Les Routes de l’Histoire
Macha Méril, actrice et romancière française
Macha Méril, actrice et romancière française, de son nom complet princesse Marie-Madeleine Gagarine est née le 3 septembre 1940 à Rabat au Maroc. On la connaît bien, on l’aime beaucoup, on écrit beaucoup d’elle. Moi, j’ai préféré donner la parole à Macha Méril. Qu’elle parle elle-même.
Je suis née un 3 Septembre à Rabat. Mes parents, Marie Belsky et le prince Wladimir Gagarine, étaient cousins et s'étaient retrouvés dans le Midi de la France après leur fuite de la Russie bolchevique. Ils s'étaient mariés, naturalisés Français et établis dans une petite propriété horticole à Antibes achetée avec les derniers bijoux sauvés.
Mon demi-frère Georges et mes sœurs Hélène et Elisabeth sont nés sur la Côte d'Azur. Peu avant la guerre, mon père, ingénieur agronome, reçut la proposition de créer une plantation d'agrumes au Maroc. Je suis née pendant ces années heureuses où mes parents avaient retrouvé les grands espaces de l'Ukraine de leur jeunesse dans la douceur de la vie coloniale d'Afrique du Nord.
La guerre bouleversa cette paix retrouvée. Écrasé de chagrin après la perte de Georges, tué au front à la veille de l'Armistice, mon père mourut du typhus au cours de son voyage sur la tombe de son fils. J'avais cinq ans.
Ma mère décida alors de nous ramener en France, pour faire nos études à Paris. J'ai fait ma scolarité au Lycée Marie-Curie de Sceaux. J'ai ensuite commencé une licence de lettres à la Sorbonne, tout en fréquentant le cours Dullin, école de théâtre du TNP (Théâtre National Populaire). Très vite j'ai été choisie pour tourner mon premier film et j'ai interrompu mes études universitaires. Nous tirions le diable par la queue1, mes sœurs et moi avons dû travailler très tôt.
Ma première fugace apparition au cinéma fut dans le Le Signe du lion de Eric Rohmer, mais mon premier rôle important fut dans La Main chaude, de Gérard Oury. Une comédie acide où je remplaçais Brigitte Bardot, alors enceinte, auprès de Jacques Charrier, son nouveau mari.
Conseillée par Gérard Oury, j'ai pris le pseudonyme Macha Méril en luttant pour conserver au moins mon prénom. On me disait que Gagarine était un nom à coucher dehors2 et que personne ne s'en souviendrait.
Désireuse de suivre les cours de Lee Strasberg à l'Actor's Studio et d'apprendre l'anglais, je n'hésite pas à accepter la proposition d'aller travailler à New York, où j'ai vécu deux ans.
Je suis rappelée en France pour interpréter la petite sœur de Marina Vlady dans Adorable Menteuse, de Michel Deville. Puis, la chance me sourit quand je fus choisie par Jean-Luc Godard pour être l'héroïne de Une Femme Mariée, qui représente la France au festival de Venise, me fait connaître dans le monde entier et me vaut le prix Suzanne Bianchetti (meilleure jeune actrice de l'année).
Je poursuis ma carrière de comédienne avec L'Espion, L'Horizon, et Belle de jour.
En 1969, j'épouse le producteur et cinéaste italien Gian Vittorio Baldi et je m'établis à Rome, où je tourne en italien L'Amour Conjugal, La Notte dei Fiori, et Le Dernier jour de classe avant les vacances de Noël etc.
De retour en France après mon divorce, Robert et Robert, puis Les Uns et les Autres, ainsi qu'une série TV sur la vie de Colette me rappellent au public français.
En 1982, je publie mon premier roman La Star, puis mes livres de cuisine.
Au théâtre, je fais mes débuts en France avec L'Éloignement, de Loleh Bellon, au théâtre de la Gaîté-Montparnasse, puis je joue Arkadina dans La Mouette de Tchékov au Théâtre de l'Odéon, Fièvre Romaine d'après Edith Wharton, au Petit Marigny, et Bel-Ami de Pierre Laville, d'après Maupassant, au théâtre Antoine. Simultanément j'ai tourné de nombreux téléfilms, en France, en Angleterre, en Argentine, en Pologne, en Bulgarie et en Italie.
À l'occasion du 50ème Festival de Cannes, je crée avec mes amies comédiennes une association pour protester contre la vision obsolète de la femme de 50 ans dans les films, la publicité et les media : Les Cinquantièmes Jubilantes. Nous recevons 3 000 demandes d'adhésion de toute la France, la Belgique et les pays francophones.
Je collabore depuis au magazine Côté Femme du groupe Bayard Presse, où je tiens une rubrique hebdomadaire qui répond aux interrogations des femmes de ma génération. Les éditions Albin Michel les ont publiées dans le recueil Patati patata, trois petits tours et puis ça va (2001).
Je publie J'aime pas, (1997) puis le roman Love baba (2000), en 2003 Biographie d'un sexe ordinaire et en 2008 Un jour, je suis morte…
Je poursuis depuis 2000 une tournée internationale avec le spectacle Feu sacré, textes de George Sand et musiques de Chopin interprétées par le grand pianiste Jean-Marc Luisada.
Au cours des dix dernières années, j'ai été décorée Officier des Arts et des Lettres, Chevalier de l'Ordre du Mérite, Chevalier de la Légion d'Honneur et Chevalier du Mérite Agricole.
Extrait de l’interview
La qualité que vous préférez chez une femme ?
Le courage.
Et chez un homme ?
La franchise.
Le personnage historique que vous admirez le plus ?
George Sand, la première des féministes. Elle n'a renoncé à rien : ni à être une amoureuse ni à être une mère de famille.
Vos écrivains préférés ?
Dostoïevski, Faulkner, mais aussi la comtesse de Ségur, qui était une femme pleine d'audace.
Vos compositeurs favoris ?
Tous les Russes : Tchaïkovski, Rachmaninov, Moussorgski, ou Scriabine.
Vos films cultes ?
Voyage en Italie, de Roberto Rossellini. Et La Splendeur des Amberson, d'Orson Welles.
Si vous pouviez changer une chose dans votre apparence ?
Je voudrais une taille de guêpe.
Votre plus grand regret ?
Je n'en ai pas. Les regrets, je ne sais pas ce que c'est. Je n'ai que des désirs...
Que possédez-vous de plus cher ?
La santé.
Votre devise ?
Être une femme, c'est le bonheur !
État présent de votre esprit ?
Je me dis que c'est bien agréable de vieillir. Moi, je pense vraiment que la vie commence à 50 ans.
Citations de Macha Méril
– Quand il faut nourrir une famille, on n’a pas le temps de se perdre en regrets et nostalgies. Les enfants obligent les parents à ne pas sombrer, ils extirpent d’eux ce à quoi ils ont droit : leurs racines, l’histoire de leurs gênes, leurs origines. Un objectif supérieur efface tous les désagréments du moment.
– Il y a du désespoir dans l’humour.
– Une vie sans perspective, sans lumière au fond du couloir est une vie arrêtée. Il y a bien les gestes automatiques, les gestes répétés tous les jours, mais ils ne sont qu’un simulacre d’existence, le fond reste immobile, lourd, inerte.
– Méfiez-vous des euphoriques, ils ne sont pas heureux.
– Il faut être vivant pour vouloir.
– Le bonheur lui, reste, néanmoins fuyant, malgré tous ces martèlements.
– Être femme est un privilège, pas un devoir.
– La liberté est un bien précieux, mais trop de liberté est une calamité. On ne peut pas vivre quand on est trop libre. Il faut une limite, un horizon, une enceinte qu’on n’a pas choisie mais qui nous encercle de ses bras protecteurs. Cette forteresse, c’est la famille, le clan, le groupe… trop de liberté rend fou. La liberté est un leurre, une aspiration à l’impossible, comme le rêve d’Icare, voler avec des ailes d’ange, inspirées de celles des grands oiseaux. La liberté est une idée qui a enflammé les hommes et les peuples, mais qui n’assure pas le bonheur.
– Aider les personnes en grande difficulté ne satisfait pas seulement notre besoin de solidarité, mais contribue à consolider la société tout entière, à défendre les valeurs d’un pays, d’une culture et d’une tradition de justice.
– La gaieté se bâtit aussi sur la souffrance.
(La publication est préparée par Jeanna AROUTIOUNOVA.)
1 tirer le diable par la queue – еле перебиваться, бедствовать
2 avoir un nom à coucher dehors – иметь трудно произносимую/запоминающуюся фамилию