Une belle page architecturale

Le Mont-Saint-Michel

(Suite. Voir N°21, 22, 24/2008)

Quelle vision, quand on arrive, comme moi à Avranches, vers la fin du jour ! La ville est sur une colline ; et on me conduisit dans le jardin public, au bout de la cité. Je poussai un cri d’étonnement. Une baie démesurée s’étendait devant moi, à perte de vue, entre deux côtes écartées se perdant au loin dans les brumes ; et au milieu de cette immense baie jaune, sous un ciel d’or et de clarté, s’élevait sombre et pointu un mont étrange, au milieu des sables. Le soleil venait de disparaître, et sur l’horizon encore flamboyant se dessinait le profil de ce fantastique rocher qui porte sur son sommet un fantastique monument.

Dès l’aurore, j’allai vers lui. La mer était basse, comme la veille au soir, et je regardais se dresser devant moi, à mesure que j’approchais d’elle, la surprenante abbaye. Après plusieurs heures de marche, j’atteignis l’énorme bloc de pierres qui porte la petite cité dominée par la grande église. Ayant gravi la rue étroite et rapide, j’entrai dans la plus admirable demeure gothique construite pour Dieu sur la terre, vaste comme une ville, pleine de salles basses écrasées sous des voûtes et de hautes galeries que soutiennent de frêles colonnes. J’entrai dans ce gigantesque bijou de granit, aussi léger qu’une dentelle, couvert de tours, de sveltes clochetons, où montent des escaliers tordus et qui lancent dans le ciel bleu des jours, dans le ciel noir des nuits, leurs têtes bizarres hérissées de chimères, de diables, de bêtes fantastiques, de fleurs monstrueuses, et reliés l’un à l’autre par de fines arches ouvragées.

Quand je fus sur le sommet, je dis au moine qui m’accompagnait : « Mon Père, comme vous devez être bien ici ! »

Il répondit : « Il y a beaucoup de vent, monsieur » ; et nous nous mîmes à causer en regardant monter la mer, qui courait sur le sable et le couvrait d’une cuirasse d’acier.

Et le moine me conta des histoires, toujours des légendes…

(d’après Guy de Maupassant, Le Horla)

Fiche pédagogique

VOCABULAIRE

au bout de la cité – на краю города

pousser un cri – вскрикнуть

une baie démesurée – необъятная бухта

s’étendre – простираться

à perte de vue – насколько хватало глаз

côte (f) – берег

écarté – удаленный

brume (f) – легкий туман, дымка

immense – огромный, необъятный

clarté (f) – свет, ясность

pointu – острый, остроконечный

flamboyant – пылающий, пламенеющий

rocher (m) – скала, утес

sommet (m) – вершина

dès l’aurore (f) – с самой зари

la veille – накануне

se dresser – вздыматься, подниматься

à mesure que – по мере того как

surprenant – удивительный, неожиданный

abbaye (f) – аббатство

atteindre – достигать, добираться, доходить

ayant gravi – взобравшись

demeure (f) – жилище, дом (обычно красивый, большой)

vaste – обширный, просторный

écraser – раздавить

voûte (f) – свод

frêle – хрупкий

dentelle (f) – кружево

svelte – стройный

clocheton (m) – колоколенка

tordu – искривленный, кривой

bizarre – странный, причудливый

hérissé de – утыканный, ощетинившийся

arche (f) – арка (моста), пролет (мостовой)

ouvragé – искусно сделанный

moine (m) – монах

cuirasse (f) – кираса, броня, латы

acier (m) – сталь

QUESTIONS

Où se trouve Avranches ? Trouvez cette cité sur la carte.
Montrez sur la carte le Mont-Saint-Michel.
Comment est construit ce texte ? Quel est le sujet de chacun de ses fragments ?
Qu’est-ce que vous voyez en lisant la première partie du texte ? Décrivez le paysage. Parlez de l’espace, des volumes, des couleurs, des formes.
Est-ce que vous sentez un certain mouvement dans cette description ? À quoi est dû ce mouvement ? Parlez-en.
Passons au deuxième fragment du texte. Qu’est-ce que décrit l’auteur ici ?
Le mouvement continue, n’est-ce pas ? Mais c’est déjà un autre mouvement. En quoi consiste la différence ?
Comment dans le deuxième fragment du texte se marient des détails statiques avec un dynamisme ?
Parlez des détails d’architecture que l’auteur a nommés.
Comment les détails concrets coexistent avec des procédés de style ?
Parlez du rôle des épithètes dans cette description. Est-ce qu’il y a des comparaisons dans le texte ? Voyez-vous des personnifications dans cette image de l’abbaye ? Sentez-vous la présence des contrastes ici ?
Apprenez par cœur le deuxième fragment du texte.
Quel est le rôle de l’auteur dans le texte ? Parlez de l’auteur en tant que personnage, narrateur et proprement dit auteur du texte . Que voit le personnage ? Que sent-il ? Qu’est-ce que le narrateur ajoute aux impressions du personnage ? L’auteur et le narrateur – c’est la même personne ou non ? Qu’est-ce que vous en pensez ?
La conclusion du texte, en quoi elle se diffère des parties précédentes ?
Il y a une petite nuance d’ironie dans la conclusion. Laquelle ?
La conclusion est comme une synthèse de deux premiers fragments. Comment s’unissent ici leurs éléments (paysage, cathédrale, personnage lyrique) ?