pays natal.
Aux années 70 s'ouvrent alors de grandes salles de concert, et l'industrie du disque influence la deuxième génération de chansonniers. C'est ainsi qu'une nouvelle cohorte d'auteurs-compositeurs-interprètes émerge, avec Robert Charlebois en chef de file. Il est le premier à utiliser toutes les nouveautés, comme la guitare électrique et à chanter avec un groupe. D'autres vont lui emboîter le pas. La chanson du Québec se montre ouverte aux influences les plus diverses et s'internationalise.
Chaque année, les Francofolies de Montréal et divers festivals de chansons permettent de découvrir de nouveaux talents, comme la toute nouvelle étoile montante Ariane Moffatt (J’te garde avec moi3).
Le théâtre québécois
Jean-Paul LEMIEUX
Jean-Paul RIOPELLE
Le théâtre n'a longtemps tenu qu'une place marginale dans la vie du Canada français : divertissement mondain ou spectacle de collège. Mais plusieurs théâtres sont construits à Montréal au début du XXe siècle, où l'on joue, avec un léger décalage, les succès du Boulevard parisien.
Le public fait un triomphe, en 1948, à la première pièce de Gratien Gélinas, Ti Coq, qui met en scène un personnage sorti des classes populaires, s'exprimant dans une langue très directe.
À partir de 1955, le théâtre est l'objet d'une attention particulière de la part des autorités. On finance la construction de salles de spectacles modernes, on aide à la formation des dramaturges et des comédiens. C'est sans doute ce qui facilite l'éclosion, dans les années 1960, d'un théâtre davantage enraciné dans la réalité québécoise.
En 1968, la pièce Les Belles-Sœurs de Michel Tremblay est présentée au public. Elle rencontre un succès éclatant et devient le symbole du théâtre de rupture qui triomphe sur les scènes québécoises. Les Belles-Sœurs, dont l'action réunit quinze femmes des milieux populaires montréalais, rassemblées dans la cuisine de l'une d'elles pour coller les timbres-primes d'un concours publicitaire, donne au joual une étonnante vigueur dramatique, tout en dénonçant l'aliénation tranquille de la famille québécoise.
Né en 1942, Michel Tremblay s'est imposé comme le dramaturge majeur – c'est en tout cas le plus joué et le plus connu en dehors du Québec –, et son œuvre dramatique, peuplée de marginaux et de travestis, renvoie une image très forte des contraintes morales, religieuses, familiales qui pèsent sur la société québécoise.
Nous pourrions parler aussi du cinéma québécois, comme l’art le plus populaire, qui oscille entre le divertissement et le cinéma d’auteur. Bien sûr, le cinéma ne peut pas tenir tête à la concurrence avec les films américains. Il est évincé de plus en plus par l’industrie des jeux et de la vidéo. Et quand-même le cinéma québécois est bel et bien vivant et les films décrochent parfois les plus grands prix (César et Oscar) comme le film Les Invasions barbares écrit et réalisé en 2003 par Denys Arcand. Les personnages de ce film se sont retrouvés dans un autre long métrage d’Arcand L'Âge des ténèbres (2007).
Conclusion
Paul-Émile BORDUAS
Mais la culture du peuple c’est aussi le comportement de Monsieur et Madame tout le monde en public ou en privé en interaction avec d’autres gens. Les sondages sociologiques prouvent que les québécois sont les plus chaleureux de tous les habitants de l’Amérique du Nord. Si vous demandez un renseignement dans la rue ou dans un lieu public, vous recevrez toute l’information voulue avec gentillesse et courtoisie, qui ne vous laissera pas indifférent à cette amabilité québécoise. Le code de la route est appliqué avec un grand respect d’identité de l’autre usager, que cela soit un piéton, un cycliste, un motard ou un écureuil effarouché qui traverse la Grande Allée en plein centre de la ville de Québec.
Si la boutade que « la culture c’est ce qu’il vous reste lorsque tout est oublié » est vraie, parce que vous vous êtes débarrassés des choses peu pratiques et ne gardez que l’essentiel, alors les Québécois, francs, sincères et directs, sont des gens de grande culture humaniste, très proches les uns des autres.
Ils sont friands de tous les genres d’expression culturelle. Si vous venez en décembre 2009 comme touriste à Québec, vous allez les voir dans le Grand Théâtre. Le 10 décembre ils vont écouter L'Orchestre symphonique de Québec, le 6 décembre regarderont Les Grands Ballets Canadiens de Montréal et le 27 décembre chanteront avec Les Cowboys Fringants. Rejoignez-les un jour, si le cœur vous en dit.
1 « C'est un petit bonheur / Que j'avais ramassé / Il était tout en pleurs / Sur le bord d'un fossé ».
2 « Ce soir je ne me suis pas épargnée, toute ma vie j'ai raconté / Comme si ça ne se voyait pas, que la pudeur en moi n'existe pas / Ce soir au rythme de mes fantaisies, j'vous ai fait partager ma vie / En rêve ou en réalité, ça n'en demeure pas moins la vérité »
3 « Dans la lune sous la brume, jusqu’au bout de ma plume / J’te garde avec moi, quand j’me perds quand j’me cherche / Même quand je n’y suis pas, toi t’es là ? »